| CORROYER, verbe trans. TECHN. Préparer une matière en la battant, en l'étirant, en la foulant. A.− PEAUSS. Transformer (le cuir) après le tannage, en lui donnant la souplesse, la couleur, le grain, le dernier apprêt requis pour ses divers usages. Corroyer le cuir; corroyer des peaux de bœuf, de vache, des cuirs. On corroie les cuirs d'œuvre (Rob.). − P. métaph., littér. Synon. tanner.Les soleils d'Italie, les neiges d'Allemagne avaient corroyé sa peau [du capitaine] (Esparbès, Bris. fers,1908, p. 292). B.− MÉTALL. Battre et souder à chaud (des métaux, des tôles). Corroyer le fer, l'acier. C.− MENUIS. Dégrossir (une bille, une pièce de bois). Synon. aplanir, blanchir, dégauchir, dresser, planer, raboter, varloper.Les outils employés pour corroyer le bois sont les rabots, galères, varlopes, guillaumes, bouvets (Chabat1881).Les bois une fois corroyés ont une épaisseur moindre que ceux bruts de sciage (Robinot, Vérif., métré et pratique trav. bât.,1928, p. 67). D.− CONSTR. [Correspond à corroi B spéc.] Malaxer et pétrir avec de l'eau (le sable, la chaux, la glaise, la terre à briques), pour en faire un mortier, un enduit. Corroyer du mortier. L'argile, imbibée d'eau, corroyée ensuite avec les pieds et les poignets des manipulateurs, fut divisée en prismes (Verne, Île myst.,1874, p. 116).La pâte ainsi obtenue [terre, arrosée d'eau, pour fabrication de briques] est corroyée mécaniquement au moyen de broyeurs (Robinot, Vérif., métré et pratique trav. bât.,1928p. 130). − P. ext. Revêtir d'un enduit. Corroyer un mur, un bassin de fontaine, un canal. Les murs en étaient verts, étant corroyés de stuc mêlé de bouze de vache (Bern. de St-P., Chaum. ind.,1791, p. 83). E.− TRAV. PUBL. ,,Agglomérer à l'aide de rouleaux compresseurs les digues de retenue d'eau`` (Lar. encyclop.). Rem. La docum. atteste le part. passé corroyé, ée, en emploi adj. Cuir corroyé; fer, acier corroyé. Fine vachette corroyée, teinte naturelle (Catal. de la Redoute, automne-hiver 1951-52, p. 41). Ils [les premiers ferronniers] n'avaient que des masses de fonte ou « lopins » corroyés et, avant de façonner le fer, il fallait le battre pour l'amalgamer, pour le rendre compact et malléable (Arts et litt. dans la société contemp., 1935, p. 2003). Prononc. et Orth. : [kɔ
ʀwaje], (je) corroie [kɔ
ʀwa]. Admis ds Ac. 1694-1932. Conjug. cf. aboyer. Étymol. et Hist. 1. Mil. xies. conreer « apprêter, parer » ici le corps d'un défunt (Alexis, éd. C. Storey, 498); 2. 1165-80 id. « fouler le cuir pour l'assouplir » (Guill. d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1721); 1371 cuir de buef conroyé (Inv. mob. ducs de Bourgogne, I, 258 ds IGLF); 3. 1538 mar. courroyer (ms. B.N. fr. 6469-3, fol. 6 vods Jal1, s.v. broyer); 4. 1580 « pétrir, malaxer (ici, de l'argile) » (Palissy, Discours admirables des Eaux et des fontaines, p. 177 ds Hug.); 5. 1674 métall. (Félibien Dict., p. 542 : corroyer une barre de fer). Conreer est issu du lat. vulg. *conredare, adaptation du got. garedan (v. arroi) introduit par les mercenaires germaniques servant dans l'armée romaine; conr- > corr- par assimilation; corroyer d'apr. les formes toniques. Fréq. abs. littér. : 4. Bbg. Corroyage et mégisserie. Vie Lang. 1954, p. 179. − Darm. Vie 1932, p. 159. − Goug. Mots. t. 2, 1966, p. 123. − Mc-Millan (D.). Old French conreer and its derivatives. In : [Mél. Orr (J.)]. Manchester, 1953, pp. 177-187. |