| CROISADE, subst. fém. A.− HIST. (cf. croiser II B 1). 1. Expédition dont les participants portaient une croix d'étoffe cousue sur leur habit, entreprise au Moyen Âge par les chrétiens d'Europe pour délivrer la Terre Sainte de l'occupation musulmane. Époque, histoire, temps des croisades; prêcher la croisade : 1. Le cri de « Dieu le veut! » répondit de toutes parts à sa proclamation, repris par Urbain lui-même qui en fit le cri de ralliement général et demanda aux futurs soldats du Christ de se marquer du signe de la croix. La « croisade » était née, idée en marche qui allait lancer princes et foules jusqu'au fond de l'Orient.
Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 6. ♦ Fam. Descendre des croisades. Être de vieille noblesse : 2. ... [Gisette] parle à l'oreille des gens, d'une voix de polichinelle, de soupers toute la semaine jusqu'à cinq heures avec des gens qui descendent des croisades : « Il vient des preux. » Et sous la blague, on la sent touchée, comme un peuple, par un titre.
Goncourt, Journal,1861, p. 993. − P. anal. Expédition contre des hérétiques. Croisade contre les Albigeois, les Hussites : 3. Vous savez l'histoire de la croisade contre les Albigeois, commandée par Simon de Montfort. Ce fut la lutte de la féodalité du nord contre la tentative d'organisation démocratique du midi. Malgré les efforts du patriotisme méridional, le nord l'emporta; l'unité politique manquait au midi, et la civilisation n'y était pas assez avancée pour que les hommes sussent y suppléer par le concert. La tentative d'organisation républicaine fut vaincue, et la croisade rétablit dans le midi de la France le régime féodal.
Guizot, Hist. gén. de la civilisation en Europe,Leçon 10, 1828, p. 26. − P. ext. Lutte armée sous-tendue par un conflit idéologique. L'élan de croisade qu'inspirait au peuple américain son idéalisme instinctif (De Gaulle, Mém. de guerre,1954, p. 192): 4. « ... une guerre contre l'impérialisme prussien, pour en finir, une bonne fois, avec les pangermanistes [songeait Jacques], serait une guerre juste, une guerre sainte, une croisade pour la défense des libertés démocratiques! ... »
Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 463. ♦ P. plaisant : 5. ... une campagne non dépourvue d'audace. Il s'agissait d'abattre au jeune dieu son geste ingénûment viril, (...) la marraine de Jacquette et Mademoiselle de Quinconas partirent dans leur croisade, munies d'un marteau, arme offensive, et d'un filet à papillons pouvant servir à donner le change sur leurs intentions, si elles étaient rencontrées, destiné en réalité à recueillir les « pièces » à l'instant de leur chute, ...
Boylesve, La Leçon d'amour dans un parc,1902, p. 94. 2. Emploi fig. Campagne visant à soulever l'opinion en vue d'un résultat d'intérêt commun : 6. ... nous n'envisageons nullement de considérer l'industrie des jus de fruits comme l'instrument d'une croisade contre les boissons alcooliques ou les boissons fermentées. Ce sont leurs qualités intrinsèques qui doivent les faire aimer pour eux-mêmes et qui doivent leur assurer un débouché important.
Brunerie, Les Industr. alim.,1949, p. 72. B.− Région. (cf. croiser I B). Carrefour, croisée de chemins. Que de lièvres pincés aux croisades des tranchées, aux carrefours des chemins de terre (Pergaud, De Goupil,1910, p. 18). Prononc. et Orth. : [kʀwazad]. [ɑ] post. à la 1resyll. ds Passy 1914, et comme 1revar. ds Warn. 1968. Cf. croix. Admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Av. 1475 « guerre sainte contre les Infidèles » (Chastellain, Chroniques, éd. Kervyn de Lettenhove, III, p. 69); av. 1778 « tentative pour diriger l'opinion en faveur ou contre quelque chose » (Voltaire, Lettres à Catherine II, 119 ds Littré). Issu, par substitution du suff. -ade*, des termes a. fr. de même sens croisement (av. 1195, Amboise ds T.-L.) croiserie (av. 1272 Långfors, Jeux-partis, XLIX, 6) croisière*, croisée (1390 ds Du Cange, s.v. crosata) sous l'infl. de l'a. prov. crozata (début xiiies. Crois. alb. ds Lévy) et accessoirement de l'a. esp. cruzada (1378 ds Al.). La substitution de suff. a été favorisée par la polysémie des termes a. français. Fréq. abs. littér. : 717. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 320, b) 381; xxes. : a) 784, b) 1 246. Bbg. Kidman (J.). Les Empr. lexicol. du fr. à l'esp. des orig. jusqu'à la fin du 1es. Paris, 1969, pp. 84-86. − Rupp. 1915, p. 55. |