| ![]() ![]() ![]() ![]() CONQUIS, ISE, part. passé, adj. et subst. I.− Part. passé de conquérir*. II.− Emploi adj. A.− Domaine milit.[En parlant d'un territoire, d'un peuple] Qui est sous la domination d'une puissance militaire. Conquis (sur).Un monarque étranger reçu comme un bienfaiteur dans la capitale d'un état conquis et délivré par ses armes (Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 5, 1814, p. 191).La population conquérante et la population conquise se mêlèrent dans les mêmes murs (Guizot, Hist. gén. de la civilisation en Europe,Leçon 10, 1828, p. 21): 1. Un peuple agriculteur, soumis à une nation étrangère, n'abandonne point ses foyers : la nécessité le contraint à travailler pour ses maîtres. Tantôt la nation dominatrice se contente de laisser, sur le territoire conquis, des chefs pour le gouverner, des soldats pour le défendre, et surtout pour en contenir les habitants, et d'exiger du peuple soumis et désarmé un tribut en monnaie ou en denrées. Tantôt elle s'empare du territoire même, en distribue la propriété à ses soldats, à ses capitaines;...
Condorcet, Esquisse d'un tableau hist. des progrès de l'esprit hum.,1794, p. 34. SYNT. Subst. + conquis, ise(s) : nation(s), peuple(s), position(s), province(s) conquis(e)(s). − P. ext. [En parlant d'obj. symbolisant les territoires, les peuples conquis] Dépouilles conquises sur l'ennemi (Say, Traité d'écon. pol.,1832, p. 381).Les symboles de nos gloires (...) arc de triomphe dans le soleil, drapeaux conquis frissonnant à la voûte des Invalides (De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 2). − P. anal. ♦ [En parlant de biens matériels sans intérêt milit. partic.] Qui est gagné (sur quelque chose). Conquis (sur). ♦ [En parlant de terrains] De petits champs conquis sur le roc ou sur le torrent (Lamartine, Des destinées de la poésie,1834, p. 409).Les vastes prairies conquises sur les sables de la Moselle (Barrès, Mes cahiers,t. 4, 1904-06, p. 208).Trois cents hectares aux portes d'Alger conquis sur les marais de la Mitidja (Claudel, Le Pain dur,1918, I, 1, p. 413). ♦ [En parlant de choses diverses ou de pers. considérées comme des choses à posséder] Ce repas conquis à coups de crocs (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Une Vendetta, 1883, p. 121).La clientèle conquise, abattue aux pieds du tentateur [Octave Mouret] (Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 796).Loc. En pays conquis. Entrer, s'installer, pénétrer, etc., [dans tel lieu] (comme, ainsi qu') en pays conquis. (...) à la manière dont on traite, etc., un pays conquis. Aucun d'eux ne faisait mine de nous traiter en pays conquis (About, Le Roi des montagnes,1857, p. 77).Une femme qui pénétrait dans l'hôtel ainsi qu'en un pays conquis (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 2, Le Club des Valets de cœur, 1859, p. 384): 2. ... la contrée leur appartenait, ils y vivaient comme en pays conquis, jouissant de la terre et du ciel.
Zola, La Fortune des Rougon,1871, p. 199. B.− P. métaph., au fig., domaine des valeurs hum.Qui est gagné à la suite d'un déploiement de qualités d'ordre social, moral, intellectuel ou affectif. 1. Domaine des valeurs soc.Ils [les châteaux] sont pour eux [les nobles] des actions, des titres, des privilèges conquis (Gozlan, Le Notaire de Chantilly, 1836, p. 75). ... d'un pouvoir toujours conquis et disputé Faire le prix du crime et de l'atrocité! (Lamartine, La Chute d'un ange,1838, p. 934).Il a cinq ou six grands cordons conquis par des services rendus (...) aux princes ou aux États (A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 135). 2. Domaine des valeurs morales.Liberté conquise. Le double reflet D'un éternel bonheur et d'une paix conquise (Dierx, Poèmes et poésies,Stella Vespera, 1864, p. 79).Cette torture hebdomadaire [Le Petit journal] du talent, du travail, du bonheur conquis, du légitime orgueil (E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 23). − En partic., domaine relig. : 3. Ayant communié, le roi se replongea dans l'ampleur des coussins, et la béatitude de l'absolution reçue ouvrant déjà l'œil de son âme au jour clair de la certitude, (...), l'âme du roi mourant montait aux cieux conquis.
Verlaine, Poèmes saturniens,1886, p. 93. 3. Domaine des valeurs intellectuelles et artistiques.[En parlant de l'esprit et de ses productions] Expert dans l'art d'écouter tout (...) une fois l'idée conquise (...) il oubliait rapidement les phrases (Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 107).La splendeur impériale du génie classique, qui règne (...) sur l'univers des formes conquis et maîtrisé (R. Rolland, Jean-Christophe,La Nouvelle journée, 1912, p. 1463): 4. L'imagination qui « néantit » parfaitement et nous transporte « ailleurs » − dans cet ailleurs que l'exotisme cherche au delà des océans lointains et qui est plus souvent figuré sur une scène de théâtre et évoqué par un personnage de roman − cette imagination est une imagination de luxe, une imagination esthétique conquise sur l'imagination besogneuse qui ne dépeint pas le pur néant de présence, mais une présence anticipée et encore absente des choses dont le manque nous fait souffrir.
Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 94. 4. Domaine des valeurs affectives.[En parlant du cœur d'une pers.; p. méton. de cette pers. elle-même] a) Domaine des relations amicales.Il endoctrinait les camarades, surtout Lapoulle, dont il avait promis de faire un gaillard. (...) tout le wagon riait, amusé, conquis (Zola, La Débâcle,1892, p. 46).Un enfant qui (...) paraît si jeune, si grêle, si touchant (...) que le public, définitivement conquis, applaudit (R. Martin du Gard, Devenir,1909, p. 76).Apprivoisés (...) les enfants ne s'éloignaient plus des jupes de Kate (...). Wielanda, elle aussi conquise (Peyré, Matterhorn,1939, p. 83). − P. anal. [En parlant d'un animal] Un chien s'était égaré dans le labyrinthe (...) j'appelai celui-ci qui hésita, visiblement conquis (Camus, La Chute,1956, p. 1536). b) Domaine des sentiments amoureux.Son petit cœur de femme séduite, vaincue, conquise (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Le Rendez-vous, 1889, p. 1111).Elle dut désarmer, vaincue, conquise à l'infini de câlinerie puérile (Courteline, Messieurs-les-Ronds-de-cuir,1893, 4etabl., 2, p. 145).Le chevalier soudain conquis ouvre ses bras (Giraudoux, Ondine,1939, I, 5, p. 39). III.− Emploi subst. A.− Domaine milit.[En parlant d'une pers., d'un peuple] Personne qui est sous la domination d'une puissance militaire. Les conquis conquerront par l'esprit leurs rudes conquérants (Barrès, Au service de l'Allemagne,1905, p. 105). − P. anal., au sing. avec valeur de neutre. Ce qui est conquis : 5. Puis, sur un doux trille en si bémol (...) la mélodieuse phrase de la deuxième idée se balance, soumise, et se rend. La première idée en prend possession. Son élan dominateur (...) se répète (...) comme un acquiescement dicté. L'affirmation de la conquête est redite (...) par le conquis. Mais cela ne suffit pas encore au poing du vainqueur, qui insiste (...) et c'est, à la fin, la soumission complète.
R. Rolland, Beethoven,t. 1, 1928, p. 243. B.− Domaine des valeurs hum.; en partic. des valeurs morales.Personne qui est gagnée par un déploiement de qualités d'ordre moral. La conquête juive ne serait qu'(...), une des tentatives (...) contre l'unité morale de notre peuple... si l'étonnante passivité des conquis n'annonçait un mal plus grave (Bernanos, La Grande peur des Bien-Pensants,1931, p. 136);(cf. aussi conquérant III B 2 b). Prononc. et Orth. : [kɔ
̃ki]. Ds Ac. 1694-1878. Fréq. abs. littér. : 1 307. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 734, b) 1 349; xxes. : a) 2 502, b) 1 850. |