| CHALEUR, subst. fém. A.− Température plus ou moins élevée d'un corps, d'un lieu, perceptible par l'homme. Chaleur de serre; source de chaleur; se plaindre de la chaleur. À la chaleur du feu, à la clarté de la lampe (Claudel, L'Annonce faite à Marie,1reversion, 1912, IV, 5, p. 109). SYNT. Bonne, douce, vive chaleur; chaleur du poêle; bouche de chaleur (cf. bouche IV B). − Expr., vieilli, iron. Couvrez-vous, la chaleur vous est bonne. Mettez votre chapeau bien que ce ne soit pas le moment et que ce soit impoli. Rem. Attesté ds Besch. 1845, Lar. 19e, Littré. − Spécialement 1. Température dispensé par le soleil, répandue dans l'atmosphère, plus ou moins forte suivant le moment et le lieu. Grande, grosse chaleur; chaleur du jour : 1. Un soleil de printemps se levait à l'horizon, les fleurs (...) se redressaient à la chaleur de ses rayons; (...); les gazons avaient repris de la verdure et de la force dans la fraîcheur de la nuit.
Musset,« Le Temps », 1831, p. 41. SYNT. Chaleur accablante, étouffante, humide, lourde, torride; chaleur de plomb; chaleur de l'été, du soleil; brume, vague de chaleur; en pleine chaleur; quelle chaleur!; la chaleur augmente, diminue, tombe. Chaleur solaire. Température du soleil, qu'il communique à la terre (cf. C. Flammarion, Astron. pop., 1880, p. 98). − P. métaph. : 2. ...
Car le nom de l'auteur, brillant sur chaque page,
De jour et de chaleur inondait tout l'ouvrage; ...
Lamartine, Jocelyn,Épilogue, 1836, p. 785. − P. méton. Effet produit dans l'air par une température élevée. La chaleur frémissait, monotone, dans le ciel bleu (Barrès, Sous l'œil des Barbares,1888, p. 73). − P. ell. et souvent au plur. Moment où la température est élevée et plus particulièrement été. Les premières, les dernières chaleurs; les grandes chaleurs. Pendant les mois de chaleur (Alain-Fournier, Correspondance[avec J. Rivière], 1907, p. 192). ♦ Au fig. La question qui s'agite entre eux jusqu'aux dernières chaleurs est celle-ci : ... (L. Veuillot, Les Odeurs de Paris,1866, p. 345). 2. CHIM. et PHYS. Somme des énergies, potentielle et cinétique, des molécules d'un corps, perceptible à nos sens. Chaleur absorbée, cédée; (corps) bon, mauvais conducteur de la chaleur. Loi des échanges de chaleur (H. Poincaré, Électr. et opt.,1901, p. 170). SYNT. Dégagement, degré, quantité de chaleur; propagation de la chaleur; sous forme de chaleur, sous l'action de la chaleur. Chaleur centrale, interne, terrestre. Température élevée que l'on attribuait au centre de la terre (cf. W. Vernadsky, La Géochimie, 1924, p. 116). Chaleur rayonnante. Quantité de chaleur qu'un corps chaud émet et transmet à un corps plus froid (cf. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances, 1851, p. 138). Chaleur sensible. Chaleur perçue par les sens ou à l'aide du thermomètre (cf. Bremond, La Poésie pure, 1926, p. 161). Chaleur spécifique. Quantité de chaleur nécessaire à l'unité de masse d'un corps pour élever sa température de un degré (cf. Renouvier, Essais de crit. gén., 3eessai, 1864, p. 82). [Dans le cas d'un gaz] Chaleur spécifique à pression constante. Quand il y a dilatation (cf. Hist. gén. des sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 275). Chaleur spécifique à volume constant. Quand il n'y a pas dilatation (ibid., p. 297). Chaleur atomique. Produit de la chaleur spécifique d'un corps simple par son poids atomique (cf. J.-J. Chartrou, Pétroles naturel et artificiels, 1931, p. 28). Chaleur latente. Quantité de chaleur nécessaire à l'unité de masse d'un corps pour qu'il change d'état, sans modification de température, quand il est arrivé au point où il va changer d'état. Nouvelles doctrines du feu principe, du fluide igné, de la chaleur latente (Marat, Les Pamphlets, Les Charlatans modernes, 1791, p. 291); en particulier a) de l'état solide à l'état liquide : chaleur (latente) de fusion (cf. Hist. gén. des sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 289); b) de l'état liquide à l'état de vapeur : chaleur (latente) de vaporisation (cf. Ch. Durand, Les Gdes industr. minérales en Lorraine, 1893, p. 26); c) de l'état solide à l'état de vapeur : chaleur (latente) de sublimation ou de volatilisation (cf. A. de Lapparent, Cours de minér., 1899, p. 507). Chaleur de réaction. Quantité de chaleur dégagée ou absorbée dans une réaction chimique (cf. Hist. gén. des sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 404). Chaleur de combustion. Quantité de chaleur dégagée quand on brûle une molécule-gramme d'un corps à volume ou à pression constante (cf. G. Dupont, Le Bois carburant, 1941, p. 46). Chaleur de formation. Quantité de chaleur dégagée ou absorbée dans la formation d'une molécule-gramme d'un corps composé, à partir de ses éléments (cf. L. Guillet, Traité de métall. gén., 1923, p. 54); anton. chaleur de décomposition (cf. L. Ser, Traité de phys. industr., t. 1, 1888, p. 37). Chaleur d'hydratation. Quantité de chaleur dégagée pendant la prise et le durcissement d'un liant. Ciment à faible chaleur d'hydratation (J. Cléret de Langavant, Ciments et bétons, 1953, p. 30). Équivalent mécanique de la chaleur. Constante représentant la quantité de travail qu'on obtient par la transformation d'une unité de chaleur en énergie mécanique (cf. Hist. gén. des sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 226). 3. PATHOL. Sensation de malaise général ou localisé, s'accompagnant souvent d'une élévation de la température du corps. Chaleurs d'entrailles, de tête, de la fièvre. Le soir même, il fut pris d'une grande chaleur dans la poitrine (Flaubert, L'Éducation sentimentale, t. 2, 1869, p. 221). SYNT. Chaleur âcre, mordicante (vieilli). Picotement au niveau des téguments, perceptible par le sujet ou la personne qui l'examine (cf. A. Trousseau, Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu, 1895, p. 182). Chaleur interne. Sensation de chaleur qu'éprouve un malade et qui ne correspond pas à la réalité (cf. Geoffroy, Manuel de méd. pratique, 1800, p. 373). Bouffée de chaleur (cf. bouffée I C). ♦ Coup de chaleur. Grave malaise dû, surtout, à une température trop élevée, pouvant entraîner la mort, en particulier chez les nourrissons et les animaux domestiques (cf. Ch. Dopter [Nouv. traité de méd., 1926, p. 447]). 4. PHYSIOL. Température du corps, d'une partie du corps, d'une plante, propre à chaque espèce, produite par les différentes fonctions organiques, liée à la vie, pouvant avoir des manifestations extérieures. Chaleur animale, naturelle, vitale. Elle sentait (...) la chaleur de la main qui soutenait son coude (R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 489). SYNT. Chaleur végétale; chaleur de la peau, du corps, du sang. − Par personnification : 3. C'est mon ennemi, le froid (...). Vous le savez, vous, aux mains de qui se réfugient mes mains, (...)! Tu me manques, ma chère chaleur, autant que le soleil.
Colette, La Vagabonde,1910, p. 243. − P. méton. Avec cette chaleur blême rougissant seulement aux pommettes [à cause du champagne] (Proust, La Fugitive,1922, p. 488). − En partic. Sensation d'ardeur intérieure, provoquée par une émotion, pouvant se manifester extérieurement. Chaleur qui monte au visage, aux joues de qqn. Que serait la joie sans (...) cette chaleur agréable en tout le corps (...)? (Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 246). 5. ZOOLOGIE a) Instinct sexuel qui pousse la femelle à vouloir le mâle, selon un rythme régulier. Temps de la chaleur des truies (Littré). Rem. Ce sens s'applique parfois au mâle, à un ensemble d'animaux. b) (Être) en chaleur. Plus une jument est en chaleur et moins elle bouge (Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 363). − P. métaph. : 4. ... son aspect [de la mer], dans ces instants-là, est étrange; on dirait qu'elle désire et craint le cyclone. (...). La lionne en rut fuit devant le lion. La mer, elle aussi, est en chaleur.
Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 344. − Péj. [À propos d'une pers.] ♦ [P. anal. de situation] Qui désire faire l'amour. Gueuse en chaleur (Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1278). ♦ P. iron. Qui a trop chaud. − Non, t'es en chaleur... (...). La porte ouverte, tu veux donc nous faire crever? (Dorgelès, Les Croix de bois,1919, p. 19). ♦ Au fig. Animé d'un grand zèle, d'un grand désir. L'immense bourgeoisie libérale, toujours en chaleur de quelque nouvelle trahison (Bernanos, La Grande peur des Bien-Pensants,1931, p. 63). B.− Au fig. 1. Qualité vive d'un objet, d'une matière, qui est agréable aux sens humains : 5. Viendront-elles un jour, en quelque paradis,
Ces collines pour qui j'ai tant fait et tant dit,
M'apporter la chaleur du parfum de midi
...
A. de Noailles, L'Ombre des jours,1902, p. 58. − Spéc. Qualité d'une teinte harmonieuse, à base de jaune et de rouge surtout, donnant une impression de vie, d'ambiance agréable. Les teintes fanées [des tapis anciens] gardaient une chaleur sombre (Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 471). ♦ P. ell. Teinte ayant ces qualités. Une chaleur rousse circule sous ses obscurités [de Rembrandt] et les rend transparentes (T. Gautier, Guide de l'amateur au Musée du Louvre,1872, p. 125). 2. Qualité vive d'une personne ou de son comportement. a) Ardeur, passion intérieure d'une personne, parfois d'une collectivité, d'un être divin pour une personne ou une chose, qui se manifeste de différentes façons. Chaleur humaine; parler, soutenir avec chaleur : 6. Yvars se rhabilla alors sans se laver, dit bonsoir lui aussi, mais avec tout son cœur, et ils [les ouvriers] lui répondirent avec la même chaleur.
Camus, L'Exil et le royaume,1957, p. 1606. SYNT. Chaleur d'âme, de cœur; chaleur d'une présence; mettre de la chaleur à, dans qqc. − Spéc. Force, cordialité d'un sentiment, d'une activité, d'une attitude humaine, où l'on sent la sympathie, l'affection, la vie. Chaleur de l'amitié, de l'imagination, du raisonnement. Cette réserve ne démentait pas la chaleur de ses accueils (S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 214). ♦ En partic. Ardeur, expression d'une attitude, d'une réaction humaine. Chaleur d'un baiser, d'un regard, d'un sourire. Cette voix sans timbre, sans chaleur, sans intonation, sans relief (Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 1170).Éclat, vie, expression, intensité d'une œuvre artistique ou littéraire. La spontanéité, l'entrain et la chaleur de ce premier morceau [le portrait de l'architecte Buron] (A. Michel, Sur la peinture fr. au XIXesiècle,1928, p. 3).Animation de certaines activités humaines où existent des oppositions de personnes, de nations, d'intérêts. La chaleur et l'aigreur des discussions (Lamennais, Lettres inédites... à la baronne Cottu,1835, p. 276). b) Péj., rare. Colère, emportement, intolérance d'une personne dans ses jugements, ses actions. Une fois ma chaleur passée, je reviens de moi-même à la tolérance (Amiel, Journal intime,1866, p. 128). − Vieilli. Chaleur(s) de/du foie, de/du sang. Accès de colère, disposition à s'emporter ou à s'enthousiasmer, en particulier dans la jeunesse (cf. airain ex. 15). c) Expressions − Dans la chaleur de. Au fort de, au beau milieu de. Dans la chaleur de la composition, de la dispute, du combat. − [P. réf. à l'expr. lancée par Combes pour excuser des paroles imprudentes du ministre Pelletan, au cours d'un banquet, en 1902] Chaleur communicative des banquets. Animation d'un repas due au vin, aux conversations (cf. A. Wicart, Les Puissances vocales, L'Orateur, t. 1, 1936, p. 9). − Vieilli. À la chaleur des enchères (et à l'extinction des feux). Selon la montée des prix, qui a une durée déterminée (en particulier jusqu'à l'extinction de petites bougies) : 7. Le prix des soixante tableaux qui composaient cette divine collection (...) ne pouvait être connu qu'à la chaleur des enchères.
Balzac, Le Cousin Pons,1847, p. 84. Rem. N'est attesté que ds Littré. − Lang. pop. (Ah!) Chaleur! Exclamation qui indique la surprise, l'ironie, le désagrément, le refus de faire quelque chose. On jouerait le baccarat et les dames seraient admises! Oh! chaleur! (Le Joueur, 1881) (G. Fustier, Suppl. au dict. de la langue verte d'A. Delvau,1883, p. 505). Prononc. et Orth. : [ʃalœ:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Début xiies. chalur (du soleil) « état de la matière qui se traduit par une température élevée » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, Paris, 1876, XVIII, 6); 1606 les grandes chaleurs « l'été » (Nicot); 2. ca 1220 « sensation comparable à celle que produit un corps chaud, éprouvée dans des malaises physiques » (Pean Gatineau, Vie de S. Martin, éd. Söderhjelm, 8334 ds T.-L.); 3. a) 1387-91 art vétér. « période des amours » (G. Phébus, Le Livre de la Chasse, ms B.N. fr. 7098, Paris, éd. J. Lavallée, 1854, 1, 11 ds Remig., p. 55); 1561 être en chaleur (Du Fouilloux, Traité de Venerie, 17, 42, ibid.); b) 1573 « ardeur des sens » (Du Puys, Dict. fr.-lat. : ,,se dict des bestes femelles [...] quand on leur faict venir le désir de la compaignie du masle pour engendrer``); qualifié de ,,vx`` ds Pt Rob.; 4. a) 1549 « vitalité, élan naturel, enthousiasme » (Est. : La chaleur de la jeunesse est refroidie); b) début xviies. « emportement, vivacité » (D'Aub., Trag., V ds Godefroy, Lexique comparé de la lang. de Corneille et de la lang. du XVIIes., Paris, 1862, t. 1, p. 112); c) 1779 B.-A. chaleur d'exécution (Le Visionnaire ou Lettres sur les ouvrages exposés au Salon, Amsterdam, I, p. 26 ds Brunot t. 6, p. 791). Empr. au lat. calor, -is attesté au sens 1 dep. Ennius ds TLL s.v., 180, 2 spéc. en parlant du soleil (Lucrèce, ibid., 180, 44) fréquemment au plur. (ibid., 180, 6, 7); au sens 2 iers. av. J.-C. (Sulpicia ds Tib., 3, 17, 2, ibid., 181, 29); au sens d'« ardeur, zèle, impétuosité » (Ovide, ibid., 181, 42); en partic. en parlant de la jeunesse (Celse, ibid., 181, 78). Fréq. abs. littér. : 5 917. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 958, b) 9 430; xxes. : a) 7 485, b) 8 819. Bbg. Lew. 1960, p. 170, 183. − Rog. 1965, p. 71, 200. − Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 63. |