| CHARRETTE, subst. fém. I.− Voiture à deux roues assez légère. A.− Voiture plus légère que le chariot, munie d'un brancard simple ou double et de deux ridelles. 1. Voiture qui sert au transport des fardeaux. a) Voiture tirée ordinairement par un cheval, plus rarement par plusieurs, ou par des bœufs. Une charrette à bœufs, une charrette de foin, une charrette de paysan : 1. La place, dès le matin, était encombrée par une file de charrettes qui, toutes à cul et les brancards en l'air, s'étendaient le long des maisons depuis l'église jusqu'à l'auberge.
Flaubert, Madame Bovary,t. 1, 1857, p. 145. − P. métaph. S'atteler à la même charrette : 2. ... le déséquilibre est devenu trop grand entre les deux cultures, pour qu'elles puissent travailler ensemble, s'atteler à la même charrette et donner le même coup de collier.
J. et J. Tharaud, Le Chemin de Damas,1923, p. 136. b) Petite voiture à brancards que tire une personne. Pousser une charrette (à bras) : 3. Il s'arrêtait à tous les coins de rue pour boire un verre; puis, libre et joyeux, ayant craché dans ses mains pour en lubrifier la paume calleuse, il empoignait les brancards et poussait la charrette, tandis que, devant lui, les moineaux (...) s'envolaient en gerbe avec son cri familier : des choux, des navets, des carottes!
A. France, Crainquebille,1904, p. 42. − P. métaph. Tirer la charrette. C'est bien lourde charrette à tirer qu'un état! (Barbier, Satires,Un Vieux moyen de s'enrichir, 1865, p. 16). 2. HIST. Voiture qui transportait les condamnés à l'échafaud. Une charrette (...) traînait lentement à la guillotine un homme dont personne ne savait le nom (A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 44). − P. métaph. et p. jeu de mots : 4. Évidemment M. Massis ne met pas dans la même charrette ceux qu'il condamne à mort, comme Renan, et ceux dont il espère et souhaite le ralliement, comme M. Barrès...
Thibaudet, Réflexions sur la crit.,1936, p. 138. B.− Charrette (anglaise). Petite voiture légère à deux roues, à deux ou quatre places, tirée par un cheval (cf. P. Bourget, Le Disciple, 1889, p. 155). C.− P. plaisant. et (souvent) péj. 1. [Charrette est empl. comme substitut de char ou de chariot] La lune va finir là-haut son tour de charrette (G. d'Esparbès, Le Roi,1901, p. 157): 5. Aussi la comédie passe-t-elle presque inaperçue dans le grand ensemble épique de l'antiquité. A côté des chars olympiques, qu'est-ce que la charrette de Thespis?
Hugo, Préface de Cromwell,1827, p. 10. Rem. Noter le mot composé charrette-théâtre ds Hugo, L'Homme qui rit, t. 2, 1869, p. 84. 2. Pop. Voiture (automobile). Le moteur se met à ronfler et l'ancestrale charrette s'ébranle (A. Simonin, J. Bazin, Voilà taxi!1935, p. 64). II.− P. métaph. ou au fig., arg. [P. réf. à la coutume des élèves d'archit. qui, le jour de l'exposition, chargeaient leurs projets sur une charrette tirée par le plus jeune de l'atelier (d'apr. Esn. 1966)] ,,Travail intensif en prévision d'un retard possible apporté à l'exécution d'un projet`` (Sandry-Carr. Peintres 1963). − Loc. Être, se mettre en charrette. Être en retard. Les élèves, retardés par les basses besognes payées du dehors, répétaient le cri : « Oh! que je suis en charrette! » (Zola, L'Œuvre,1886, p. 62). − Emploi adj. : 6. Le thème exposé par la flûte est reproduit ensuite par la clarinette et le basson, ce qui fait dire souvent au chef d'orchestre : « Cette clarinette est un peu « charrette », en effet, elle arrive toujours en retard à cause de la rapidité du mouvement... »
E. Guiraud, H. Busser, Traité pratique d'instrumentation,1933, p. 57. Rem. On rencontre ds la docum. a) Un homogr., interj. qui ,,marque l'irritation, le dépit, ou aussi l'admiration, le plaisir`` (Pierreh. Suppl. 1926). (... la jument dansait toujours). Va-t-il verser? (...) Charrette! Il se tient droit quand même (Ramuz, Aimé Pache, peintre vaudois, 1911, p. 286). Terme fr.-prov. représentant prob. une var. euphémique de charogne* (Pat. suisse rom.) également empl. comme terme d'insulte ainsi que charogne, à rapprocher de charrette « esprit lourd » (FEW, t. 2, p. 427b; 840 ds Quem. Fichier) qui est peut-être de même orig. avec un rapprochement p. étymol. seconde avec le nom du véhicule. b) Le subst. fém. charreterie, vx. Remise pour les charrettes (cf. Flaubert, Trois contes, Un Cœur simple, 1877, p. 20). c) Le subst. fém. charte, région. [1532 ang. (Bourdigné, né à Angers, Pierre Faifeu, ch. 9 ds Hug.)]. Synon. de charrette. Une charte à grandes roues tirée par un cheval gris (H. Bazin, L'Huile sur le feu, 1954, pp. 302-303). Prononc. et Orth. : [ʃaʀ
εt]. La majorité des dict. transcrit la 1resyll. par [a] ant. Cependant Fér. Crit. t. 1787 propose : ,,On pourrait écrire comme on prononce chârète; 1relongue, r forte``. La 1resyll. est notée longue également ds Fér. 1768, Land. 1834 et Gattel 1841. Noter que ds ces dict. il y a confusion dans la transcr. entre la durée et le timbre. Ils marquent, en effet, aussi bien la durée longue que le timbre post. de a par l'accent circonflexe. Pour Mart. Comment prononce 1913, p. 36 et 37, l'a n'est plus guère prononcé par [ɑ] post. dans charrette, charrier ou charroyer. Cependant G. Straka, Syst. des voyelles du fr. mod., Strasbourg, Inst. de Phonét., 1950, p. 25, maintient que ,,a [inaccentué] est post. devant r noté -rr-, en raison de la vieille simplification de l'-rr- géminée et de l'allongement compensatoire qui en est résulté``. Ds Ac. 1694-1762; 1835-1932. Pour la graph. avec 2 r dans charrette par rapport à chariot qui n'en prend qu'un, cf. chariot. Étymol. et Hist. Ca 1100 carette (Roland, éd. J. Bédier, 2972); 1835 charrette à bras (Ac.); 1884 charrette anglaise (Maupassant, Contes et nouvelles, t. 2, Berthe, p. 995). Dér. de char*; suff. -ette*. Fréq. abs. littér. : 1 029. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 056, b) 2 445; xxes. : a) 1 710, b) 1 135. Bbg. Gavel (H.). À propos de deux passages de Madame Bovary. Mél. Dauzat (A.). 1951, p. 110 (s.v. charretterie). − Gottsch. Redens. 1930, p. 120, 271. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 204. − Hasselrot 1957, p. 198. − Hasselrot 20es. 1972, p. 16. − Quem. 2es. t. 2 1971. |