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CRÊPE1, subst. masc.
I.− COUTURE
A.− Étoffe généralement de laine ou de soie, plus ou moins légère et transparente à l'aspect ondulé, dont la texture grenue est obtenue par une forte torsion des fils. Crêpe blanc, robe de/en crêpe. Les jupes de crêpe, molles et tristes, montaient les marches (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 354).
Crêpe georgette. Crêpe très fin et léger, en soie naturelle, artificielle ou synthétique (Guide pratique de la couture créative ds Sélection du Reader's digest, Paris, 1975, p. 27). Crêpe marocain. Crêpe assez épais à gros fils de trame, ayant du tombant (Guide pratique de la couture créative, loc. cit.). Crêpe de Chine. Étoffe de soie naturelle ou artificielle légèrement crêpée (Guide pratique de la couture créative, loc. cit.). Corsage de crèpe de chine blanc (Du Bos, Journal,1928, p. 11).
P. compar. (avec l'aspect du crêpe). Un crêpe blanc montait des profondeurs de cette immense vallée des Vosges (Hugo, Rhin,1842, p. 282).Les mouches aux ailes de crêpes (Hugo, Chansons rues et bois,1865, p. 214).
B.− En partic. [Avec une valeur symbolique, pour désigner des vêtements (notamment des voiles) en crêpe noir marquant le deuil] Crêpe(s) funèbre(s), porter un crêpe au bras, sur le revers du veston; crêpe de deuil. Une femme en noir, en grand deuil, (...) son voile de crêpe relevé (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Tombales, 1881, p. 1209).
P. méton.
1. Vêtement, voile de crêpe noir symbolisant le deuil. Le crêpe et les fatigues accablaient la jeune veuve (Cocteau, Enf. terr.,1929, p. 126).Ma mère s'enveloppa de crêpe et fit teindre en noir mes vêtements (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 174).
1. ... Noémi Péloueyre s'ensevelit dans le crêpe pour trois ans. Son grand deuil la rendit, à la lettre, invisible. Mauriac, Le Baiser au Lépreux,1922, p. 210.
2. Bandeau de crêpe noir que l'on porte sur ses vêtements en signe de deuil. Jeanne est serrée dans sa mante noire et Henri porte un crêpe à son chapeau de paille (A. France, Bonnard,1881, p. 508).Gildas était mort. Alors Yves mit un crêpe à sa manche de laine (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 175).
P. compar. ou p. métaph. Inquiétude, mélancolie. Elle [la nuit] arrive insensiblement, et déjà son crêpe noir s'étend sur la terre (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 99).Journée de mélancolie croissante. Sentiment de décrépitude, froid dans les moelles, crêpe sur l'avenir, sourde désespérance (Amiel, Journal,1866, p. 149).
Loc. fig. Jeter/mettre un crêpe sur/à. Assombrir, attrister. Sa mort (...) jeta des crêpes sur les joies de cette union (Balzac, Lys,1836, p. 62).La pénible aventure qui met un crêpe à votre constante gaieté (Murger, Scènes vie bohème,1851, p. 154).
II.− P. anal.
A.− COIFFURE, rare. Touffe de cheveux frisés.
Rem. Attesté ds Lar. 19e-Lar. encyclop., Littré, Guérin 1892, Rob.
B.− CHAUSSURE, usuel. Caoutchouc brut, laminé en feuilles, généralement de couleur claire et d'aspect gaufré, qui sert à la confection de semelles de chaussures assez épaisses et souples. Des souliers à semelles de crêpe couleur de miel (Duhamel, Suzanne,1941, p. 200):
2. Katow et Kyo portaient des chaussures de sport à semelles de crêpe, et n'entendaient leurs pas que lorsqu'ils glissaient sur la boue; ... Malraux, La Condition humaine,1933, p. 192.
Prononc. et Orth. : [kʀ εp]. Durée longue corresp. à la disparition de l'anc. -es- de crespe (remplacé par ê) indiquée ds Barbeau-Rodhe 1930 et sous forme de mi-longue ds Passy 1914. La durée longue est notée, régulièrement, ds les dict. plus anc. comme Land. 1834. Littré et DG. La tendance est à la faire disparaître. Le mot est attesté ds Ac. 1694 et 1718 sous l'anc. forme crespe; ds Ac. 1740-1932 sous la forme mod. Noter que, parmi les dér., certains s'écrivent avec un accent circonflexe d'apr. crêpe : crêpelu, crêpelure, crêper, crêpière. D'autres s'écrivent avec un accent aigu : crépin, crépine, crépinette, crépir, crépissage, crépissement, crépissure, crépon, créponaille, crépu, crépue (pour cette liste cf. Dupré 1972). Dans ces dér. l'e (de crêpe) se retrouve en position inaccentuée d'où disparition de la durée et par suite fermeture de la voyelle. Dans les dér. écrits avec é accent aigu il y a harmonisation entre la prononc. et la graph. Souvent la syll. accentuée renferme une voyelle très fermée, du type de [i] ou [y], qui renforce la tendance à la fermeture de la syll. précédente atone. Dans les dér. qui conservent ê accent circonflexe c'est précisément cet accent et l'infl. de crêpe qui retardent la fermeture de la voyelle. Pour le détail sur l'orth. et la prononc. de ces mots cf. chacun des dérivés. Étymol. et Hist. 1. 1285 crepes « ornements de tête » (Jacques Bretel, Le Tournoi de Chauvency, éd. M. Delbouille, 2396); av. 1549 crespe noir « signe de deuil » (Marguerite de Navarre, L'Heptaméron, XVI, éd. M. François, p. 129); 1853 crêpe de Chine (Le Magasin des familles, 5evol., année 1853, p. 214 ds Cah. Lexicol., t. 6, 1961, p. 88); 2. 1933 « semelle » (Malraux, supra ex. 2). Substantivation de l'adj. a. fr. cresp, crespe « frisé, bouclé » (av. 1105 judéo-fr. crespes [?] masc. plur., Raschi Blondh., no273); 1160-70 cresp masc. (Marie de France, Les Lais, Lanval, éd. J. Rychner, 568); début xiiies. cas suj. masc. sing. crespes (G. de Montreuil, Continuation de Perceval, éd. M. Williams, 6589) du lat. class. crispus « frisé, ondulé ».