| ![]() ![]() ![]() ![]() COURTISANE, subst. fém. A.− Femme vénale, aux mœurs légères, qui se distingue par son élégance et ses manières mondaines. Une courtisane effrontée, dont le langage et la conduite trahissent bientôt la profession, et forcent la femme honnête à se retirer, pour ne pas laisser pendant deux heures, sous les yeux de sa fille, un exemple de la plus impudente dépravation (Jouy, Hermite,t. 1, 1811, p. 202).Ces courtisanes honorées, disputées à prix d'or, qui dictaient la mode du costume et de la philosophie (Aymé, Puits,1932, p. 232). − P. métaph. Cette douce nuit de mai fut l'entremetteuse ou la courtisane des supplices, des lâchetés, des héroïsmes indicibles (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 296). − P. anal. : 1. Penser, rêver, concevoir de belles œuvres est une occupation délicieuse. C'est fumer des cigares enchantés, c'est mener la vie de la courtisane occupée à sa fantaisie. L'œuvre apparaît alors dans la grâce de l'enfance, dans la joie folle de la génération, ...
Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 196. B.− En partic., ANTIQ. Femme qui, en raison de son éducation et de ses qualités artistiques, joua un grand rôle dans la vie de certains hommes de haut rang (politiques, philosophes, etc.). La vraie courtisane, au sens antique du mot, était une artiste, une prêtresse même (Proudhon, Pornocratie,1865, p. 167): 2. C'était à l'extrémité lointaine de la grande avenue rectiligne qui (...) menait du temple à l'agora (...) « Les courtisanes! Les courtisanes sacrées! » (...) Elles arrivaient comme une inondation vivante, (...). On les reconnaissait, à présent. On distinguait leurs robes, leurs ceintures, leurs cheveux. Des rayons de lumière frappaient les bijoux d'or.
Louÿs, Aphrodite,1896, p. 196. C.− P. ext. [P. oppos. à la fille publique] 1. Femme galante et légère non vénale : 3. On croirait une Violante, une de ces courtisanes du xviesiècle, êtres instinctifs et irréglés comme des faunesses, qui portent, comme un masque d'enchantement, le sourire plein de nuit de la Joconde. Tout est brouillé, tout est mêlé dans cette créature ardente, confuse et voilée.
E. et J. de Goncourt, Journal,1860, p. 719. 4. Le (...) héros, qui fait l'apologie de la courtisane, « poétesse de son propre corps », adore l'innocence des jeunes filles mystiques et vaporeuses. Lui qui vit d'abord dans la rêverie et s'en délecte éprouve ensuite un sentiment de délivrance à se baigner dans des voluptés brûlantes.
Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 273. − P. anal. : 5. Oh! si quelqu'un lisait sous vos regards baissés Tous les impurs désirs dont vous vous enlacez, Courtisanes d'esprit, filles dont le corps chaste Est comme un champ de fleurs que l'ouragan dévaste!
Banville, Les Cariatides,Les Baisers de pierre, 1842, p. 55. 2. Au fig. [À propos d'une notion abstr.] Ce bas monde est une vieille courtisane, mais qui ne cesse d'avoir de jeunes amants (Sainte-Beuve, Pensées,1840, p. 19).La gloire? Il ne faut pas s'en flatter. Elle suit le succès. La gloire n'est qu'une courtisane (J. Simon, Relig. nat.,1856, p. 329). Prononc. et Orth. : [kuʀtizan]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1500 courtisienne « femme ayant les manières de la Cour » (L'Advocat des Dames de Paris, 57 ds Anc. poésies fr., t. XII, p. 8); 2. 1537 Courtisanne « dame vivant à la Cour » (Les quatre livres du Courtisan du conte Baltazar de Castillon, trad. [de l'ital.] par Mellin de Saint-Gelays, LIII, 43 rods Quem.); 1547 courtisane (N. du Fail, Propos rustiques ds
Œuvres, éd. J. Assézat, t. I, p. 128); 1553 « femme galante » (Ronsard, Amours ds
Œuvres, éd. Laumonnier, t. V, p. 123). Empr. à l'ital. cortigiana, attesté dep. av. 1529 au sens de « dame de la Cour » (B. Castiglione, forme cortegiana ds Batt., original de la trad. citée supra, 1537), dep. 1536 au sens de « femme galante de haut vol » (L'Arétin, ibid.), fém. de cortigiano (courtisan*). Fréq. abs. littér. : 740. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 529, b) 1 540; xxes. : a) 1 145, b) 327. Bbg. Fitch (G. B.). Mod. Lang. Notes. 1948, t. 63, pp. 204-206. − Hope 1971, p. 149, 184. − Saint-Jacques (B.). Sex, dependency and lang. Linguistique. Paris, 1973, t. 9, p. 95. |