| CHER, CHÈRE, adj. et adv. I.− Adjectif A.− [L'adj. épithète est le plus gén. antéposé. Il exprime un sentiment] 1. [Qualifie des êtres vivants] a) À qui on voue une affectueuse tendresse : 1. Vous trouvez en vous-même, ma chère maman, des consolations sans nombre, mais je ne trouve en moi que vous.
Mmede Staël, Lettres de jeunesse,1778, p. 6. 2. Aujourd'hui, je pense bien plus à moi, puisque je le regrette... Ô cher homme, notre amitié difficile est encore trébuchante, quel bonheur!...
Colette, La Naissance du jour,1929, p. 69. 3. Une pareille infamie, un pareil ravalement des êtres chers, sacrés, vénérés, au niveau de la bête, le laissaient épouvanté et révolté, comme le spectacle d'une odieuse dégradation infligée à ses idoles.
Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 264. − Subst. Mon cher, ma chère. Mais alors, mon excellent cher, qu'est-ce que vous fichez, depuis un mois que vous êtes ici! (Farrère, L'Homme qui assassina,1907, p. 49). b) [Dans des formules de politesse, ou dans l'expr. de la familiarité] Cher Monsieur, chère Madame; le Cher homme. Ah! bonjour, cher monsieur! vous étiez parti, vous voici revenu? (Barrière, Capendu, Les Faux bonshommes,1856, p. 107). 2. [Qualifie des choses] À quoi on attache un grand prix, envers quoi on manifeste un attachement particulier. Ils oublieraient cette journée d'angoisse, ils retrouveraient leur chère paix, leurs chères amours (Zola, Madeleine Férat,1868, p. 76): 4. Surtout, il continuait ses chères études. Il barbouillait du papier avec frénésie, en prose, en vers, dans tous les genres.
Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des « Confessions », 1948, p. 122. 3. Expr. [Le suj. est une pers. ou une chose] Être cher (chère) à qqn : 5. La chimie, qui avait triomphé de l'antique alchimie chère à la renaissance, et qui avait semblé confirmer d'abord les interprétations d'un atomisme mécanique, fournit les premières armes aux partisans d'une unité fondamentale.
Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 61. 6. Parmi tous les héros de la liberté et de la paix, celui-là (Luis-Carlos Prestes) est un des plus chers au peuple de France.
L'Humanité,19 janv. 1952, p. 1, col. 7-8. B.− [L'adj. est postposé ou en constr. d'attribut. Il indique une valeur marchande] − [Appliqué à un inanimé] Qui est d'un prix élevé. Le pain cher, la vie chère : 7. ... les jours sont courts, il faut allumer une lampe; l'huile est chère, le bois est cher, le pain est cher. Ô jeunesse! printemps! aube! en proie à l'hiver!
Hugo, Les Contemplations,t. 2, 1856, p. 119. − P. méton. [Appliqué à une pers.] Un commerçant trop cher : 8. − Le menuisier est cher, observa le roi. − Est-ce tout?
− Non, sire. − « (...) à un vitrier, pour les vitres de ladite chambre, quarante-six sols huit deniers parisis. »
Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 495. II.− Adverbe A.− [Modifie un verbe d'estimation; ne peut être remplacé par chèrement*] Coûter cher, valoir cher : 9. ... à partir du moment où la force motrice est d'origine mécanique, il faut évidemment que le travail qu'elle commande soit exécuté par des machines. Ce machinisme coûte cher.
J. Robert, L'Artis. et le secteur des métiers dans la France contemp.,1966, p. 60. − Au fig. Coûter cher. Imposer de lourds sacrifices; provoquer de graves inconvénients. Il est certain que l'impertinence de ton mari nous aura coûté cher (Mauriac, Le Nœud de vipères,1932, p. 177). ♦ Donner cher. Accorder beaucoup : 10. ... de fait, il [l'adjudant Flick] eût cher donné pour les prendre [Fricot et Laplote] en flagrant délit...
Courteline, Le Train de 8 h 47,Au chose, II, 1884, p. 235. ♦ Loc. Ne pas valoir cher. Être peu estimable ou de peu de valeur. B.− [Modifie un verbe désignant une transaction comm.; peut être remplacé par chèrement*] Acheter cher, vendre cher, payer cher. − Au fig. Payer cher. Obtenir au prix de lourds sacrifices, de graves inconvénients. Vendre cher. Faire subir de graves dommages, de lourds sacrifices en échange de quelque chose. Vendre cher sa peau, sa destruction : 11. ... la crise a fait retrouver à l'art sa noblesse éternelle. Elle a fait payer cher cette trouvaille aux créateurs; ...
Arts et litt. dans la société contemp.,1936, p. 7605. ♦ Loc. fam. Il me le payera cher. Je saurai me venger. Prononc. et Orth. : [ʃ
ε:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Adj. neutre s'employant adverbialement après certains verbes et demeurant inv., au même titre que bas, bon, clair, court, creux, doux, droit, dru, dur, faux, ferme, fort, franc, gras, gros, haut, juste, lourd, mauvais, net, profond, sec, etc. (cf. Grev. 1964, § 378). Étymol. et Hist. 1. Fin xes. cher « aimé » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 108); spéc. épithète, placé avant le nom dans des formules de politesse milieu xies. cher filz (Alexis, éd. Chr. Storey, 106); 2. fin xes. « précieux » chera merz (Passion, même éd., 87); 3 a) ca 1100 vendre cher [fig] (Roland, éd. J. Bédier, 1633); 1538 coûter cher (Est., s.v. constat); 1549 être cher (Est.); b) 1538 payer cher « obtenir au prix de grands sacrifices » (ibid., s.v. expiare); 1718 fig. faire payer cher « se venger d'une injure reçue » (Ac.). Du lat. class. carus adj. « cher, coûteux, précieux » et « aimé, estimé ». Fréq. abs. littér. : 18 528. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 28 793, b) 36 533; xxes. : a) 26 483, b) 18 723. DÉR. Chérot, adj. masc. et adv.,pop. Sa fuite en travesti lui avait coûté chérot, car Arthur avait quitté New-York les poches pleines (Cendrars, Le Lotissement du ciel,1949, p. 235).− [ʃeʀo]. − 1reattest. 1883 chéro « d'un prix élevé » (d'apr. Esn.), av. 1883 chérot (M[acé] ds Larch. Suppl.); de cher, suff. pop. -o*, ultérieurement assimilé à -ot* (Nyrop t. 3, & 414). − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 152. − Gottsch. Redens. 1930, passim. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 72. |