| CORRECT, ECTE, adj. Qui est conforme à la norme, qui ne comporte pas d'écart par rapport à la norme. A.− Domaine de la qualité des choses ou de certains aspects des personnes. 1. Naturellement conforme ou rendu conforme à un modèle. a) [Qualifie certains aspects des personnes] Synon. bon, régulier, sain.Une alimentation correcte; l'apparence correcte d'une plaie; une audition correcte; une vision correcte des choses; le fonctionnement correct du rein; un sens correct du devoir, de l'exactitude. − Péjoratif : 1. Du reste, les natures impassiblement correctes, auxquelles ce genre de rire [le fou rire] et d'enfantillage est inconnu, sont presque toujours sèches et bornées, ou tout au moins banales et de très ordinaire envergure.
Loti, L'Exilée,1893, p. 93. b) Domaine des B.-A.Conforme aux canons, aux règles : 2. Quoique un peu sec, le dessin de Masaccio et du Ghirlandajo était scrupuleusement correct; en quoi il fut un excellent modèle pour le siècle suivant...
Stendhal, Hist. de la peint. en Italie,t. 1, 1817, p. 161. − P. ext. (avec en outre une référence aux bienséances) : 3. Le docteur Renaudin introduisait parfois dans les danses les plus correctes des entrechats appris (...) dans les bals publics du Quartier latin...
A. France, La Vie en fleur,1922, p. 505. − Emploi subst. avec valeur de neutre. Correction : 4. Tout cet ensemble [occupé par la Convention] était violent, sauvage, régulier. Le correct dans le farouche; c'est un peu toute la révolution.
Hugo, Quatre-vingt-treize,1874, p. 170. − P. ext. [S'applique à une partie du corps humain] Dont la correction est conforme aux règles de l'esthétique. La masse noire des hommes, où se remarquaient les profils élégants, fins, corrects des nobles (Balzac, Fille Ève,1839, p. 114). − P. anal. (avec le domaine des B.-A., dans l'ordre de la nature, du paysage). Synon. civilisé, bien entretenu : 5. À mesure que nous montions, l'endroit devenait, sinon plus correct, en tout cas plus aimable. Il y avait de l'herbe dans la rue et, à travers les décombres des maisons franchement écrabouillées, on voyait en bas une belle petite vallée avec un ruisseau, des aulnes...
Giono, Un Roi sans divertissement,1947, p. 157. c) Domaine de l'exercice du langage et du style.Conforme aux règles de la grammaire et du bien-dire. Un accent correct; s'exprimer dans un anglais, un allemand correct : 6. Je vous aime, Français, et, roi, je vous respecte. Beaucoup de votre sang circule en moi. Beaucoup Du mien, Sire, bat en vos veines et le tout Se dit compatriote en langue bien correcte.
Verlaine.
Œuvres complètes,t. 3, Dédicaces, 1890, p. 182. − P. ext. [En parlant de l'écriture] Le précieux papier sur lequel le pauvre Jean avait mis sa grosse signature de soldat, bien correcte et bien lisible (Loti, Spahi,1881, p. 214). d) Domaine des sc. et des techn., de l'écon.Synon. bon, régulier, satisfaisant.Un appareil(lage), un assemblage, un calcul, un débrayage, un dosage, un enregistrement, un guidage, un réglage, un séchage, un serrage correct; un prix correct; une édition, une solution correcte : 7. ... Aristote estime qu'un syllogisme correct est, par là même, homogène au type normal du syllogisme et que, d'autre part, les termes y sont homogènes entre eux.
O. Hamelin, Essai sur les éléments principaux de la représentation,1907, p. 268. e) Domaine de l'activité ludique.Synon. de régulier.Un coup, un revers (au tennis) correct; une balle, une volée correcte; une annonce, une impasse (au bridge) correcte. La difficulté de construire un football correct (L'Auto,11 janv. 1937). f) Pop. [En réponse à une question] Bien, parfaitement. Viens-tu avec nous? C'est correct, j'embarque (Bél.1957). 2. Péj. Qui ne se signale que par l'absence d'écart, médiocre. Votre devoir est correct; il lui manque un peu d'originalité pour être un bon devoir (Dub.).Un hôtel modeste, mais correct (Pt Rob.). B.− Domaine de la vie en société.Qui est conforme à la norme sociale. 1. [En parlant d'un comportement ou d'une caractéristique de comportement] Qui témoigne d'un réel respect de la bienséance. Attitude correcte. Nous nous séparons sur un adieu correct et sans promesse de revoir (Estaunié, Empreinte,1896, p. 309). − Emploi impers. Il me sembla qu'il serait à la fois correct et adroit d'appeler aussi Solange (Maurois, Climats,1928, p. 229). 2. P. ext. [En parlant d'une pers.] a) Qui, dans un état social donné, se conforme aux normes qui en règlent le statut. Il s'est montré très correct, parfaitement correct; être correct avec qqn; être correct en affaires, en tout. Elle le regardait toujours, si correct dans son égoïste jouissance de la vie (Zola, Argent,1891, p. 233).On se croit honnête, parce qu'on est correct dans les affaires d'argent (Bourget, Actes suivent,1926, p. 57).Ils s'estiment corrects avec la vie parce qu'ils n'attendent rien d'elle et ne lui demandent pas de privilèges extraordinaires (Mounier, Traité caract.,1946, p. 325): 8. M. La Mortagne croyait bonnement avoir embrassé son passé d'une seule phrase quand il avait dit : − Moi, je puis me vanter au moins d'une chose, c'est d'avoir toujours été correct.
P.-J. Toulet, Les Demoiselles La Mortagne,1920, p. 11. − [En partic. en parlant d'un corps social, d'un type de civilisation, etc.] Synon. de civilisé.Un administrateur, un diplomate correct; des élèves corrects; un employé, un homme d'affaires, un notaire, un pensionnaire correct. La vie d'un artiste, en nos temps corrects et policés, est celle d'un bourgeois tranquille (Zola, Haines,1866, p. 249). b) Qui, dans l'exercice d'un art, d'une science, d'une technique, respecte et applique comme il faut les règles du métier. Un architecte, un calculateur, un chirurgien, un écrivain, un joueur (de bridge), un musicien correct. Dessinateurs corrects (Mérimée, Ét. anglo-amér.,1870, p. 159): 9. ... il n'est pas, ne me faites pas dire de bon médecin, mais seulement de médecin correct des maladies nerveuses.
Proust, Le Côté de Guermantes 1,1920, p. 306. c) Qui, dans le monde, la société, se conforme aux règles de la bienséance, du savoir-vivre, de la bonne tenue. On le voit [Rimbaud] en février 1875, très correct, fureteur de bibliothèques (Verlaine, 27 biogr.,1896, p. 364): 10. ... il [Daniel] se tenait très droit, funèbre et correct comme un témoin de duel.
Sartre, L'Âge de raison,1945, p. 236. − En partic. Qui se conforme aux impératifs de la mode. Correct et l'air froid dans son pardessus de ratine bleue (...), d'une élégance sobre, (...) il va droit au rayon des étoffes pour meubles (Lorrain, Âmes automne,1898, p. 29). − P. ext. ♦ [S'applique à une institution] Dont les membres se soumettent aux règles de la correction. Cette Église [l'Église anglicane] si bien élevée, si correcte, vit ce scandale [le wesleyisme] et tressaillit d'horreur (Green, Journal,1950-54, p. 319). ♦ [S'applique à tout obj. (notamment les pièces du vêtement)] Dont le style est conforme à la mode. Petit et fringant, [la Bissonnière était] brun avec une figure poupine, encadrée de favoris corrects (Zola, Vérité,1902, p. 25). Rem. On rencontre chez Loti correctitude, subst. fém., néol. vraisemblablement inspiré par rectitude, au sens de « régularité, bon agencement ». Des femmes sont là (...) d'un bout de rue à l'autre, elles sont alignées par centaines, avec une correctitude de régiment prussien, toutes dans une pose identique (Jap. d'automne, 1889, p. 305; cf. également Mme Chrys., 1887, p. 32). Prononc. et Orth. : [kɔ
(r)r
εkt]. [ʀ] simple ds Dub., Pt Rob., Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr.; cf. aussi ds Fér. 1768, Nod. 1844, Besch. 1845 et Fél. 1851. [rr] double ou [ʀ] simple ds Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930 et Warn. 1968. [rr] double ds Land. 1834, Littré et DG. On peut ajouter à ces derniers dict. ceux qui indiquent [ʀ] forte : Fér. Crit. t. 1 1787 et Gattel 1841. La prononc. avec [rr] est une prononc. affective signalée par Mart. Comment prononce 1913, p. 296. À l'époque actuelle elle semble vieillie. Pour Littré, au plur., il serait plus élégant de prononcer [kɔ
ʀ
ε]. Au xviies. il y a hésitation au plur. et devant consonne du mot suiv. entre [εkt], [εk], [εt] et [ε]. La prononc. expressive en [-kt] devait l'emporter. À ce sujet cf. abject. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1512 « qui est conforme aux règles établies (en parlant d'un écrit) » (Lemaire de Belges, Illustr., II, 25 ds Hug.); av. 1776 « juste, fidèle, exact » dessin correct (Mllede L'Espinasse ds Lar. 19e); 2. a) av. 1696 « qui est conforme aux règles de la bienséance, en parlant de la conduite d'une personne » (La Br[uyère], 1 ds DG); 1830 « id., en parlant d'une tenue vestimentaire » (Stendhal, Rouge et Noir, p. 266); b) av. 1755 « conforme aux règles de la morale » âme correcte (St-Sim., t. V, p. 94, éd. Chéruel ds Littré); cf. 1836 un jeune homme correct (Stendhal, L. Leuwen, t. 2, p. 67); 1829 une maison correcte (Janin, Âne mort, p. 136). Empr. au lat. correctus, part. passé adj. de corrigo (corriger*) « qui a été corrigé, amélioré ». Fréq. abs. littér. : 700. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 299, b) 1 008; xxes. : a) 1 675, b) 1 174. |