| CHOC, subst. masc. Affrontement plus ou moins violent de personnes ou de choses, l'accent étant mis sur la phase terminale de l'action. A.− Heurt plus ou moins violent et brutal de deux ou plusieurs corps animés ou inanimés; secousse, coup qui en résulte. Tout d'un coup, un choc d'une incomparable violence les arracha de leur glissant véhicule (Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 1, 1868, p. 119).L'horloge suspendue sur le comptoir sonna minuit. Son timbre enroué ressemblait à un choc de casseroles (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, L'Ivrogne, 1884, p. 932): 1. ... Fuseline sembla se décocher de sa branche comme une flèche de haine et fonça sur le rapace. L'élan fut irrésistible; l'oiseau de proie reçut le choc en plein poitrail et chancela; ...
Pergaud, De Goupil à Margot,1910, p. 114. SYNT. a) Choc brutal, effroyable, épouvantable, formidable, rude, terrible, violent. b) Choc de l'abeille contre une vitre, choc du marteau sur l'enclume, choc de la vaisselle sur l'évier, choc des verres. c) Crouler, s'effondrer, tomber sous le choc; amortir, esquiver un choc. − En partic. [En parlant des éléments naturels, vent, eau, nuages, foudre, etc.] L'orage alors redouble : au fracas du tonnerre, au choc des éléments, tremble et s'ouvre la terre (Baour-Lormian, Veillées,1827, p. 313).Du choc des nuages résulte l'électricité, de l'électricité l'éclair, de l'éclair la lumière (A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 200). ♦ Choc en retour. ,,Phénomène électrique qui consiste en ce qu'un homme ou un animal, placé sous un nuage orageux, peut être frappé de la foudre au moment où elle éclate à une assez grande distance de lui`` (Chaud. 1970). Au fig. Contrecoup d'un fait sur une personne ou sur un autre fait. Les tricheries en elles-mêmes constituent un invraisemblable cas d'escroqueries, de concessions, et, par choc en retour, de chantages fructueux (L. Daudet, La Police politique,1934, p. 130): 2. ... il y a des formes de naturel qui me sont insupportables, que j'accepte une fois pour toutes par une sorte de coup d'état intérieur, mais dont le fait même de les avoir acceptées doit sans doute par choc en retour me priver en partie de mon naturel à moi, ...
Du Bos, Journal,1927, p. 267. − De choc.Appareil de choc. Appareil destiné à amortir les chocs : 3. On rencontre donc, sur chacune des deux traverses extrêmes du châssis : − un appareil de traction, − un appareil de choc.
M. Bailleul, Notions de matériel roulant des ch. de fer,1951, p. 20. ♦ P. métaph. Tampon de choc : 4. Je n'avais découvert qu'une alternative : (...) m'interposer comme tampon de choc entre les hommes et le commandant.
Vercel, Capitaine Conan,1934, p. 92. B.− Domaine milit., de l'action. 1. Rencontre et combat violent de deux troupes adversaires armées. Choc armé; résister au choc, soutenir le choc : 5. Dès le premier choc avec les troupes régulières, l'armée levée par les Parisiens subit un échec devant Charenton.
Bainville, Histoire de France,t. 1, 1924, p. 219. − Loc. fig. et fam. Supporter, soutenir le choc. Faire face et résister à un événement imprévu : 6. Je t'ai écrit ce que j'avais à te dire. Je ne céderai pas à la force. (...). Il la regarda brusquement : elle soutint le choc sans ciller.
Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 520. 7. ... en fait, ce furent les comités techniques qui supportèrent le choc et le poids du travail de la conférence.
La Charte des Nations Unies,1946, p. 16. 2. P. ext. a) [En parlant de pers. non armées ou d'animaux] Lutte qui oppose des adversaires : 8. [Le picador] abaissa la pointe de sa lance, se mit en arrêt, et soutint le choc du taureau si victorieusement, que la bête farouche chancela...
T. Gautier, Tra los montes,Voyage en Espagne, 1843, p. 79. 9. ... les plus petits [des enfants] avaient fini par grimper les uns sur les autres; ils couraient et culbutaient avant même d'avoir reçu le choc de l'adversaire...
Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes,1913, p. 146. b) Au fig. [En parlant de valeurs abstr.] Conflit plus ou moins violent. Le choc des intérêts, des idées (Michelet, Le Peuple,1846, p. 12): 10. Plus d'une fois leur [M. de Couaën et le frère de Lucy] querelle à ce sujet fut près d'en venir au sang, et il avait fallu toute la fermeté d'affection de la douce Lucy, toute l'inépuisable effusion de la mère, pour amortir le choc de ces deux orgueils et faire triompher l'amour.
Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 76. − Spécialement ♦ Choc des civilisations. ,,Conflit de civilisations extraordinairement violent, qui va jusqu'à désintégrer au premier contact, une grande part d'une ou de toutes les civilisations en présence...`` (Willems 1970) : 11. Pour qui se sent solidaire du destin de ce monde, le choc des civilisations a quelque chose d'angoissant.
Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 118. ♦ ,,Choc culturel. Effet produit sur un individu pris au dépourvu lorsqu'il est plongé dans une culture étrangère`` (Toffler, Le Choc du futur, 1971, p. 24 ds Ancelin 1971). 3. De choc.En vue de produire un choc. a) [Choc armé] Arme, bataillon, équipage, groupe, troupe de choc. Armements ou soldats choisis spécialement pour l'attaque en première ligne : 12. Les Allemands, (...) avaient constitué une armée de choc décisif en triant, en écrémant toutes leurs armées.
Barrès, Mes cahiers,t. 11, 1914-18, p. 395. b) [Choc non armé contre des choses] Homme de choc, travailleur de choc (Gilb. 1971). Personne dynamique, allant de l'avant et prompte à affronter et à surmonter les obstacles. c) [En parlant d'institutions ou de forces abstr.] Lycée de choc (Gilb. 1971). Lycée d'avant-garde. Enseignement de choc (Gilb. 1971). Enseignement intensif et accéléré. Valeur, pouvoir, puissance de choc, c'est-à-dire [valeur, pouvoir, puissance] destinés à frapper l'imagination, l'attention, les sens : 13. « La beauté, écrivait Valéry, est une sorte de morte. La nouveauté, l'intensité, l'étrangeté, en un mot toutes les valeurs de choc l'ont supplantée. »
Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 52. d) Lang. de la publicité commerciale.Vendeurs, prix, articles de choc. Qui, en raison de leur technique ou de leur intérêt, doivent facilement entraîner les achats des clients. Rem. On rencontre, en outre, la construction en appos. prix-choc (Gilb. 1971) « prix qui attire et frappe l'attention par son côté avantageux »; et p. anal. argument-choc, formule-choc (Gilb. 1971) « argument, formule destinés à convaincre et à emporter une décision immédiate »; image-choc (Gilb. 1971) « image qui frappe la vue »; mesure-choc (Gilb. 1971) « mesure énergique et surprenante » : 14. Une abonnée, MmeC..., a fait ses courses à l'Euromarché d'Aulnay-sous-Bois : « ... Je prends un baril de lessive Xtra. Sur le couvercle, est annoncé en gros caractère : « Prix choc 21,50 F.»
Que choisir?1975, no93, p. 36. C.− Domaine de la vie psychique et de la thérapeutique.[En parlant de pers.] 1. [L'accent est mis sur le résultat pathologique d'une agression subie] a) Émotion violente et inattendue pouvant provoquer de grandes perturbations physiques et psychiques chez l'individu. L'abbé annonça le malheur à sa mère. (...) Berthe Sennevilliers reçut le choc avec passivité (Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 40): 15. « La sensibilité féminine (...) est en rapport étroit avec les organes mêmes de la femme, et un grand choc nerveux suffit à provoquer un déséquilibre dont le corps tout entier se ressent. »
Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 499. SYNT. Choc affectif, émotif, moral, nerveux; choc infantile; recevoir, subir un choc; le choc l'ébranla nerveusement. b) Émotion intellectuelle frappant l'individu à la vue d'une œuvre artistique : 16. C'est devant les toiles de Rubens qu'un choc d'une émotion soudaine avait jailli en lui [Carrière] la résolution d'être peintre...
G. Séailles, Eugène Carrière,1911, p. 11. c) État de choc ou p. ell., choc. État physiologique dépressif dans lequel se trouve l'organisme après une agression quelconque (opération, accident, anesthésie, etc.). Choc anaphylactique, anesthésique, obstétrical, opératoire, traumatique, vaccinal : 17. Pour atteindre le prodigieux essor qu'elle connaît de nos jours, la chirurgie a dû, peu à peu, surmonter les quatre obstacles auxquels elle se heurtait : la douleur, l'hémorragie, l'infection, le choc opératoire.
M. Bariéty, Ch. Coury, Hist. de la méd.,1963, p. 780. 2. [L'accent est mis sur le résultat visé par une intervention thérapeutique; de choc (supra B 3)] .
− Choc thérapeutique, thérapeutique de choc, méthode de choc. Méthode thérapeutique provoquant des chocs biologiques ou psychologiques, et utilisée dans certaines maladies infectieuses ou certaines affections psychiatriques. Choc chimique*, électrique*, électrochoc* : 18. ... on ne peut attendre de bien des stock-vaccins qu'une simple action thérapeutique de choc...
Ce que la France a apporté à la méd. depuis le début du XXes.,1946, p. 56. ♦ Choc amphétaminique. ,,Technique utilisant l'injection intraveineuse d'amphétamine pour susciter une réaction d'excitation avec libération des sentiments sur une situation présente ou passée et permettre une analyse psychothérapique`` (March. 1970). ♦ Traitement de choc (fam.). Traitement très énergique. Prononc. et Orth. : [ʃ
ɔk]. Ds Ac. 1694-1932. Fér. 1768 : ,,On écrivait autrefois chocq.`` ,,Au pl., la graphie des composés hésite entre chocs et choc`` (Gilb. 1971). Étymol. et Hist. 1. 1521 « rencontre de deux troupes armées, attaque » donner le choc (Archives du Nord, 3es., VI, 71 ds IGLF); 2. a) 1549 soutenir le choc de quelqu'un (opinion, discussion) (Est.); b) 1690 « événement fâcheux qui frappe quelqu'un » (Fur.); 1740 spéc. « épreuve frappant la santé » (Ac.); c) 1892 choc nerveux (P. Regnard ds Compte rendu heb. des séances soc. biologie, 287 ds Quem.); 1896 shock chirurgical (Van Engelen ds Ann. Soc. roy. sc. et nat. de Bruxelles, 5, 377, ibid.); 1897 shock abdominal opératoire (Guinaud et Tixier ds Ass. fr. pour l'av. des sc., 2, 765, ibid.); 3. av. 1570 « rencontre violente d'un corps avec un autre » (J. Grévin, Les Esbahis, p. 144 ds IGLF). Déverbal de choquer*; au sens 2 c, prob. infl. de l'angl. shock (cf. la forme shock en 1896-97), attesté dans le syntagme shock of the [surgical] operation en 1804 ds NED. Fréq. abs. littér. : 2 808. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 465, b) 2 286; xxes. : a) 2 396, b) 3 773. Bbg. Gohin 1903, p. 342. − Rog. 1965, p. 110. − Sain. Lang. par. 1920, p. 460. − Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 72. |