| COUTUME, subst. fém. A.− DR. (au sing.) 1. DR. ANC. Droit, non-écrit ou codifié tardivement, propre à un peuple puis à un groupe social et formé par un ensemble de règles juridiques (régissant les affaires publiques comme les affaires privées) établies sur des usages locaux, règles qui ont force de lois, sans avoir été promulguées comme telles, pour autant qu'elles soient acceptées par tout le groupe intéressé. La coutume normande; la coutume d'Andalousie; la coutume des bourgeois. Synon. droit coutumier; anton. droit écrit, droit romain.La somme avec les intérêts au taux fixé par la loi de Venise et la coutume des Lombards (A. France, Puits ste Claire,1895, p. 264).Il [Louis XI] songeait à établir dans tout le royaume l'unité de coutume, de poids et de mesures (Thierry, Tiers-état,1853, p. 84): 1. Et qu'y a-t-il donc de sûr parmi les hommes, si la coutume, non contredite surtout, n'est pas la mère de la légalité?
J. de Maistre, Du Pape,1819, p. 211. − Locution proverbiale Coutume de Lorris : les battus paient l'amende. C'est souvent celui qui a raison qui est finalement condamné. (À Lorris, du temps de Philippe le Bel, le créancier réclamant une somme sans preuve était tenu à un combat au poing avec le débiteur). 2. DR. MOD. − Coutume constitutionnelle. Coutume qui se greffe sur une constitution écrite pour l'interpréter, la compléter ou même la modifier (d'apr. Jur. 1971). − Coutume internationale. Pratique juridique acceptée comme de droit, impliquant un ensemble de précédents et la conviction des États qu'ils obéissent à une règle de droit (d'apr. Jur. 1971). B.− Usuel (au sing. et au plur.) 1. Manière de se comporter, ordinaire et courante, d'un groupe social. Vieille coutume; respecter la coutume; les coutumes et les institutions. La bizarre coutume de peindre en rouge antique ou sang de bœuf les volets (Gautier, Tra los montes,1843, p. 16).La coutume de certaines gens de campagne (Maupass., Une Vie,1883, p. 256).Les rites, les formes, les coutumes, accomplissent le dressage des animaux humains (Valéry, Variété II,1929, p. 56): 2. ... la coutume des étrennes est une superstition coupable (...) cette coutume vient des Romains qui (...) divinisaient le commencement de l'année.
A. France, Les Contes de Jacques Tournebroche,1908, p. 142. SYNT. Coutume ancienne, constante, héréditaire, traditionnelle, invariable; coutume morale; coutume barbare, inhumaine; louable, touchante, plaisante, sotte coutume; observer, enfreindre la coutume; se conformer à, déroger à la coutume. PARAD. La coutume et l'atavisme; les coutumes et les mœurs, et les rites, et les usages; les coutumes et les lois. − Les us et coutumes. Ensemble des conduites habituelles d'un groupe humain. Obligés de vivre selon les us et coutumes de tout le monde (Zola, Contes Ninon,1864, p. 192). 2. P. ext. Comportement fréquent, répétitif et attendu d'une personne qui le considère comme une quasi obligation. Tu n'as plus de coutumes et pas encore d'habitudes (Cendrars, Du monde entier,Ma danse, 1957, p. 89). ♦ Avoir coutume de. Se conduire habituellement de telle façon. Plusieurs personnes qui ont coutume de m'écrire, depuis quelque temps ne m'ont point écrit (Chateaubr., Corresp.,t. 1, 1789-24, p. 380).Votre Dieu et votre Providence n'ont pas coutume de nous gâter (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 286): 3. Je me rappelai (...) une maxime de feu mon grand-père qui avait coutume de dire que tout est permis aux dames.
A. France, Le Crime de Sylvestre Bonnard,1881, p. 358. ♦ Prendre coutume (rare). Prendre l'habitude. L'homme apeuré s'arrête pour bégayer une prière (...) et prend coutume à jour fixe de revenir pour le sacrifice et l'offrande (Kahn, Conte,1898, p. 180). − Loc. prépositives. M. l'abbé Lantaigne (...) et M. Bergeret (...) conversaient, selon leur coutume d'été (A. France, Orme,1897, p. 99).Elle s'en était allée par les champs, à sa coutume (Zola, Fécondité,1899, p. 547).À cette heure-ci, nous devrions, comme de coutume, Hamond et moi, remuer de mauvais vieux souvenirs (Colette, Vagab.,1910, p. 88). − Loc. proverbiale. Une fois n'est pas coutume. Faire quelque chose une fois ne signifie pas qu'on va le faire habituellement. Et pourtant cette fois − une fois n'est pas coutume − il a gargarisé sa voix (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 1, Jadis, 1884, p. 397). Prononc. et Orth. : [kutym]. Ds Ac. depuis 1694. Noter qu'il n'y a pas d'accent circonflexe sur -ou- bien qu'il y ait eu disparition d'un s dans le mot (lat. consuetudinem > coustume). Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 custume « manière d'agir habituelle » (Roland, éd. J. Bédier, 141); 1160-74 avoir custume (Wace, Rou, éd. H. Andresen, III, 285); 1467 de coustume « habituellement » (A.N. JJ 200, fo69 rods Gdf. Compl.); 2. 1130-40 costume « manière d'être établie par l'usage et à laquelle la plupart des gens se conforment » (Wace, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 833); d'où 3. début xiies. dr. custumes « législation établie par l'usage » (Lois G. le Conquérant, éd. J. E. Matzke, introd.). Du lat. class. consuetudinem acc. de consuetudo « habitude », « genre, manière d'agir d'un peuple » (cf. lat. médiév. costuma ds Nierm.); pour l'évolution phonét., cf. Nyrop t. 3, § 294, 1oet FEW t. 2, p. 1092 b; 3 attesté en lat. médiév. consuetudo (790 ds Nierm.). Fréq. abs. littér. : 2 653. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 295, b) 3 238; xxes. : a) 3 788, b) 3 603. Bbg. Flutre (L. F.). Termes comm. aux 17eet 18es. R. Ling. rom. 1961, t. 25, p. 278. − Gottsch. Redens. 1930, pp. 424-425. − Goug. Mots t. 3 1975, p. 81. − Koehler (E.). Le Rôle de la costume ds les rom. de Chrétien de Troyes. Romania. 1960, t. 81, pp. 336-397. − Rohlfs (G.). Traditionalismus und Irrationalismus in der Etymologie. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, pp. 207-210. |