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CIMETIÈRE, subst. masc.
A.− Terrain généralement bénit, le plus souvent clos de murs, dans lequel on enterre les morts. Porter, accompagner, conduire un corps, un mort au cimetière; un cimetière suburbain, militaire, de campagne, de village; la paix des cimetières. Synon. poét. champ des morts, champ du repos.De magnifiques champs de cyprès, au pied desquels blanchissent les tombes des cimetières turcs (Lamartine, Voyage en Orient,t. 2, 1835, p. 334).Quand on sort des cimetières le jour des morts, on en rapporte une sérénité grave (Ménard, Rêveries d'un païen mystique,1876, p. 224):
1. ... M. de Borose fut enterré avec les cérémonies du rituel le plus complet. Son convoi fut suivi jusqu'au cimetière du Père Lachaise par une foule de gens à pied et en voiture... Brillat-Savarin, Physiol. du goût,1825, p. 302.
2. Les petits ifs du cimetière Frémissent au vent hiémal, Dans la glaciale lumière. Avec des bruits sourds qui font mal, Les croix de bois des tombes neuves Vibrent sur un ton anormal. Verlaine, Poèmes saturniens,Caprices sub urbe, 1866, p. 79.
3. Des chants encore s'élevèrent; une bénédiction descendit sur le cercueil. Le cimetière était plein; il y avait des hommes, des enfants, des femmes entre toutes les tombes et jusque sur le mur d'enceinte. R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 356.
4. Mon cimetière à moi est dans la prière du matin et dans celle du soir. C'est cela qui compte. Et puis, il n'y a pas de cimetière parce qu'il n'y a pas de morts. Les absents vivent en Dieu et Dieu a dit qu'il n'était pas le Dieu des morts, mais des vivants. Green, Journal,Le Bel aujourd'hui, 1955-58, p. 137.
Loc. fam. Expédier qqn au cimetière. Le faire mourir (cf. Pourrat, Gaspard des Montagnes, Le Château des sept portes, 1922, p. 15).Aller droit au cimetière. Aller À la mort (cf. Ponson du Terrail, Rocambole, t. 3, Le Club des valets de cœur, 1859, p. 313).Entre le baptistère et le cimetière. De la naissance à la mort (cf. Flaubert, Par les champs et par les grèves, 1848, p. 296).
Loc. proverbiale. Faire les cimetières bossus (cf. bossu C, ex. 8).
Rem. Emploi dans le titre d'une œuvre : Le Cimetière marin, titre d'un poème de Paul Valéry paru ds Charmes en 1920. Mon poème « Le Cimetière marin » a commencé en moi par un certain rythme, qui est celui de vers français de 10 syllabes, coupé en 4 et 6 (Valéry, Variété V, 1944, p. 161). Le Cimetière juif, intitulé d'un tableau de Ruisdaël, célèbre paysagiste du xviies. Il est un tableau dont nous savons avec certitude qu'il ne correspond pas à la réalité, car le site existe toujours. C'est le Cimetière juif, sujet tant aimé de Ruisdaël (Huyghe, Dialogue avec le visible, 1955, p. 260).
P. métaph. Un cimetière de plantes sèches (A. Daudet, Les Rois en exil,1879, p. 309).Ce carnet qui depuis longtemps n'était plus qu'un cimetière d'articles mort-nés (Gide, Journal,1935, p. 1235):
5. La mémoire, quel cimetière! Proches ou lointaines les tombes se multiplient et dans une époque comme la nôtre, les morts jouent à saute-mouton et reviennent, fonçant des cieux! Cendrars, La Main coupée,1946, p. 48.
6. ... la mélancolie fait d'une certaine société une assemblée de morts-vivants, un cimetière de surface, si on peut dire; elle enlève l'appétit, le goût, noue les aiguillettes, éteint les lampes et même le soleil... Giono, Le Hussard sur le toit,1951, p. 370.
Au fig. Lieu où la mort sévit. L'Irlande dont on fait un cimetière, l'Italie dont on fait un bagne (Hugo, Les Feuilles d'automne,1831, p. 711).Cimetière ardent des batailles (Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 63).Il ne faut pas écouter ceux qui veulent faire du Matterhorn un cimetière (Peyré, Matterhorn,1939, p. 127).
SYNT. Aller, se rendre, monter, s'agenouiller, prier, porter des chrysanthèmes au cimetière; être enseveli, inhumé, déposé, couché au cimetière; gagner, longer, traverser, visiter le cimetière; revenir, faire le tour du cimetière; s'acheminer vers le cimetière; acheter une concession temporelle, perpétuelle au cimetière; le trajet, le voyage, le cortège, le convoi de l'église au cimetière; une promenade, une visite au cimetière; le retour du cimetière; concierge, gardien, fossoyeur du cimetière; animaux de cimetière; le gazon, les verdures d'un cimetière; clôture, croix, tombes, rites, feux-follets, revenants d'un cimetière; arbres, terre, coin de cimetière; un cimetière abandonné, désaffecté, entretenu, fleuri, hanté, ombragé, paisible, silencieux.
B.− P. ext.
1. Un cimetière d'animaux :
7. ... la grille du cimetière des chiens, à travers laquelle on voit de vieilles dames à fourrure en poil végétal (...) sarcler des tombes effroyablement inégales, perroquets, éléphants et levrettes y alternant... Giraudoux, Suzanne et le Pacifique,1921, p. 30.
2. Terrain où l'on entasse des engins hors d'usage. Un cimetière de voitures. Le cimetière des bateaux. Quand ils étaient par trop délabrés, on les mettait là au rancart : ils pourrissaient (Moselly, Terres lorraines,1907, p. 50).
P. métaph. Les envoyer [les lettres] à la corbeille, cimetière des vieux papiers (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Une Lettre, 1885, p. 579).
Cimetière radioactif. ,,Emplacement aménagé pour recevoir des objets radioactifs indésirables`` (Nucl. 1964).
Rem. On rencontre ds la docum. l'adj. cimetiéreux, euse. L'aspect cimetiéreux des campagnes (E. et J. de Goncourt, Journal, 1875, p. 1072). Ils [les deux frères] avaient introduit dans leurs exercices un certain fantastique, qui n'avait rien de cimetiéreux, de triste, de sombre (E. de Goncourt, Les Frères Zemganno, 1879, p. 126).
Prononc. et Orth. : [simtjε:ʀ]. Fér. 1768 note : ,,Les Angevins et les Manceaux disent cemetière; d'autres disent cimitière.`` Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1155 cimetire (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 7994); xiiies. cimetiere (Ménestrel Reims, 213 ds T.-L.); subst. masc. et fém. jusqu'au xvies. (Sceve ds Gdf. Compl.); 1513 fig. « lieu où meurent beaucoup de personnes » (La Deploracion des trois Estatz de France ds Anc. poésies fr., t. 3, p. 257). Cimetire est issu du lat. chrét. cimiterium (Cyprien, Ep., 80, 1 ds Blaise) pour coemeterium (Tertullien, ibid.), lui-même empr. au gr. κ ο ι μ η τ η ́ ρ ι ο ν « lieu où l'on dort » et « lieu où reposent les morts », le -i- étant peut-être dû à la prononc. pop. du gr., conservée dans le gr. mod. (DG, § 504 et Bl.-W5.); pour la forme cimetiere v. Thomas (A.) Nouv. Essais, p. 140 et Fouché t. 2, p. 418. Fréq. abs. littér. : 2 528. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 004, b) 4 167; xxes. : a) 5 124, b) 2 871. Bbg. Goug. Lang. pop. 1929, p. 10.