| CONSCIENT, ENTE, adj. [Correspond à conscience I] A.− [En parlant d'une pers.] 1. [Gén. sans compl. déterminatif] Qui a conscience de son existence et de ce qu'il est, qui est totalement présent − en particulier de toutes ses facultés intellectuelles − à lui-même, à ses états, à ses actes, à son expérience vécue, et par conséquent qui est responsable. Ses traits étaient surprenants de calme, de gravité. Jamais elle n'avait paru plus consciente, plus responsable, plus résolue (R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 465).L'homme cultivé, conscient, honnête, ne se laisse pas guider par le caprice, il organise logiquement sa délibération, il pèse le pour et le contre (Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 31).La revendication est devenue plus efficace parce que le travailleur est devenu plus conscient et dispose d'organisations syndicales plus puissantes (Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 422): 1. Pour un homme conscient, la vieillesse et ce qu'elle présage ne sont pas une surprise. Il n'est justement conscient que dans la mesure où il ne s'en cache pas l'horreur. Il y avait à Athènes un temple consacré à la vieillesse. On y conduisait les enfants.
Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 103. − Rare. [Avec un compl. déterminatif] :
2. Le dément demeure de la sorte parfaitement conscient et responsable de ses actes jusqu'à l'instant où la première phase de son mal cède la place soit à la fureur de l'agité, soit à la prostration du mélancolique.
Milosz, L'Amoureuse initiation,1910, p. 161. − P. méton. Le premier soin de l'homme supérieur dès qu'il est conscient de lui-même, c'est de sculpter, de ciseler son être moral (J. Péladan, Le Vice suprême,1844, p. 202). 2. En partic. [Avec un compl. déterminatif] Conscient de qqc. a) Qui a une connaissance immédiate et directe, plus ou moins complète et claire, de quelque chose : 3. ... tu n'as peut-être pas assez montré ces personnages humains, − à mesure qu'ils se développent dans la vie, dans le temps, − obscurément consicents du moment à venir, puisqu'il est de toute éternité « impliqué » en eux-mêmes;
Alain-Fournier, Correspondance[avec J. Rivière] 1906, p. 223. b) Qui a une connaissance claire et réfléchie de quelque chose, qui saisit quelque chose avec suffisamment de netteté pour en tenir compte le cas échéant. On le félicitait de toutes parts d'avoir rompu avec les partis extrêmes, les hommes dangereux, d'être conscient des responsabilités gouvernementales (A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 358).Il marchait d'un pas ferme... (...) d'un pas d'honnête homme conscient d'avoir accompli son devoir (G. Leroux, Le Parfum de la dame en noir,1908, p. 97).J'étais extrêmement consciente de votre angoisse et du terrible sentiment d'impuissance qui vous étreignait (Gide, Journal,1916, p. 559).Je suis conscient de la noirceur de mon crime (Aymé, Clérambard,1950, III, 2, p. 150). B.− [Sans compl. déterminatif, en parlant d'une chose] Dont le sujet à une conscience claire. Actes particuliers définis, conscients, que la réflexion peut saisir et analyser (Bremond, Hist. littér. du sentiment relig. en France, t. 3, 1921, p. 146).Elle semblait agir ainsi sans aucun dessein − du moins conscient − ou peut-être par un pressentiment confus (Bernanos, Un Mauvais rêve,1948, p. 1023): 4. ... l'effort spirituel d'édification du moi est un effort pour rassembler autour d'un centre et d'un itinéraire les parties démembrées de la psyché, stagnations inconscientes, projections mal situées, efforts conscients. Ce n'est pas seulement un effort de conscience pour discipliner l'inconscient. L'équilibre du moi exige la participation active de toutes les zones du moi, et il commence à apparaître que la vie inconsciente n'est pas seulement irrationnelle et destructrice. Jung a mis en évidence la notion de pulsions inconscientes orientées vers une fin. Il semble, en effet, que l'inconscient exerce une action compensatoire vis-à-vis du conscient, telle que les attitudes atrophiées dans la vie consciente sont entrées dans la vie inconsciente, et inversement.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 527. SYNT. Moi, être, acte, souvenir conscient; offense consciente, volontaire; sources inconscientes de la vie consciente; remplacer un conflit inconscient et névrotique par un conflit conscient et humain. − Devenir conscient. Franchir le seuil de la conscience. Le troupeau, la maison, le village, à la fois, deviennent conscients dans ma cervelle à moi. Je sens sonner l'horloge, gambader les chèvres (Romains, La Vie unanime,1908, p. 218). − Emploi subst. masc. Le conscient. L'ensemble des phénomènes psychiques dont le sujet a une conscience claire (cf. conscience I C). La part de l'intentionnel et du conscient est fort exagérée; nul poète plus que Mallarmé n'est mené, tyrannisé, par les mots, les images, les associations (Thibaudet, Réflexions sur la litt.,1936, p. 10).Cf. ex. 4 supra. − P. ext., cour. Qui est fait de propos délibéré, volontairement, en toute connaissance de cause. Une œuvre profondément méditée, la plus volontaire et la plus consciente qui fut jamais (Valéry, Variété II,1929, p. 204).Encore dans Horace, Corneille (...) n'ose-t-il pas nous présenter, en face du sacrifice conscient, un sacrifice d'autrui moins réfléchi (Brasillach, Pierre Corneille,1939, p. 283): 5. Il [l'artiste] se fait une certaine idée du monde et de lui-même, de la réalité et de l'art; fatalement, il entend y conformer son œuvre. Là est la part consciente, raisonnée, voire systématique de sa création.
Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 435. Prononc. et Orth. : [kɔ
̃sjɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. [ss] double ds Littré et DG. À ce sujet cf. Mart. Comment prononce 1913, p. 314 qui note que si l'on entend gén. qu'1 [s] pour le groupe -sc- dans conscience, on entend 2 [ss] dans cons/cient comme dans es/cient, pres/cience. Ds Ac. 1878 et 1932. Étymol. et Hist. 1755 (Bonnet, Essai psychol., ch. 35 ds Littré : Nous sommes conscients de toutes ces choses, nous sentons que c'est en nous, dans notre moi qu'elles se passent). Empr. au part. prés. consciens de conscire « avoir la connaissance de quelque chose ». Fréq. abs. littér. : 1 250. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 24, b) 190; xxes. : a) 1 887, b) 4 058. |