| CORBILLARD, subst. masc. A.− Vieux 1. Grand bateau ou coche d'eau qui reliait régulièrement Corbeil à Paris (en ce sens, on trouve aussi corbillat et corbillas). 2. Grand carrosse utilisé pour les laquais d'un grand seigneur. Rem. Sens 1 attesté comme actuel par Ac. 1798, qui donne aussi le sens 2 et ajoute : ,,le Peuple appelle encore ainsi un chariot à transporter les morts``; sens 2 attesté en outre par Ac. 1835 et, comme arch., par plusieurs dict. du xixeet du xxesiècle. B.− Usuel 1. Voiture à chevaux ou automobile qui transporte les cercueils au cimetière. Un corbillard empanaché; suivre, saluer un corbillard. Un vieux landau de corbillard traîné par une rosse étique (Huysmans, La Cathédrale,1898, p. 218).Le premier président Cassignol fut conduit à l'église dans le corbillard des pauvres (A. France, Anneau améth.,1899, p. 205): 1. Le corbillard est une voiture de première classe, empanachée de plumes, drapée de tentures à franges d'argent.
Zola, Le Capitaine Burle,1883, p. 6. SYNT. Un corbillard de première classe, de dernière classe; un pauvre corbillard; un corbillard couvert de fleurs et de couronnes; marcher derrière un corbillard; être ému par un corbillard. − P. métaph. Ce qui a valeur d'enterrement, de destruction, de mort : 2. ... les adolescents perdent avec leur première maîtresse l'inquiétude métaphysique et certains mariages, qui sont des débauches bureaucratisées, deviennent en même temps les monotones corbillards de l'audace et de l'invention.
Camus, La Chute,1956, p. 1527. 2. Arg. ou emplois fam. a) [Arg. de la guerre de 1914-1918] − Voiture d'ambulance (d'apr. Esn. Poilu 1919). − Camion qui emporte un avion brisé (d'apr. Esn. Poilu 1919). − Gén. au plur. Papillon de corbillard (ou hirondelle de cimetière). Éclat d'obus (d'apr. Esn. Poilu 1919). b) Corbillard de loucherbem (de « boucher »). Voiture qui ramasse dans les boucheries la viande avariée (d'apr. France 1907) : 3. ... voici passer au galop le corbillard de loucherbem, l'immonde voiture qui vient ramasser dans les boucheries la viande gâtée (...) grande caisse noire, qui laisse (...) une traînée d'amphithéâtre ambulant.
J. Richepin, Le Pavé,1883, p. 9. c) [P. anal. de couleur] Pupitre double où s'assoient les clercs de notaire, d'avoué, etc. (d'apr. France 1907). Le grand pupitre double, peint en noir, que dans ces officines on appelle un corbillard (G. Graux, Les Amours d'un Jésuite,d'apr. France 1907.). d) Loc. diverses [Pour désigner des pers. ou en parler] ♦ Corbillard à nœuds. Prostituée malsaine (d'apr. France 1907; Rigaud, Dict. jargon paris., 1878). ♦ Corbillard à deux roues. Personne triste (d'apr. France 1907; Rigaud, Dict. jargon paris., 1878). ♦ Tête (ou caillou) à caler les roues de corbillard. Mine triste ou renfrognée, visage peu engageant (Carabelli, [Lang. pop.]). ♦ Faire son cheval de corbillard. Faire le fier, poser (d'apr. G. Fustier, Suppl. au dict. de la langue verte d'A. Delvau, 1889). Prononc. et Orth. : [kɔ
ʀbija:ʀ]. Ds Ac. 1718-1932. Fait partie des mots dans lesquels r de la finale est analogique; au xvies. : corbillat. Cf. Buben 1935, § 212. Étymol. et Hist. 1. 1549 corbillaz, plur. « coche d'eau qui faisait le service entre Corbeil et Paris » (Ant. Regnaut, Disc. du Voyage d'Outremer, p. 10 ds Gay); 2. a) 1690 (Fur. : On appelle ironiquement un corbillard, un carrosse bourgeois, ou on voit plusieurs personnes fort pressées); b) 1718 « carrosse servant à transporter la suite des princes » (Ac.); 3. 1798 « voiture servant à transporter les morts » (Ac.). Dér. de Corbeil, nom d'une ville située au confluent de la Seine et de l'Essonne; suff. -at*, supplanté par -ard*. Fréq. abs. littér. : 209. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 99, b) 674; xxes. : a) 402, b) 199. |