| CLIENTÈLE, subst. fém. Ensemble de clients. I.− A.− [Correspond à client I A] 1. HIST. ROMAINE. Ensemble des clients d'un patron. L'élément constitutif de toute société était la gens, avec son culte, son chef héréditaire, sa clientèle (Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 375). − Lien de clientèle, et p. ell., clientèle. Lien qui caractérise les rapports entre patron et clientèle. Singulière fille [Gisette], incompréhensible, profonde, (...) passant des journées chez les Saint-Priest, auxquels elle tient par je ne sais quel lien de clientèle (E. et J. de Goncourt, Journal,1862, p. 1087): 1. Le client, au contraire, a la communauté du culte; il a, (...), la véritable parenté, qui consiste, suivant l'expression de Platon, à adorer les mêmes dieux domestiques. La clientèle est un lien sacré que la religion a formé et que rien ne peut rompre.
Fustel de coulanges, La Cité antique,1864, p. 141. 2. P. anal. Je ne m'enrôlai point [...] dans une clientèle, car je hais les protecteurs (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 67): 2. On voit revenir l'éternelle clientèle des cours. Courtisans par habitude, qui se regardent toujours comme exilés, quand il leur arrive d'être ailleurs que dans l'antichambre...
Vigny, Le Journal d'un poète,1851, p. 1281. − Dans le domaine spirituel.L'homme supérieur, partout où il se trouve, se crée une clientèle d'admirateurs (A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 436). B.− [Correspond à client I B] 1. Ensemble des personnes qui achètent régulièrement des services ou des choses dans un établissement commercial. Les objets simplifiés, économiques, réclamés par la clientèle des grands magasins (S. Grandjean, L'Orfèvr. du XIXes. en Europe,1962, p. 18): 3. Les familles bourgeoises qui s'y [au café de la Rotonde] étaient risquées ne quittaient pas des yeux la clientèle habituelle de ce café déjà célèbre; ...
Arland, L'Ordre,1929, p. 155. 4. Ses corsets pourtant, elle [Mademoiselle Mehon] les vendait bien. Vieille, elle avait sa clientèle encore très fidèle et de mères en filles, depuis quarante ans.
Céline, Mort à crédit,1936, p. 83. SYNT. Clientèle d'un café, d'un épicier; clientèle de passage; acheter, attirer, garder, payer, perdre, vendre sa clientèle. − [En parlant d'une collectivité] Ensemble des agents économiques d'une branche d'activité. Les métallurgistes (...) formaient la principale clientèle de la banque Schoudler (Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 106): 5. La clientèle française, beaucoup plus modeste, avait été perdue dès 1957 à la suite de l'échec de la demande française d'achat d'uranium canadien qui avait conduit la France à augmenter sa production nationale d'uranium; ...
Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, p. 168. 2. Péj. Au long des trottoirs, des gosses, des chiens, des filles cherchant la clientèle et vous appelant pour boire un bock (Van der Meersch, L'Empreinte du dieu,1936, p. 96). II.− [Correspond à client II] A.− Domaine juridique.La clientèle d'un avocat, d'un notaire. Il est difficile de percer, de faire une clientèle au barreau (Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 45). B.− Domaine médical.Ce soir, Bardoux racontait qu'un de ses amis, un médecin, et un médecin à clientèle de populaire... (E. et J. de Goncourt, Journal,1883, p. 281). − Ironique : 6. ... il [le Dr Des Bois] serait peut-être le premier docteur du monde pour guérir les gens de mettre le pied chez lui, s'il n'avait reçu l'admirable don de tranquilliser Cypris ulcérée et d'attraire ainsi une vaste clientèle de muqueuses aristocratiques.
Bloy, Le Désespéré,1886, p. 23. − Loc. Faire de la clientèle. Exercer sa profession en s'occupant personnellement de ses clients (cf. Drieu La Rochelle, loc. cit.). Ce n'était plus le docteur De Schaken qui me soignait, il ne faisait plus guère de clientèle (Gyp, Souvenirs d'une petite fille,1928, p. 334). − P. méton. Habitude qu'a une personne d'être cliente de quelqu'un; état de client régulier. Avoir la clientèle de qqn; accorder, promettre sa clientèle à qqn. Les avocats s'habituaient à solliciter les paysans sur la place publique pour obtenir leur clientèle (Fourier dsLar. 19e,1866). III.− Ensemble des partisans d'un parti politique : 7. Ils [les nationalistes] veulent former des patriotes qui, quelles que soient leurs clientèles politiques, agiraient dans une préoccupation patriotique.
Barrès, Mes cahiers,t. 8, 1910, p. 135. Prononc. et Orth. : [klijɑ
̃tεl]. Ds Ac. 1694 et 1718, puis 1762-1932. Besch. 1845 enregistre clientelle. Cf. aussi, à titre de rem., clientèle ds Fér. Crit. t. 1, 1787. Étymol. et Hist. [1352 d'apr. Bl-W.4 et 5et Pt Rob.]. A. 1. 1474 « protection (d'un homme de loi) » (Lettre de Louis XI ds Bartzsch p. 56); 2. 1516 [réédition 1518] « ensemble des personnes soumises à la protection d'un plus puissant » (Trad. de Platine, Faictz et gestes des Sainctz Peres, 189 vods Quem.). B. 1. 1832 « ensemble des clients d'une personne ou d'un établissement auxquels ils sont souvent fidèles » (Raymond); 2. 1851 « ensemble de personnes qui se retrouvent dans les mêmes milieux » (supra ex. 2). Empr. au lat. clientela aux sens de « état de client » et « ensemble de clients »; « ensemble des vassaux, vassalité » (1021-24 ds Nierm.), « ensemble des ministeriales d'un seigneur » (1136 ds Mittellat. W. s.v., 722, 53) « ensemble des amis » (671-709, ibid., 722, 47). Fréq. abs. littér. : 711. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 318, b) 936; xxes. : a) 1 477, b) 1 361. |