| CONTRAIRE, adj. et subst. masc. I.− Adjectif A.− [En parlant de deux choses situées sur le même plan] 1. Qui présente l'opposition la plus extrême, la plus radicale. Contraire à; qualités, termes contraires. J'obtiens toujours avec elles le résultat contraire à celui que j'attendais (Giraudoux, Intermezzo,1933, II, 1, p. 88).Des notions et des pensées qui, avant lui, semblaient discordantes ou même contraires (R. Martin du Gard, Notes sur André Gide,1951, p. 1402): 1. ... cette conviction que la vie humaine n'est plus qu'un incertain combat livré entre l'enfer et le ciel; cette foi en deux entités contraires. Satan et le Christ, devaient fatalement engendrer ces discordes intérieures où l'âme (...) finit par s'abandonner et se prostitue à celui des deux partis dont la poursuite a été la plus tenace.
Huysmans, À rebours,1884, p. 211. 2. Laure en proie à une foule de sentiments contraires, sentait en elle la colère contre Jean se mêler à une immense pitié pour cette fille qui lui parlait si simplement, avec tant de confiance.
Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 444. 2. De direction opposée. Marche contraire. En sens contraire des aiguilles d'une montre (A. France, Les Opinions de M. Jérôme Coignard,1893, p. 175): 3. Malgré la chaleur, les deux filles, à bicyclette, tournaient autour de la maison en sens contraire, et poussaient des cris quand elles se croisaient.
Mauriac, Le Mystère Frontenac,1933, p. 114. 3. En partic. a) LOG. Propositions contraires. ,,Propositions universelles qui ont les mêmes termes et dont l'une est affirmative et l'autre négative`` (Lal. 1968). − [P. ell. du subst.] Ces deux autres [propositions] : tous les hommes sont blancs, nul homme n'est blanc, sont des contraires (O. Hamelin, Essai sur les éléments princ. de la représentation,1907, p. 13). b) MUS. [Dans une composition contrapuntique] Mouvement contraire. Mouvement qui fait monter une partie tandis que l'autre descend : 4. Il est impossible, en fugue, de répondre à un intervalle donné par mouvement contraire. Si l'on ne peut y répondre par mouvement direct, il faut avoir recours au mouvement oblique.
M. Dupré, Cours complet de fugue,1936, p. 15. c) NAV. Vent, marée contraire; avoir un vent contraire, naviguer vent contraire. Face au vent, vent debout*. Nous cinglions à l'aide de la marée, car le vent étoit contraire (Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie,t. 2, 1801, p. 322): 5. Sur ces entrefaites, les deux frégates sur lesquelles on m'avait fort éveillé, appareillèrent, bien que le vent leur fût contraire pour sortir, et, arrivées par notre travers, elles laissèrent retomber l'ancre à droite et à gauche de nous, presque à nous toucher...
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 35. Rem. Un sens partic. est attesté par le syntagme usité en dr. romain action contraire. ,,Action qui naît accidentellement d'un fait postérieur au contrat`` (Lar. Lang. fr.). B.− [Avec une idée d'hostilité] 1. Vx. [En parlant d'une pers.] Qui agit à l'encontre des intérêts d'une autre personne; hostile, défavorable. Mais depuis qu'il [M. le premier président] s'est avisé d'être contraire à M. de Calonne, le billet a été retrouvé, et M. de Calonne l'a porté au roi (Mmede Staël, Lettres de jeunesse,1786, p. 108): 6. ... il n'était question que de courir sus au duc de Bourgogne comme ennemi de l'État; mais les habitans de Paris lui étaient favorables; le duc de Guyenne lui-même, qui était son gendre, ne lui était point contraire.
Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 3, 1821-24, p. 88. 2. Usuel, littér. [En parlant d'une chose en relation avec ce qui est normalement attendu, souhaitable ou souhaité] Contraire à qqn ou à qqc. Qui présente un caractère néfaste, nuisible à quelqu'un ou à quelque chose. Chance, destin, fortune, sort contraire. Du sein de ta splendeur à mon destin contraire Tu veux bien compatir (Sainte-Beuve, Poésies,À mon ami V. H., 1829, p. 50).Une veine contraire m'a emporté tout l'argent dont je pouvais disposer (Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 137).Je braverai le sort contraire! (Claudel, Tête d'or,1reversion, 2epart., 1890, p. 72): 7. Il concluait cordialement : « Malgré votre frénésie qui me gêne comme inconscience et qui m'est si contraire, j'ai pour vous l'amitié la plus grande et la moins explicable. »
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 329. II.− Subst. masc. A.− Ce qui s'oppose par le plus grand écart possible à une chose située sur le même plan. Une belle fille, on ne peut pas dire le contraire (Claudel, L'Ours et la lune,1919, 3, p. 612).Jusqu'à la preuve du contraire (Maran, Batouala,1921, p. 21).Solange avait menti en protestant du contraire (Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1269): 8. Car tous les Ianus de Rome ne suffiraient pas à représenter toutes les oppositions, tous les contrastes − ou si l'on veut, toutes les synthèses qu'il y a dans Goethe. C'est presque un jeu de les trouver en lui, et ce jeu fait même douter s'il ne s'était pas fait un système de cultiver exactement les contraires.
Valéry, Variété IV,1938, p. 118. − En partic. 1. Mot qui s'oppose totalement par le sens à une autre unité sémantique (cf. antonyme) : 9. Tous les degrés entre la haine et l'amour, entre l'hypo et l'hyper, entre n'importe quel sentiment et son contraire, comme, en physiologie, entre le trop et le pas assez.
Gide, Journal,1932, p. 1111. 2. Littér. Personne qu'une nature, un tempérament, des goûts très différents opposent totalement à quelqu'un d'autre. Ces deux espèces de gens fuient leurs contraires et cherchent leurs semblables par le monde (Alain, Propos,1907, p. 9): 10. Alors don Salluste serait l'égoïsme absolu, le souci sans repos; don César, son contraire, serait le désintéressement et l'insouciance...
Hugo, Ruy Blas,1838, préf., p. 334. B.− Loc. nom. 1. Loc. adv. de phrase (en début ou en fin de prop.) marquant l'opposition, la restriction. ♦ (Bien, tout) au contraire. Le champagne ne nuit pas, au contraire (G. Duhamel, Chronique des Pasquier, La Nuit de la Saint-Jean, 1935, p. 218).La terre ne me leurrait pas, bien au contraire (Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 86). ♦ Par contraire (vx). Il lui manque [au patron] l'émulation (...). Prenez, par contraire, dix jeunes gens; donnez-leur à chacun la même pièce à faire, et vous verrez (D. Poulot, Le Sublime,1872, p. 267). 2. Loc. prépositive. Au contraire de. Contrairement à. Au contraire de beaucoup d'enfants, elle n'est pas indifférente à la propreté; elle en a même le goût; elle l'aime (Romains, Les Hommes de bonne volonté,La Douceur de la vie, 1939, p. 51). Prononc. et Orth. : [kɔ
̃tʀ
ε:ʀ]. Enq. : /kõtʀeʀ/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 subst. « action hostile; dommage, tort causé à quelqu'un » (Roland, éd. J. Bédier, 290), seulement au Moy. Âge; 2. 1160-74 vent contraire (Wace, Rou, I, 545, ds T.-L.); ca 1175 « complètement opposé » (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, 6026, ibid. [Amor et Haïne]); ca 1175 subst. tot le contreire (Id., Chevalier Charrette, 3162, ibid.); ca 1393 méd. (Ménagier, I, 9 ds Littré : Es maladies un contraire se garit par un autre contraire); 3. ca 1370 loc. adv. au contraire « d'une manière opposée, différente » (Oresme, Eth., 22 ds Gdf. Compl. : si ... avient tout au contraire); 1495 au contraire « inversement » (Commynes, Memoires, VIII, XIX, éd. J. Calmette, t. 3, p. 251); 4. ca 1450 au contraire de (Mystère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 26769). Empr. au lat. class. contrarius « qui est en face de; du côté opposé » d'où « opposé à », « ennemi, hostile » et « qui est en contradiction avec ». Fréq. abs. littér. : 15 282. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 21 428, b) 17 313; xxes. : a) 17 295, b) 27 032. Bbg. Barb. Loan-words. 1921, p. 259. − Cohen 1946, p. 67. − Lew. 1960, p. 239. − Thomas (A.) Nouv. Essais 1904, p. 122. |