| COULISSE, subst. fém. I.− SC. et TECHNIQUES A.− Support fixe le long duquel glisse une pièce mobile; p. méton., la pièce mobile elle-même. Échelle, fenêtre, tiroir à coulisse(s). Un lit, un dressoir, une table à coulisses (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 30).Une péniche en acajou, Avec ses volets à coulisse (Toulet, Contrerimes,Sur le canal Saint-Martin, 1920, p. 118).La coulisse de la trappe tomba derrière lui (Gozlan, Notaire,1836, p. 73). − P. anal. [En réf. à la forme ou au jeu des paupières] Les petits yeux en coulisse qui caractérisent les Tartares et les Chinois (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 222).Ses yeux se bridèrent en coulisse (Châteaubriant, Lourdines,1911, p. 26).Un sourire qui avait quelque chose de fin et de rusé, un regard errant dans la coulisse étroite de ses longues paupières à demi fermées (Vigny, Journ. poète,1851, p. 1280). ♦ En partic., domaine de l'expression physionomique.
Œil/yeux, regard, sourire en coulisse (= en biais, et exprimant la complicité, la curiosité, la timidité ou l'hypocrisie). Il la choya d'un œil en coulisse, d'un œil invitant (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 263).Luce s'assied et me regarde en coulisse, timidement (Colette, Cl. école,1900, p. 130).Si la première passante peut, d'un regard en coulisse, d'un sourire effronté, d'un déhanchement exercé, retenir un homme (Guèvremont, Survenant,1945, p. 213). B.− Spécialement 1. ANAT. Canal lisse à la surface d'un os, permettant le mouvement des tendons. La rotule ou os du grasset glisse sur une coulisse osseuse ou trochlée du fémur (Garcin, Guide vétér.,1944, p. 181). 2. ARCHIT. et HÉRALD., rare. Cadre et partie mobile d'une herse à l'entrée d'une construction fortifiée : 1. Dans la chambre où Jeanne d'Arc a été reçue, des narcisses en fleur et des églantiers penchés les uns sur les autres. − A la tour qui sert d'entrée on voit la coulisse de la herse. − Partout à Chinon je cherche le souvenir de Rabelais et je ne trouve rien; Rabelais au reste est-il un génie local?
Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 187. 3. CH. DE FER. ,,Organe d'une locomotive qui permet de faire varier la détente et de renverser la marche en modifiant le jeu des tiroirs`` (Quillet 1965). La manivelle motrice qui fait osciller une coulisse autour de tourillons fixés en son milieu (Bailleul, Not. mat. roulant ch. de fer,1951, p. 44). 4. COUT. Rempli fait à une étoffe pour y glisser un galon de serrage; p. méton., le galon lui-même. Elle, un instant, tenait à sa bouche la coulisse de sa chemise (Zola, Joie de vivre,1884, p. 206).Les chevilles serrées dans la coulisse du pantalon (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 282). 5. MAR. Couette utilisée pour la construction et le lancement d'un bateau. 6. MÉCAN. Pièce mobile d'un instrument de mesure. Calibre, équerre, pied à coulisse. 7. MUS. Tube mobile glissant sur le tube principal d'un instrument à vent. Trombone à coulisse. 8. TYPOGR. ,,Petite planche très mince au moyen de laquelle on fait couler sur le marbre une page trop grande pour qu'on puisse sans danger du moins l'enlever avec les doigts`` (Carabelli, [Lang. de l'impr.]). C.− Régional 1. ,,Liquide qui coule le long d'un corps, trace que laisse ce liquide`` (Bél. 1957). 2. Conduit permettant l'écoulement d'un liquide (cf. Pierreh. 1926 et Canada 1930). II.− THÉÂTRE A.− Châssis mobile portant les décors, situé sur les côtés d'une scène; intervalle entre des portants de décor. On nous prêta de vieux paravents pour faire nos coulisses (G. Sand, Hist. vie,t. 3, 1855, p. 237): 2. Un ouvrier tombe du haut d'une coulisse pendant qu'on joue Figaro, il se tue. L'acteur qui est son père revient, l'embrasse et couvert de sang retourne faire rire. « Cela prouve, dit le docteur, quelle est presque toujours la sublime abnégation des hommes les plus capables. »
Vigny, Le Journal d'un poète,1840, p. 1147. − P. anal. Des apparitions et des disparitions subites de lune dans les déchirures et les coulisses du ciel (Cendrars, Main coupée,1946, p. 156). B.− P. méton. 1. Partie d'un théâtre, sur les côtés et à l'arrière d'une scène, cachée au public par les décors. Coulisse d'opéra, de théâtre. Quand un acteur rentre dans la coulisse, il semble se déshabiller brusquement (Renard, Journal,1899, p. 523).Un vieux Shylock attendant, tout grimé, dans la coulisse, le moment d'entrer en scène (Proust, Temps retr.,1922, p. 967). − Au fig. : 3. Jusqu'à présent, j'ai toujours parlé sans aucun souci qu'on m'entende, toujours écrit pour ceux de demain, avec le seul désir de durer. J'envie ces journalistes dont la voix porte aussitôt, quitte à s'éteindre sitôt ensuite. Circulais-je jusqu'à présent entre des panneaux de mensonges? Je veux passer dans la coulisse, de l'autre côté du décor, connaître enfin ce qui se cache, cela fût-il affreux.
Gide, Voyage au Congo,1927, p. 745. SYNT. Jaillir, sortir de la coulisse; disparaître, rentrer dans la coulisse. 2. Monde du théâtre. Fils d'un cabotin, grandi, poussé, élevé dans les coulisses de l'Opéra-Comique (Goncourt, Journal,1892, p. 252). SYNT. a) Subst. + coulisse(s). Argot, jargon, langue de coulisse(s) (= langue des professionnels du théâtre); anecdotes, bavardages, bruits, cancans, indiscrétions, potins de coulisse(s); intrigue, licence, odeur, scandale de coulisse(s); coureur, pilier de coulisse(s); femme, rouleuse de coulisse(s). b) Verbe + coulisse(s). Hanter la coulisse, pratiquer les coulisses (= fréquenter les milieux du théâtre). 3. P. anal., BOURSE, souvent péj. Marché parallèle au parquet officiel de la Bourse, où sont cotées et négociées des valeurs mobilières : 4. Cette bourse se tenait alors sur le trottoir du boulevard des Italiens, à l'entrée du passage de l'Opéra; et il n'y avait là que la coulisse, opérant au milieu d'une cohue louche de courtiers, de remisiers, de spéculateurs véreux.
Zola, L'Argent,1891, p. 346. C.− P. métaph. et/ou au fig., souvent péj. (avec une idée d'intrigue et de manigance). Aspect dissimulé ou marginal d'un être ou d'une collectivité de personnes. Avec les illusions du spectateur dans la salle. Il nous faisait entrer dans la coulisse des rues (Proust, Sodome,1922, p. 1005).Certaines précautions de Salut public étaient prises contre la coulisse hébraïque (Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 25): 5. Quelques instants plus tard, Maigret, qui n'avait trouvé personne pour l'introduire, gravissait un escalier pisseux dans les coulisses de l'hôtel qui rappelaient celles d'un petit théâtre de province.
Simenon, Les Vacances de Maigret,1948, p. 65. SYNT. a) Coulisses + subst. Coulisses de l'inconscient, du journalisme, de la littérature, de la mémoire, du monde, de la politique. b) Verbe + coulisse(s). Agir, se tenir dans les coulisses; rire dans la coulisse (= par derrière). c) Prép. + coulisse(s). Dans la coulisse. En secret. Tu es bien assez traître pour te marier un jour dans la coulisse (Sartre, Nausée, 1938, p. 178). Par la coulisse. Par la bande. Avec la morale kantienne, elle réintroduit par la coulisse les « postulats » (Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p. 234). Par les coulisses. Par les dessous. Le Saint-Simonisme que j'ai vu de près et par les coulisses (Sainte-Beuve, Pensées, 1869, p. 109). Prononc. et Orth. : [kulis]. Ds Ac. depuis 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1289 coulice « porte coulissante, herse » (Jacquemart Gielee, Renart le Nouvel, éd. H. Roussel, 776); 1348 couloiche « rainure » (Compte d'Ourriet de la Mothe, prévôt de la Marche, A. Meuse, B, 2523, fo31 ds Gdf. Compl.); b) 1754 anat. mouvement de coulisse (Encyclop. t. 4); c) 1802 couture (Flick, Nouv. dict. fr.-all. et all.-fr. ds FEW t. 2, p. 881 a); d) 1808 fig. faire les yeux en coulisse (Hautel); 2. a) 1694 « pièce de décoration que l'on fait avancer et reculer dans les changements de scène » (Ac.); d'où 1718 « partie du théâtre placée derrière ou à côté de la scène » (ibid.); 1811, 17 août des anecdotes et des nouvelles de coulisses (Jouy, Hermite, t. 1, p. 9); p. ext. 1825 « le monde, le milieu du théâtre » (Delécluze, Journal, p. 253 : des trivialités qui sentent la coulisse); b) 1838 terme de bourse (Ac. Compl. 1842). Fém. substantivé de l'adj. coulis*. Fréq. abs. littér. : 618. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 672, b) 1 301; xxes. : a) 947, b) 787. |