| CRAN1, subst. masc. I.− [Ce qui sert à fixer, à arrêter] A.− Entaille pratiquée dans un objet dur, pour y accrocher ou y retenir quelque chose. Roue à crans. La pédale [de la harpe] s'abaisse de un ou deux crans (Gevaert, Traité instrument.,1885, p. 76). 1. TECHNOL. Les crans d'une crémaillère*. Entailles successives qui permettent d'accrocher ou d'arrêter à des hauteurs différentes ce qu'on y suspend. 2. ARM. Entaille où s'engage pour y être arrêtée momentanément, la tête de la gâchette d'une arme. ♦ Cran de l'armé. ,,Qui sert à maintenir le chien au bandé dans la manœuvre de la culasse mobile`` (Ledieu, Cadiat, Nouv. matér. naval, 1890, p. 304). − P. ext., arg. Position. Cran, cran d'arrêt. Couteau à cran d'arrêt. − Au fig., arg. milit. Mettre le chien du fusil au cran du repos. ,,Dormir`` (Delvau, Dict. lang. verte, 1866, p. 252). ♦ Cran. Jour d'arrêt, de prison. Biter des crans. Écoper des jours de consigne. P. anal., arg. scol. Jour de retenue. ♦ P. ext. Jour. Cran de perme. Jour de permission. B.− Trou (d'une série) servant à fixer. Crans d'une ceinture. Trous successifs où on peut engager l'ardillon de la boucle, qui permettent de serrer ou de desserrer la ceinture : 1. Nous avions treize, quatorze ans, l'âge du chignon prématuré, de la ceinture de cuir bouclée au dernier cran, du soulier qui blesse.
Colette, La Maison de Claudine,1922, p. 173. − P. ext., fam. Se mettre un cran, se serrer d'un cran. ,,Se priver de, ne pas manger à sa faim`` (Delvau Suppl. 1972). On lâche sa ceinture d'un cran quand on a trop mangé. On la serre d'un cran quand on a faim (Virmaitre, Dict. arg. fin-de-s.,1894, p. 186). C.− Loc. fig. 1. [Avec des verbes comme monter, baisser, descendre, etc.] a) Degré. Ne pas se relâcher d'un cran. Le chignon est descendu d'un cran sur la nuque (Baudel., Curios. esth.,1867, pp. 333-334).Elle obéit à la loi des ans et au déclin des saisons. Elle baissa d'un cran (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 5, 1863-69, p. 430): 2. Je me couchai, mais la présence de l'édredon, (...) en mettant mon attention à un cran où elle n'était pas à Paris, m'empêcha de me livrer au traintrain habituel de mes rêvasseries.
Proust, Le Côté de Guermantes 1,1920, p. 84. − Degré, niveau du moral, de la santé (en parlant d'une personne, de l'économie). Baisser, descendre d'un cran. S'altérer, s'affaiblir. Avoir la santé baissée de deux crans (Sainte-Beuve, Corresp.,t. 3, 1818-69, p. 88): 3. Depuis trois siècles, l'Espagne, tombant d'un cran à chaque règne, expie l'horreur de ses guerres et l'irrégularité de ses conquêtes.
Proudhon, La Guerre et la Paix,1861, p. 224. b) Rang d'importance (dans la, une société, une hiérarchie). Avancer, monter d'un cran, hausser d'un cran. Faire passer, passer à quelque chose de supérieur, gagner en importance. Baisser, descendre d'un cran. Faire passer, passer à quelque chose d'inférieur. Être d'un cran supérieur à (qqn). Élever d'un cran dans l'échelle, dans la hiérarchie sociale (synon. échelon). Descendre d'un cran vers l'abîme : 4. [Gervaise] lavait à la journée, au lavoir de la rue Neuve; patauger, se battre avec la crasse (...) ça marchait encore, ça l'abaissait d'un cran sur la pente de sa dégringolade.
Zola, L'Assommoir,1877, p. 729. 2. Arg., vx. Lâcher (qqn, qqc.) d'un cran. Quitter brusquement. Mourir, c'est lâcher la vie d'un cran (Virmaitre, Dict. arg. fin-de-s.,1894, p. 157). II.− P. anal. A.− [P. anal. de forme] Repli. 1. Usuel, MODES. Ondulation de la chevelure, pouvant être naturelle ou due à l'action d'un peigne, d'un fer ou d'une mise en plis. Pour celles qui aiment les cheveux mi-longs au carré : du flou assez étoffé, des boucles et des crans mais sans dessin trop marqué (Votre Beauté,mars 1975, p. 102). 2. Emplois techn. a) GÉOL. Roche stratifiée. Des crans de tuf (Bél.1957). b) MINES. Cran de retour. Faille, accident qui sépare la partie en place de celle qui lui est superposée par charriage (Lapparent, Abr. de géol.,1886, p. 408): 5. Les recherches souterraines sont en outre nécessaires dans (...) le cas d'un dérangement du gîte qui s'interrompt subitement (...). Une pareille disposition porte le nom d'accident, rejet ou cran.
J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,1905, p. 43. B.− [P. anal. de fonction] Point de repère, marque. 1. Entaille pratiquée dans un objet pour servir de marque. a) IMPR. Encoche pratiquée sur la hauteur typographique du caractère pour permettre à l'ouvrier compositeur de vérifier que la lettre est placée dans le bon sens (d'apr. Cham. 1969). Le cran est destiné à le guider [l'ouvrier] rien qu'au toucher sans avoir à regarder l'œil de la lettre (Valotaire, Typogr.,1930, p. 22). b) COUT. Encoche faite aux ciseaux pour servir de repère. On fait une couture d'un cran d'ouverture à l'autre (A. Gendron, Le Métier de tailleur, culottières,1927, p. 18). c) Dans le commerce de l'aliment., des boissons, etc. − Encoche marquant la quantité vendue à un client. ♦ Faire un cran. Marquer le nombre de pains que prenait à crédit le client par un cran sur un morceau de bois appelé taille (d'apr. France, 1907). ♦ P. ext., arg. Note marquée. − P. ext. Marque sur une bouteille pour indiquer la quantité versée. ♦ P. méton., vx. Petit verre, consommation prise sur le comptoir. Le cric (machine) est divisé en deux crans (d'arrêt), comme la bouteille de cric (eau-de-vie) se partage en crans (petits verres) (Larch.Suppl.1880, p. XXVII). Rem. Selon Larch. Suppl. 1883, p. 47, le sens de « consommation » se référerait à l'usage de marquer les consommations comme les pains vendus à crédit. d) [Dans une maison de prostitution] Marque portée sur une ardoise en face du nom d'une fille, pour compter le nombre de ses « passes » (d'apr. Esn. 1966). 2. ARM. Cran de mire. Point de repère sur les bouches à feu, qui, en association avec l'œilleton, sert à définir la ligne de mire ou de visée de l'arme. La hausse (d'un fusil) présente plusieurs crans de mire fixes et un cran mobile (Ledieu, Cadiat, Nouv. matér. naval,t. 1, 1980, p. 325). Prononc. et Orth. : [kʀ
ɑ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. xies. cr(e)ns (Raschi Blondh., p. 271); xiiies. [date ms.] cren « entaille, encoche » (Chr. de Troyes, Chevalier charrette, var. ms. Vatican, éd. W. Foerster, 7098); fin xiiie-début xives. cran (Renart, V, 100, var. ms. B, éd. Martin, t. 3, p. 149); 2. a) 1672 « entaille délimitant les dents d'une pièce dentelée » d'où au fig. « degré » baisser d'un cran (La Fontaine, Virelai sur les Hollandois, 16, éd. A. Régnier,
Œuvres, t. 7, p. 433); b) 1676 monter d'un cran (Mmede Sévigné, Lettres ds Sommer Sévigné); c) 1880 à cran « exaspéré » (au cran du plus haut degré, en état de tension extrême) (Brissac, Souv. prison et bagne, p. 44); 3. 1879 arg. milit. « jour de punition » (p. allus. à l'entaille faite pour marquer quelque chose) (31ed'Artillerie au Mans d'apr. Esnault, Notes inéd., 1956). Déverbal de créner*. Bbg. Archit. 1972, p. 202. − Gohin 1903, p. 349. − Gottsch. Redens. 1930, p. 205. |