| COMMANDE, subst. fém. I.− [Correspond à commander I] A.− Loc. adv. ou adj. inv. 1. Sur commande.Sur l'ordre que donne quelqu'un : 1. Un malade que la psychiatrie traditionnelle classerait dans les cécités psychiques est incapable, les yeux fermés, d'exécuter des mouvements (...) qui ne s'adressent à aucune situation effective tels que de mouvoir sur commande les bras ou les jambes...
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 119. − P. ext. La mémoire sert à enregistrer des souvenirs (mémoire de fixation), à les reproduire sur commande (mémoire d'évocation) (H. Codet, Psychiatrie,1926, p. 19): 2. − (...) je te donne mon bonbon, prends-le, c'est pour toi.
Et, sournoisement, elle guigne le bon effet de sa générosité. N'est-ce pas d'exacte tradition? La vertu sur commande, au moment favorable : faire le bien pour la galerie!
Frapié, La Maternelle,1904, p. 221. Rem. Balzac emploie dans le même sens la loc. à commande : 3. Un paysan de la Bresse comprendra toujours qu'un écrivain n'ait pas le talent à commande et ne comprendra pas qu'on soit inexact en fait de matérialités, comme d'ignorer ce qu'on a ou ce qu'on n'a pas.
Balzac, Correspondance,1834, p. 540. 2. (Subst.) + de commande.(Subst.) qui est imposé, rendu obligatoire par quelque chose ou quelqu'un. − [L'obligation est extérieure à la pers. qui la subit] RELIG., vieilli. Fêtes, jeûnes de commande. Fêtes, jeûnes dont l'Église prescrit l'observation. Synon. fêtes, jeûnes d'observance. ♦ P. ext. Il ne s'agit pas ici de cet optimisme de commande et du tout va bien officiel (Mauriac, Journal 3,1940, p. 284): 4. ... rien ne peut fausser davantage le caractère d'un enfant que de lui imposer un respect de commande pour des parents, dès que ceux-ci ne sont pas respectables.
Gide, Geneviève,1936, p. 1359. − [L'obligation vient de la pers. même qui la subit] Dans le domaine des sentiments.Dont on s'impose la simulation, que l'on affecte de ressentir sous la pression des circonstances, par calcul, sans naturel, etc. On sentait trop, derrière l'amabilité de commande, le besoin de domination que le sourire ne parvenait pas à farder (Gide, Journal,1943, p. 246).Je me mis à sourire, un peu piqué, d'un sourire de commande (Gracq, Le Rivage des Syrtes,1951, p. 112). SYNT. Aménité, cordialité, empressement, joie, enthousiasme, douceur, humilité, mansuétude, gravité, flegme, frivolité, inimitié, réprobation, moue, expression attristée, saluts de commande. B.− HIST. DU DR. ECCL. [Le suj. désigne un ecclésiastique] Obtenir, posséder un bénéfice en commande. Être nommé dans un bénéfice avec jouissance de ses revenus pendant la durée de sa vie; l'obtenir en dépôt, en garde. − P. ext. Mais Messire veut que le dauphin (...) ait le royaume en commande (...) Ce mot de commande, usité en matières bénéficiales, signifiait dépôt (A. France, Vie de Jeanne d'Arc,1908, p. 74). − Par fig. étymol. : 5. violaine. − Sachez ce que vous faites en me prenant pour femme!
Laissez-moi vous parler bien humblement, seigneur Jacques
Qui allez recevoir mon âme et mon corps en commande des mains de Dieu et de mon père qui les ont faits.
Claudel, L'Annonce faite à Marie,version pour la scène, 1948, II, 3, p. 170. II.− [Correspond à commander II] A.− Au sing. [À propos d'un mécanisme] 1. Mise en action, en marche; transmission du mouvement; déclenchement, fonctionnement. Commande d'un appareil, d'un ascenseur, de l'éclairage. ♦ Commande à distance (synon. télécommande).Commande à main, mécanique, pneumatique, hydraulique, électrique, magnétique, par moteur, automatique ou automatisée. − P. anal., NEUROLOGIE Elle [la rapidité] dépend aussi de la labilité ou facilité de variation du tonus nerveux de commande sous-corticale (Mounier, Traité du caractère,1946, p. 282). 2. (Subst.) + de commande.(Subst.) qui permet la mise en action. SYNT. Dispositif, roue de commande du gouvernail; mécanisme, levier, clavier, câble, bouton, pédale de commande; dispositif de commande et de contrôle; manettes de commande des circuits. B.− P. méton., souvent au plur. [Dans un mécanisme] Organe ou ensemble des organes de mise en marche, de fonctionnement et d'arrêt; organe ou ensemble des organes de transmission du mouvement, de manœuvre. SYNT. Commande de direction, commandes des boîtes de vitesses; tableau de commandes, câbles de commandes; manier les commandes, se familiariser avec les commandes. − AÉRON. « Ah! j'ai eu peur... » Un coup de talon libère un câble. Commande coincée. Quoi? Sabotage? Non. Trois fois rien : un coup de talon rétablit le monde (Saint-Exupéry, Courrier Sud,1928, p. 13).[De] l'installation des commandes (...) dépendent (...) pour moitié (...) les qualités de vol de l'avion (J. Guillemin, Précis de constr., calcul et essai des avions et hydravions,1929, p. 145). SYNT. Commande de direction, de profondeur; commandes rigides; passer les commandes (au premier pilote); lâcher les commandes; commandes qui gèlent, qui n'obéissent plus; (avion) qui répond toujours aux commandes. ♦ Avion à doubles commandes. Avion dont les organes de conduite (direction et stabilité) sont doubles pour permettre, dans le cas d'un appareil d'école, le pilotage simultané par le moniteur et l'élève; dans le cas d'un long-courrier, le relais du pilote et du co-pilote. Si je montais comme bombardier, je pourrais peut-être faire aussi un peu de double commande (Malraux, L'Espoir,1937, p. 499). ♦ Commandes croisées. Position respective du manche et du palonnier qui sollicite l'appareil dans deux directions opposées, avec risque de vrille ou de perte de contrôle. Croiser, conjuguer les commandes. Actionner simultanément le manche et le palonnier en dosant la manœuvre de telle sorte que l'appareil effectue un virage correct sans partir en vrille ou devenir incontrôlable. Détroyat engage le pied à fond et croise les commandes (R. Chambe, Enlevez les cales,1935, p. 81). − MARINE ♦ Cordage de petit calibre fait d'un faisceau de deux ou trois fils de carets, provenant de vieux cordages, roulés à la main pour confectionner des amarrages grossiers. Les câbles, les cordes tendent leurs réseaux autour de la scène. On dirait un port; Fécamp (...) a moins de filins, de mâts de hune, de commandes et d'étais (Morand, Rococo,1933, p. 83). ♦ Poste de commande. Poste surélevé où sont rassemblés et où se manœuvrent les principaux organes de direction du bâtiment. − P. anal., NEUROLOGIE : 6. Si nous savions voir à travers le corps (...), une poussée d'adrénaline ou quelque riche manœuvre des commandes cérébrales nous offrirait le même charme lisible que cette légère tension de l'orbiculaire qui suspend à ses lèvres le sourire de la Joconde.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 204. C.− P. métaph. ou au fig. 1. [Correspond à II A] Direction, contrôle. Les maîtres, en tous pays, avaient perdu la commande des événements (Guéhenno, Journal d'un homme de 40 ans,1934, p. 222).Elzélina avait eu un moment d'égarement, de perte des leviers de commande (A. Arnoux, Roi d'un jour,1956, p. 230). − Surtout dans le domaine de la pol. ou des affaires.S'emparer, disposer des leviers de commande (d'un pays, d'une entreprise). S'emparer, disposer des organes essentiels de gouvernement, avoir la haute main sur les affaires de l'État; s'emparer, disposer du poste-clef d'une entreprise, en détenir la haute direction : 7. Les crimes hitlériens (...) sont sans équivalent dans l'histoire parce que l'histoire ne rapporte aucun exemple qu'une doctrine de destruction aussi totale ait jamais pu s'emparer des leviers de commande d'une nation civilisée.
Camus, L'Homme révolté,1951, p. 229. 8. ... ceux-ci [les communistes] (...) exigeaient (...) l'un au moins des trois ministères qu'ils tenaient pour les principaux : Défense nationale, Intérieur, Affaires étrangères. (...) Si je venais à céder, les communistes, disposant d'un des leviers de commande essentiels de l'État, auraient, dans un moment de trouble, le moyen de s'imposer.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 275. 2. [Correspond à II B, aéron.] :
9. Ces mouvements répulsifs qui forment les conduites de la défense sont donc à double commande, (...) : ils ont dans des signaux perçus leur régulation externe et dans l'affect représentatif de la douleur leur régulation interne.
Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 104. ♦ Prendre les commandes (d'un pays, d'une entreprise). En prendre la direction, en assumer la marche, la gestion. S'emparer des commandes, se mettre aux commandes, tenir les commandes, passer les commandes à qqn. Un étranger sans vues, Necker, un coq sans cervelle qui tourne au clocher, La Fayette (...) tiennent les commandes (Thibaudet, Hist. de la litt. fr. de 1789 à nos jours,1936, p. 17). 3. [Correspond à II B, mar.] Surtout dans le domaine pol.Se ménager l'accès aux postes de commande. Pour ce qui concerne les personnalités ayant servi Vichy (...) : les hommes qui collaborent avec l'envahisseur à des postes de commande sont justiciables des conseils de guerre (De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 375). III.− Usuel [Correspond à commander III] A.− Ordre par lequel une personne demande, en qualité de client, la fourniture d'une marchandise ou l'exécution d'un service dans des conditions déterminées notamment de prix et de temps. Une commande officielle lui fit entreprendre la Symphonie funèbre et triomphale (H. Berlioz, Souvenirs de voyages,1869, p. 10).Une trentaine de centrales existantes, en construction ou en commande ferme, à achever avant 1966 (Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, p. 263).Dans les cafés quand un garçon tarde à prendre la commande, Charles Schweitzer s'empourpre de colère patriotique (Sartre, Les Mots,1964, p. 26): 10. antoine. − (...) Passez cette commande tout de suite et qu'on la monte au 204 aussitôt que ce sera prêt. Il lui tend la fiche.
jules. − Au 204?
antoine. − Oui, avec deux couverts. Et qu'on se dépêche : c'est pressé.
Bourdet, Le Sexe faible,1931, II, p. 392. SYNT. Commande ferme, inconditionnelle, conditionnelle; commande pressée, urgente; commandes des clients, des consommateurs, de l'Administration, de l'État; importantes, innombrables, très fortes, grosses, maigres, nouvelles commandes. Exécution d'une commande; fiche, bons de commande; bloc, carnet de commandes; volume, augmentation, afflux des commandes; résiliation, annulation des commandes. Ventilation entre les commandes. Délais entre commandes et fournitures. Ouvriers sans travaux ni commandes; artistes sans commandes. Prendre, avoir, recevoir, satisfaire des commandes; passer des commandes à des entreprises; faire une commande à un fournisseur; inscrire une commande; demander confirmation d'une commande; centraliser les commandes; espacer, réduire, cesser ses commandes; faire l'objet de commandes; être en commande. Commande à renouveler. − P. méton. Marchandise ayant fait l'objet de la commande (cf. ex. 10). Préparation, livraison d'une commande; fourniture des commandes; livrer une commande, envoyer des commandes; commande qui est débitée. B.− En partic., dans le domaine des productions artistiques,souvent péj. Travail sur commande, ouvrage de commande. Travail, ouvrage exécuté sur l'ordre exprès, sur la demande formelle d'un client. [C'est donc] du grand art, les Pères éternels à barbe blanche, les Brutus sur commande, les Vénus sur mesure, les turqueries peintes aux Batignolles, sous un jour froid? (Huysmans, L'Art mod.,1883, p. 9).Je n'ai jamais pu écrire une ligne sur commande. Je ne puis écrire que lorsque j'en ai envie (Green, Journal,1948, p. 140): 11. Il [Valéry] me répète que, depuis nombre d'années il n'a rien écrit que sur commande et que pressé par le besoin d'argent.
− C'est-à-dire que, depuis longtemps, tu n'as rien écrit pour ton plaisir?
Gide, Journal,1929, p. 949. SYNT.
Œuvres d'ennui et de commande, productions sur commande; mobilier fabriqué sur commande, toiles brossées sur commande; travailler sur commande, faire des articles sur commande. − P. ext. : 12. ... les feintes convictions de l'avocat, censé défendre une cause parce qu'il la croit juste, alors qu'il la défend parce que c'est son métier et que son métier est de plaider sur commande, soit le pour soit le contre.
Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 168. Prononc. et Orth. : [kɔmɑ
̃:d]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. commende. Étymol. et Hist. 1. 1213 « dépôt, garde » (Faits des Romains, 571, 21 cité par L. F. Flutre ds Romania, t. 65, p. 485) − xvies. ds Hug.; 2. 1494 technol. « câble qui sert à maintenir le bateau sur son ancre ou attaché à un pieu » (Dép. faites pour le curage de la Loire, Mantellier, March. freq. II, 427 ds Gdf.); 1861 (J. Armengaud, Traité des moteurs à vapeur, t. 1, p. 328 : le tiroir de distribution, la pompe alimentaire et leurs mecanismes de commande); 3. 1680 « commission donnée à un artisan, à un marchand, de lui fournir une marchandise » (Rich.); 4. 1671 de commande (La Fontaine, Clymène, 478, éd. Regnier, 7, p. 173). Déverbal de commander*. Fréq. abs. littér. : 692. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 732, b) 690; xxes. : a) 975, b) 1 361. Bbg. Bédard (A.), Marquis (M.). Le Tableau de bord de l'automob. Meta. 1970, t. 15, no4, pp. 233-234. − Maillot (J.). Terminol. et trad. Meta. 1971, t. 16, no1/2, p. 79. |