| CHIFFONNER, verbe trans. A.− [Le compl. désigne un vêtement, un tissu ou plus rarement un papier] 1. Froisser en donnant l'apparence d'un chiffon, en faisant de nombreux faux plis. Chiffonner un mouchoir, un billet : 1. Pour l'attirer à lui, il a posé la main sur sa hanche et il s'attarde, à froisser le tissu.
− La belle robe, dit-il, une robe bien troublante, on a envie de la chiffonner...
Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 188. Rem. Le verbe peut se construire à la forme pronom. avec une valeur passive. Les robes se chiffonnent facilement (Lar. 20e). Le vieux livre entr'ouvert dont les pages se chiffonnaient sous mon coude (Hugo, Le Rhin, 1842, p. 24). On rencontre également la forme intrans., rare et vieillie, avec le sens de « ramasser de vieux chiffons, exercer le métier de chiffonnier » : 2. − Figurez-vous d'abord que mon père était chiffonnier...
− Dans ce cas-là, − dit Rose Pompon en riant, − votre père chiffonnait en amateur, et pour l'honneur.
Sue, Le Juif errant,1844-45, p. 82. − P. métaph. [Les] petits lords Byrons, qui, après avoir chiffonné la vie comme une serviette (Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 46). − P. méton., fam. Chiffonner une femme. Causer quelque désordre dans sa toilette en la serrant de trop près, la peloter : 3. Pierre chiffonnait avec grâce les objets de ses soins, les agaçait juste ce qu'il faut avec son agitation; il avait l'embrassade franche, la bouche fraîche...
Morand, L'Homme pressé,1941, p. 170. 2. P. antiphrase. Arranger avec goût et habileté des étoffes, des détails de toilette, se livrer à de petits travaux d'aiguille. Elle chiffonnait les dentelles d'un chapeau mieux que les meilleures modistes (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Rose, 1884, p. 926). − Emploi abs. Celles qui sont occupées à chiffonner et à pouponner (Alain, Propos,1909, p. 48). B.− Au fig. [Le compl. désigne une pers.] Préoccuper, tracasser ou contrarier. Ça me chiffonnait d'emmener le gamin (A. Daudet, Contes du lundi,1873, p. 84).Cette histoire d'impôt sur le revenu les chiffonnait (Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 83). Prononc. et Orth. : [ʃifɔne], (je) chiffonne [ʃifɔn]. Ds Ac. 1694-1932. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. chifoner. Étymol. et Hist. 1. 1657 chiffonner (une femme) « déranger la toilette d'une femme en la lutinant » (Jean Ogier de Gombauld, Épigrammes, livre I, 47); 1673 « froisser (une étoffe, un papier) » (Sévigné, éd. 1735, 321 ds Littré); 1746 p. anal. air chifoné (La Morlière, Angola, hist. indienne, dédic. ds Brunot t. 6, p. 1310); 2. 1718 « inquiéter, chagriner » (Le Roux, Dict. comique, p. 117 ds IGLF); 3. ca 1760 « s'occuper d'ajustements de toilette » (Diderot, Neveu de Rameau, 40 ds IGLF); 4. 1866 « ramasser les chiffons dans les rues » (Lar. 19e). Dér. de chiffon*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 116. DÉR. 1. Chiffonnable, adj.Qui peut être chiffonné, qui se chiffonne facilement. Hercule habillé en femme d'étoffes chiffonnables (Malraux, La Condition humaine,1933, p. 343).− [ʃifɔnabl̥]. − 1reattest. 1866 (Lar. 19e); de chiffonner, suff. -able*. − Fréq. abs. littér. : 1. 2. Chiffonnade, subst. fém.,art culin. Feuilles de laitue, d'oseille ou d'une autre plante, coupées en fines lanières et fondues au beurre. Faire à part une chiffonnade de quelques feuilles de laitue coupées en julienne, étuvées au beurre (Les Gdes heures de la cuis. fr.,1955, p. 204).− [ʃifɔnad]. − 1reattest. 1832 (Raymond); de chiffonner, suff. -ade* (sur le modèle de différents termes de cuis. en -ade tels que capilotade, croustade, brandade, estouffade). 3. Chiffonnerie, subst. fém.Vêtement, tissu ou assemblage de tissus élégants. L'abbé-ministre n'était pas entièrement brouillé (...) avec les chiffonneries galantes (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. 8, 1851-62, p. 31).Son jupon perdu dans la chiffonnerie parfumée de ses vêtements épars (A. France, L'Anneau d'améthyste,1899, p. 308).− Seule transcr. ds Littré : chi-fo-ne-rie. − 1reattest. 1853 id.; de chiffonner, suff. -erie*. BBG. − Quem. 2es. t. 4 1972 (s.v. chiffonnade). − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 210. |