| CONCEPT, subst. masc. A.− Vx. Faculté, manière de se représenter une chose concrète ou abstraite; résultat de ce travail; représentation. Synon. conception.Ainsi le talent, de même que la goutte, saute quelquefois de deux générations. Nous avons de ce phénomène, un illustre exemple dans George Sand en qui revivent la force, la puissance et le concept du maréchal de Saxe de qui elle est petite-fille naturelle (Balzac, Albert Savarus,1842, p. 17).Les Quatre Saisons de MlleAbbéma sont, comme concept, une niaiserie bien féminine (Huysmans, L'Art mod.,1883, p. 297).La description qu'en [du cerveau] fabrique le Français avec le concept logique de son esprit (E. et J. de Goncourt, Journal,oct. 1889, p. 1054). B.− Usuel 1. PHILOS. Représentation mentale abstraite et générale, objective, stable, munie d'un support verbal. Le concept de vérité, le concept de cercle. Synon. catégorie, classe, schème, symbole.Cette philosophie du concept est devenue chez Platon la dialectique, et chez Aristote, la construction métaphysique et scientifique que l'on sait, où la méthode est demeurée essentiellement dialectique (L. Lévy-Bruhl, La Mor. et la sc. des mœurs,1903, p. 63).Le philosophie, remontant du percept au concept, voit se condenser en logique tout ce que le physique avait de réalité positive (Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 320).Qu'est-ce qu'un concept? [selon Kant] C'est un moyen de juger, c'est-à-dire un universel, une forme de classe sous laquelle on peut subsumer un singulier (O. Hamelin, Essai sur les éléments principaux de la représentation,1907, p. 30): 1. Quand je fixe un objet dans la pénombre et que je dis : « c'est une brosse », il n'y a pas dans mon esprit un concept de la brosse, sous lequel je subsumerais l'objet et qui d'autre part se trouverait lié par une association fréquente avec le mot de « brosse », mais le mot porte le sens, et, en l'imposant à l'objet, j'ai conscience d'atteindre l'objet.
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 207. SYNT. Le concept d'espace, de mouvement, de temps, de cause; le contenu, la compréhension, l'extension d'un concept, la connotation d'un concept; former le/un concept de qqc., subsumer un donné ou un ensemble de données sous un concept, épuiser un concept. 2. LING. MOD. : 2. Quand j'affirme simplement qu'un mot signifie quelque chose, quand je m'en tiens à l'association de l'image acoustique avec un concept, je fais une opération qui peut dans une certaine mesure être exacte et donner une idée de la réalité; mais en aucun cas je n'exprime le fait linguistique dans son essence et dans son ampleur.
Saussure, Cours de ling. gén.,1916, p. 162. 3. L'image acoustique et le concept sont d'ordre psychique; dans la phonation, le concept de bœuf, par exemple déclenche dans le cerveau l'image acoustique correspondante, empreinte du groupe de sons qu'est le mot bœuf en français (Ox en anglais, etc.); puis, par un processus physiologique, le cerveau transmet aux organes de la phonation l'impulsion corrélative à l'image; dans la situation de l'audition, l'ordre est inversé : transmission physiologique de l'oreille au cerveau, et dans le cerveau, association psychique de l'image acoustique bœuf, Ox, etc. avec le concept correspondant.
J. Perrot, La Ling.,1953, p. 111. 3. P. ext. a) Vocab. sc. en gén. Le concept de l'inconscient frappait depuis longtemps aux portes de la psychologie et la philosophie comme la littérature flirtaient avec lui (S. Freud, Abr. de psychanal.,trad. A. Bermann, 1949, p. 20).Un concept mathématique adéquat à la notion vague de fonction d'entiers effectivement calculable (Hist. gén. des sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 107).Des concepts de marché, de firme, de prix, d'équilibres par les prix et par les flux (Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 589). b) Dans la lang. littér. et culturelle. Quasi synon. de idée.L'idée, que le fait, que le concept d'un péché (Péguy, Victor-Marie, Comte Hugo,1910, p. 824).Je ne me fais pas d'Esprit [le pigeon] et de mon attirance vers lui un concept précis, clair, distinct? Eh! j'en conviens (Barrès, Le Mystère en pleine lumière,1923, p. 63).La France, décidément, n'était pour moi ni une déesse abstraite, ni un concept d'historien, mais bien une chair dont je dépendais (Saint-Exupéry, Lettre à un otage,1943, p. 395): 4. Nous avons trop mesuré la complication des faits de nature pour nous leurrer de l'espoir d'emprisonner dans un concept rigide la réalité touffue de la chose vitale; ...
J. Rostand, La Vie et ses problèmes,1939, p. 12. Rem. On rencontre ds la docum. et ds quelques dict. gén. du xixeet du xxes. a) Le subst. masc. conceptisme qui désigne dans la littérature espagnole un courant d'idées apparu au début du xviies. et caractérisé par un raffinement abusif dans la pensée et dans le style. Plus tard, Calderon rendra plus rigide ces dogmes, se fera de l'honneur une conception plus rigoureuse, et dans le « médico de su honra » proposera des modèles étonnamment durs et abstraits. Le gongorisme, le conceptisme, le cultisme viendront renforcer l'action de la préciosité (Brasillach, Pierre Corneille, 1938, p. 61). b) L'adj. conceptiste, dér. de conceptisme. On dirait que les pointes, bons mots et traits d'esprit, auxquels Gracian consacre son vaste traité de l'« agudeza y arte de ingenio », sont comme l'application « conceptiste » de cet esprit de finesse (Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, p. 112). Son emploi subst. masc. désigne un écrivain s'adonnant aux raffinements du conceptisme. Prononc. et Orth. : [kɔ
̃sεpt]; prononcé [kɔ
̃sεp] ds Fér. Crit. t. 1 1787, Land. 1834 et Gattel 1841. Cf. abrupt. Enq. : /kõsept/. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1404 (Chr. de Pisan, Charles V, 3, 5 ds Quem. : Le concept des choses veues, sceues et oppinees par vrayes raisons); 1647 terme de philos. (Descartes, Méditation, 6 ds Littré : Pour me servir des termes de l'école, dans leur concept formel). Empr. au lat. conceptus « action de contenir, de recevoir » (de concipere « concevoir »), en lat. chrét. le sens de « conception, pensée ». Fréq. abs. littér. : 832. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 39, b) 301; xxes. : a) 883, b) 2 812. Bbg. Teppe (J.). Gongorisme. Vie Lang. 1962, p. 68. |