| CLASSIQUE, adj. et subst. I.− Emploi adj. A.− ESTHÉTIQUE 1. LITTÉRATURE a) [Appliqué à un écrivain de l'antiquité gréco-latine, ou à sa lang.] − Vx. Considéré comme un excellent auteur par ses contemporains et, postérieurement, par les admirateurs de l'antiquité : 1. Il sera, je crois, utile, pour que mes romans ne me tournent pas la tête, d'y mêler la lecture de l'antiquité classique, et des philosophes surtout. Peut-être alors dominerai-je assez mes romans pour qu'ils ne m'entraînent pas comme ils font.
Michelet, Journal,1820, p. 107. − [Appliqué au berceau de la culture classique, la Grèce, l'Italie] Cette terre classique et historique où Virgile et Le Tasse ont chanté (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 124). − Mod. [Appliqué à un enseignement] Qui comporte l'étude des langues grecques et latines (ou l'une de ces deux langues). Culture, enseignement classique; langues, lettres classiques. Croyez-moi, faites vos études classiques. Rien ne remplace ce fonds-là (G. Sand, Histoire de ma vie, t. 4, 1855, p. 86): 2. Il n'y a pas d'enseignement qui soit par lui-même démocratique ou aristocratique. Taine a vu dans l'enseignement classique et dans les vieilles humanités la source de l'esprit révolutionnaire. Personne ne croit plus à ce rapport artificiel. Il serait aussi vain de penser avec tel instituteur que le latin, langue des curés, ne saurait que véhiculer une influence cléricale. Et pareillement que les langues et les sciences contiennent une vertu démocratique.
Thibaudet, Réflexions sur la litt.,1936, p. 250. b) [Appliqué à un écrivain fr. ou à un genre littér. des xviieet xviiies.; p. ext., à tout écrivain consacré] − Sens strict [p. oppos. à baroque] Qui s'inspire de l'antiquité par les thèmes développés, la pureté de la langue et le respect de certaines règles établies. École classique (cf. classicisme); genre, littérature, poésie, théâtre classique. C'est de Sénèque que sortira toute la tragédie classique en France (Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 44): 3. Il est vrai, répondit le comte d'Erfeuil, que nous avons en ce genre les véritables autorités classiques; Bossuet, La Bruyère, Montesquieu, Buffon, ne peuvent être surpassés; surtout les deux premiers, qui appartiennent à ce siècle de Louis XIV, qu'on ne saurait trop louer, et dont il faut imiter, autant qu'on le peut, les parfaits modèles.
Mmede Staël, Corinne,t. 1, 1807, p. 325. − Spéc. Répertoire classique. Qui ne comporte que des œuvres classiques (cf. Zola, La Curée, 1872, p. 508). − [Souvent opposé à romantique] Fidèle à la tradition de l'antiquité ou des écrivains qui s'en réclament. Une épitre, conçue dans le goût classique et composée en vers alexandrin (Romains, Les Copains,1913, p. 71): 4. On prend quelquefois le mot classique comme synonyme de perfection. Je m'en sers ici dans une autre acception, en considérant la poésie classique comme celle des anciens, et la poésie romantique comme celle qui tient de quelque manière aux traditions chevaleresques.
Mmede Staël, De l'Allemagne,t. 2, 1810, p. 129. c) P. ext. [Appliqué à tout écrivain consacré] Qui est digne d'accéder, par la qualité littéraire de ses écrits, au patrimoine culturel de son pays. Pas d'art classique, sans une élite, car c'est l'époque qui fait l'œuvre classique (Massis, Jugements,1924, p. 262): 5. J'appellerais volontiers classiques tous les ouvrages réguliers, ceux qui satisfont l'esprit non seulement par une peinture exacte ou grandiose, ou piquante des sentiments et des choses, mais encore par l'unité...
E. Delacroix, Journal,t. 3, 1863, p. 23. d) P. anal., ÉCON. POL. École classique. Groupe d'économistes anglais et français que l'on considère comme les fondateurs de l'économie politique. Les économistes classiques en réclamèrent, et à bon droit, la suppression (de la grande industrie) (Durkheim, De la Division du travail soc.,1893, p. XXVI). 2. B.-A. a) ARCHIT. [Appliqué à un monument] Qui s'inspire des édifices de l'antiquité et plus spécialement de la Grèce. Les belles proportions des hôtels qui dressaient leurs ordres classiques (A. France, La Vie en fleur,1922, p. 322). ♦ Qqf. Style classique. Synon. de style de la Renaissance(cf. A. Lenoir, Archit. monastique, t. 1, 1852, p. XVI). b) DANSE. Danse classique. Ensemble de pas et de mouvements servant de base à la danse enseignée dans les écoles de danse : 6. Au lieu de mimer la pyrrhique,
Qu'autrefois on nous enseigna,
Danse noble, danse classique,
En tous lieux maintenant voilà
Qu'on danse une chose excentrique
Et sans nom, qui ressemble à ça...
Meilhac, Halévy, La Belle Hélène,1865, III, 5, p. 265. c) MUS. Musique classique. Qui est conforme aux principes enseignés dans les écoles de musique. Concert classique. Composé uniquement d'œuvres classiques. Le dimanche il s'en fut au « concert classique » entendre Les Béatitudes de César Franck (Miomandre, Écrit sur de l'eau,1908, p. 164). Rem. Sens attesté dep. Rob. 1953 avec la précision suiv. : ,,Musique qui appartient à une période (...) dont J. S. Bach est le principal représentant.`` d) PEINT., SCULPT. [Souvent opposé à Rococo] Qui s'inspire des modèles antiques. C'est de lui [Vien] que date la peinture classique (T. Gautier, Guide de l'amateur au Musée du Louvre,1872, p. 180). ♦ P. anal. Beauté classique. Qui est conforme aux canons de la beauté antique. Ses formes n'offraient pas les sévères lignes sculpturales de la beauté classique (L. Cladel, Ompdrailles,1879, p. 103). B.− Dans la lang. cour. Qui est conforme au bon goût traditionnel. 1. [Appliqué à une pers.] Qui ne s'écarte pas du bon usage, des règles établies. Je faisais ma cour, bien classique et bien bourgeoise (Verlaine,
Œuvres complètes, t. 4, Les Mémoires d'un veuf, 1886, p. 210). − [Appliqué à une toilette] Qui est sobre, de bon goût. Gina (...) n'aimait que les robes classiques et sages, presque droites (Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 124). − Emploi subst. masc. Berthe aussi s'habille très bien (...) Elle ne porte que du classique (J. Renard, Comédies,Le Pain de ménage, 1899, p. 68). 2. Fam. [Appliqué à un procédé, un comportement] Habituel, ordinaire. Il est classique que. Il est courant que. Je prends la route d'Hermance et refais ma promenade classique (Amiel, Journal intime,1866, p. 157): 7. Quoique je sois redevenue plus aguichante et gentille, il ne me dit plus rien de la chose, et il ne se décide pas davantage à tenter une nouvelle attaque directe, pas même le coup classique du bouton de culotte à recoudre... Un coup grossier, mais qui ne rate pas souvent son effet ... En ai-je recousu, mon dieu, de ces boutons-là! ...
Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 106. − [P. anal. avec le syntagme terre classique (supra I A 1 a)] Terre, sol classique de. Terre habituelle, berceau de... Cette terre classique du banditisme [la Corse] (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Histoire corse, 1881, p. 43).Le pays de Walter Scott, terre classique des ballades et des romances (Barrès, Mes cahiers,t. 4, 1904-06, p. 97). C.− PÉDAG. et COMM. Qui sert dans les écoles de base d'étude à l'enseignement. Livres classiques. Livres de classe. Je le fais recevoir dans les lycées [votre ouvrage] au nombre des livres classiques (Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 5, 1814, p. 154).Librairie classique. Où l'on vend des ouvrages scolaires. L'écolier, que le hasard mène dans une de nos grandes librairies classiques (Mallarmé, La Dernière mode,1874, p. 743). − [Appliqué à une théorie] :
8. Au premier abord il nous semble que les théories ne durent qu'un jour et que les ruines s'accumulent sur les ruines. Un jour elles naissent, le lendemain elles sont à la mode, le surlendemain elles sont classiques, le troisième jour elles sont surannées et le quatrième elles sont oubliées.
H. Poincaré, La Valeur de la sc.,1905, p. 268. II.− Emploi subst. (gén. masc. p. ell. d'auteur, d'ouvrage, de genre). A.− ESTHÉTIQUE 1. [Appliqué à une pers.] a) LITTÉRATURE − Écrivain de l'antiquité; p. ext. toute personne nourrie de culture classique : 9. ... tout homme qui a la tête meublée de ces beaux mots des Anciens, qui s'en souvient en pensant et en parlant, et qui tient à en faire ressouvenir les autres, est un classique.
Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 13, 1863-69, p. 284. − Écrivain de l'époque classique française. Une collection de classiques; connaître ses classiques par cœur. La querelle des romantiques et des classiques (Péguy, L'Argent,1913, p. 1123).Un Racine apprivoisé, un classique qui traîne dans tous les livres de classe des lycées (Green, Journal,1946, p. 81). − Auteur (de pays ou d'époque divers) digne de servir de modèle aux générations futures. Le maître certain du conte, le classique du conte (Maupassant) (Thibaudet, Hist. de la litt. fr. de 1789 à nos jours,1936, p. 376). b) BEAUX-ARTS − MUS. Musicien classique : 10. Il n'avait pas assez de sarcasmes pour ces pontifes de conservatoires, interprétant les grands hommes du passé en « classiques ».
− « Classique! ce mot dit tout. La libre passion, arrangée, expurgée à l'usage des écoles! La vie, cette plaine immense que balayent les vents, − renfermée entre les quatre murs d'une cour de gymnase! Le rythme sauvage et fier d'un cœur frémissant, réduit au tic tac de pendule d'une mesure à quatre temps, qui va tranquillement son petit bonhomme de chemin, clochant du pied et béquillant sur le temps fort!
R. Rolland, Jean-Christophe,La Révolte, 1907, p. 436. − PEINT. Peintre classique. C'est un classique (Degas) par sa passion du vrai, son amour du moment où il vit (C. Mauclair, Les Maîtres de l'impressionnisme,1904, p. 100). 2. [Appliqué à une œuvre ou à un genre] − LITTÉRATURE a) Livre classique. À côté des classiques (...) de magnifiques dictionnaires (Mallarmé, La Dernière mode,1874, p. 777). b) Rare [Avec une valeur collective] Genre classique. Synon. de classicisme.Votre théorie littéraire sur le classique et le romantique n'est pas erronée (Hugo, Correspondance,1824, p. 387).Cf. aussi Balzac, Petites misères de la vie conjugale, 1846, p. 138 : Petit-Bon-Homme-vit-encore avait abandonné le classique de sa jeunesse pour le romantique à la mode. − MUS. Pièce de musique, répertoire classique. L'orchestre joue du classique (Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 196). − P. anal., CIN. Film reconnu par tous comme un modèle du genre. Ils projettent des classiques et des documentaires (Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 30). B.− SP. [Au fém. p. ell. de épreuve] Une classique. Épreuve sportive traditionnelle de grand renom. Ses qualités lui permettent d'être un vainqueur de n'importe quelle classique (L'Auto, 1eraoût 1933, p. 2 ds A. O. Grubb, French sports neologisms, 1937). Prononc. et Orth. : [klasik]. Pour [a] ant. (à comparer avec [ɑ] post. de classe) cf. Mart. Comment prononce 1913, p. 34, Grammont Prononc. 1958, p. 32, Fouché Prononc. 1959, p. 89 et Kamm. 1964, p. 97. Transcrit avec [ss] double ds Land. 1834, Fél. 1851, Passy 1914. Cf. aussi Mart. Comment prononce 1913, p. 323 et Nyrop Phonét. 1951, § 130. Pour G. Straka (La Prononc. parisienne ds B. de la Faculté des Lettres de Strasbourg, 1952, p. 18) les consonnes géminées sont ,,acceptables dans les mots tout à fait savants et rares, mais [leur] prononciation est choquante, même dans le parler soigné, lorsqu'il s'agit de mots fréquemment employés et qui ont pénétré dans l'usage courant``, ce qui est le cas de classique. Attesté ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1548 adj. « qui est dans les meilleurs » (Sebillet, Art. Poet., I, 3 ds Hug. : lecture des bons et classiques poétes françois) − 1611, Cotgr.; 2. 1611 « qui fait autorité, considéré comme un modèle du genre » (Cotgr.); 1791 (Mirabeau, Collection, t. 1, p. 338 ds Littré : cette terre classique [l'Angleterre] des amis de la liberté); 1809 « ordinaire, habituel » (Lamarck, Philos. zool., t. 1, p. 180 : elles n'ont point le caractère classique); av. 1826 « qui ne s'écarte pas des usages établis » (Brillat-Savarin, Physiol. du goût, p. 364 : Veuillez accepter pour demain un dîner classique, en petit comité); 3. 1680 « (auteur) qu'on enseigne dans les classes » (Rich.); v. aussi Trév. 1771; 4. a) littér. 1680 « (d'un auteur latin) qui est dans les meilleurs et qui sert de modèle » (Rich.); 1753 « (des auteurs des xviieet xviiies.) id. » (Encyclop. t. 3); 1810 (Mme de Staël, De l'Allemagne, t. 2, p. 127 : de la poésie classique et de la poésie romantique); b) 1768 « qui répond aux règles de l'art » (J.-J. Rousseau, Dict. de mus., p. 463 : Style de Mottet [...] est plutôt classique et savant); 1835 (Ac. : Classique, se dit également, dans les Arts d'imitation, De ce qui rappelle la manière antique, ou De ce qui est conforme aux règles strictes de l'Art). Empr. au lat. classicus « citoyen de la première classe » (Caton d'apr. Aulu-Gelle ds TLL s.v., 1280, 81 : emploi subst.), attesté comme adj. au sens de « exemplaire, de première importance » (Aulu-Gelle, ibid., 1280, 79). Fréq. abs. littér. : 2 111. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 739, b) 1 937; xxes. : a) 3 463, b) 4 373. |