| COÏNCIDER, verbe intrans. A.− [Dans l'espace] , GÉOM. [En parlant d'une pluralité de lignes, de surfaces comparées du point de vue d'une possible superposition spatiale], en emploi gén. abs. S'ajuster en tout point, se confondre exactement quand on les superpose, par identité de forme et de dimension. Coïncider exactement; faire coïncider (deux figures). Dans cent quarante-un mille ans, notre équateur et notre écliptique coïncideront (Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 174).Comment tous les angles des losanges [de la cire] coïncident-ils toujours si magiquement? (Maeterlinck, La Vie des abeilles,1901, p. 151): 1. Une infinité de spectres lumineux de même dimension, s'ils viennent à coïncider exactement dans le même lieu, ne sont plus une infinité de spectres lumineux : c'est un seul spectre infiniment lumineux.
J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg,t. 2, 1821, p. 230. 2. Si je transporte idéalement le réchaud allumé d'aujourd'hui sur celui d'hier, je constate sans doute que la forme est restée la même : il suffit, pour cela, que les surfaces et les arêtes coïncident; mais qu'est-ce que la coïncidence de deux qualités, et comment les superposer l'une à l'autre pour s'assurer qu'elles sont identiques?
Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 217. − P. métaph. : 3. ... nous pourrions nous haïr, et pourtant nous sommes faits pour nous aimer. Il y a dans nos deux natures quelque chose qui me semble s'emboîter et s'adapter assez bien; les angles sortants de nos caractères coïncident.
Karr, Sous les tilleuls,1832, p. 4. 4. Péguy disait à Paul Laurens : « (...) ils s'imaginent qu'ils vont pouvoir superposer l'état de guerre à l'état de paix; et puis ils s'étonnent que ça ne coïncide pas, que ça ne rentre pas dans les petits trous. »
Gide, Journal,1914, p. 455. SYNT. Deux choses coïncident ensemble, entre elles, en gros, à peu près, tout à fait, absolument. B.− [Dans le temps] , lang. cour. [En parlant d'une pluralité d'événements, de faits, de circonstances comparés du point de vue d'une possible superposition temporelle] Avoir lieu en même temps, se produire au même moment, être identique en date et/ou en durée. Synon. coexister. 1. Emploi abs. [Le suj. désigne l'ensemble de ce qui a lieu en même temps] Les séances de nettoyage commandées par les deux administrations ne coïncident jamais! Elles se chevauchent à un ou deux mois de distance (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 36): 5. Deux besoins nationaux coïncidèrent donc à cette époque en Angleterre : d'une part, un besoin de révolution et de liberté religieuse au sein de la réforme déjà commencée; de l'autre, un besoin de liberté politique au sein de la monarchie pure en progrès; ...
Guizot, Hist. gén. de la civilisation en Europe,1828, leçon 13, p. 13. 2. [Le suj. et l'obj. prép. désignent chacun une des deux parties de ce qui est comparé] Coïncider avec. Un amaigrissement progressif, coïncidant avec une faiblesse croissante du malade (E. Nocard, E. Leclainche, Les Maladies microbiennes des animaux,1896, p. 444).L'épanouissement de l'impressionnisme coïncidait (...) avec certains travaux scientifiques concernant l'optique (C. Mauclair, Les Maîtres de l'impressionnisme,1904, p. 187).Les vacances du Palais coïncidant avec celles du collège, août et septembre nous réunissaient ici (Mauriac, Le Nœud de vipères,1932, p. 103). − Faire coïncider deux choses, une chose avec une autre, une chose et une autre. Nous ne pouvons que te prendre et point t'attendre (...) il sera (...) fort difficile de faire ainsi coïncider à point nommé nos deux lignes de voyages (M. de Guérin, Correspondance,1839, p. 384). C.− Au fig. 1. [En parlant de réalités ou de valeurs morales, intellectuelles, spirituelles, etc.] S'accorder en tout point, correspondre exactement, converger. Synon. s'accorder, concorder; anton. diverger. a) Emploi abs. Tout cela [les données d'une intrigue] s'enchaîne et coïncide, murmura-t-il; c'est la main d'Andrea, je le jurerais (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 462).Le tableau des tempéraments et celui des constitutions correspondantes coïncident (Mounier, Traité du caractère,1946, p. 189): 6. Il n'y a pas de penseur qui en réfléchissant sur l'histoire de l'humanité n'arrive à sa formule; ces formules ne coïncident pas, et pourtant ne sont pas contradictoires. C'est qu'en effet il n'y a pas dans l'humanité deux développements absolument identiques.
Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 270. − [Avec un compl. circ. indiquant sur quoi porte l'accord] Des personnes qui coïncident dans leurs idées philosophiques (Balzac, Correspondance,1822, p. 156). b) Coïncider avec.La réponse coïncidait si peu avec la question, que le fou rire recommença à circuler (Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 235).Sur ce terrain particulier les vues de M. Churchill coïncident avec celles des États-Unis (Le Monde,19 janv. 1952, p. 3, col. 1): 7. L'effort reste pourtant indispensable, et aussi l'endurance et la persévérance. Mais ils viennent tout seuls, ils se déploient d'eux-mêmes dans une âme à la fois agissante et « agie », dont la liberté coïncide avec l'activité divine.
Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, p. 246. − [Avec ell. du compl.] , fam. Mx.− Faites votre déposition. Gx.− Puisque vous savez tout. Mx.− N'importe. Je veux voir si votre rapport coïncide. [avec ce que je sais] (Marquis de Fongeray, Les Soirées de Neuilly, t. 1, 1827, p. 143). − Vx. Coïncider à.La liberté moderne (...) est une liberté qui coïncide à la vérité philosophique (Chateaubriand, Ét. hist.,1831, p. 8). 2. Rare. S'accorder sur le rapport de la sensibilité, du tempérament, de l'état d'âme. Je savais bien qu'au-dessous il y avait encore un autre Philippe, plus vrai que les précédents, et qui seul aurait pu me rendre heureux si j'avais coïncidé avec lui (Maurois, Climats,1928, p. 24): 8. Ces jardins du Cap Martin. Ils donnent l'idée d'un bonheur inaccessible. Difficulté d'adapter à cette joie d'Éden nos cœurs chargés et accablés. Nous ne coïncidons plus.
Mauriac, Écrits intimes.Du côté de chez Proust, 1947, p. 184. Prononc. et Orth. : [kɔ
ε
̃side], (je) coïncide [kɔ
ε
̃sid]. Passy 1914 transcrit [kwε
̃side] avec synérèse à l'initiale. Il admet cependant la diérèse pour la forme conjuguée coïncide [kɔ
ε
̃sid] ou [kwε
̃sid]. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1. 1370-77 « correspondre exactement » (N. Oresme, Le Livre du Ciel et du Monde, éd. A. D. Menut et A. J. Denomy, p. 74, 125 : Ceste rayson coïncide ou est pres de la premiere); 2. 1753 géom. (Encyclop. t. 3 : on dit que deux lignes ou surfaces coincident, lorsqu'étant appliquées l'une sur l'autre elles s'ajustent & se confondent parfaitement); 3. 1794 « (en parlant d'événements) se produire en même temps » (Condorcet, Esquisse d'un tableau hist. des progrès de l'esprit hum., p. 120 : L'invention de l'imprimerie coïncide presque avec deux autres événements.) Empr. au lat. médiév. coincidere « tomber ensemble en un même point » (de incidere « tomber »), xiiies. ds Mittellat. W. s.v., 818, 23-26. Fréq. abs. littér. : 588. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 262, b) 316; xxes. : a) 670, b) 1 700. Bbg. Gohin 1903, p. 321. − Henschel (B.). Qq. dat. nouv. du 18es. Fr. mod. 1969, t. 37, p. 116. |