| CAUSE1, subst. fém. I.− A.− Affaire pour laquelle une action est intentée en justice et qui fait l'objet d'un procès. Une cause imperdable; juger une cause. Greffier, appelez la cause, et faites paraître l'accusée (Mérimée, Théâtre de Clara Gazul,1825, p. 138).Elle allait sans cesse assister aux audiences des tribunaux où se jugeaient les causes des pauvres (Montalembert, Histoire de ste Élisabeth de Hongrie,1836, p. 334). ♦ Avocat sans causes. Avocat qui ne trouve pas d'affaires à plaider. Misérable plaidaillon! Avocat sans causes! Canaille! (Courteline, Un Client sérieux,1897, 1, p. 8): 1. Le jeune avocat sans causes, le jeune médecin sans clients, sont les deux plus grandes expressions du désespoir décent, particulier à la ville de Paris, ...
Balzac, Le Cousin Pons,1848, p. 166. − Loc. adv. Avec, en (toute) connaissance de cause. Avec pleine connaissance de l'affaire. Au fig. : 2. ... faites-moi part des nouveaux événements qui vous ont rendu tant de gaieté, de manière à me procurer le plaisir d'y prendre part avec connaissance de cause.
Nodier, La Fée aux miettes,1831, p. 167. 3. Mon rôle ne sera jamais que de recevoir et de bénir le vœu que vous allez prononcer, pourvu que ce soit en toute connaissance de cause, après réflexion et librement.
Bernanos, Dialogues des Carmélites,1948, 4etabl., 13, p. 1684. B.− P. méton. Le procès lui-même ou les débats* auxquels il donne lieu (souvent envisagés du point de vue de la défense de l'accusé ou d'une des parties engagées dans le procès). Une grande cause criminelle était à l'ordre du jour des Assises (Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 522).Nous sentions ce murmure d'une cause gagnée dans l'auditoire (E. et J. de Goncourt, Journal,1853, p. 99): 4. La séance est levée, Messieurs, dit le président, et la cause remise à la prochaine session. L'affaire doit être instruite de nouveau et confiée à un autre magistrat.
A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 678. SYNT. Cause civile, criminelle; cause d'appel; gagner, perdre une cause; remise* de cause. 1. Expr. La cause est entendue. Les débats sont clos. La cause est entendue, répondit le président du tribunal. Nous rendrons le jugement à huitaine (Champfleury, Les Bourgeois de Molinchart,1855, p. 217).Aux Assises, la cause fut vite entendue (Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse,1883, p. 51). − Au fig. Et notre ami Lachaume, ajouta-t-il en changeant de ton pour bien signifier que la cause était entendue, comment va-t-il? (Druon, Les Grandes familles, t. 2, 1948, p. 187). 2. Locutions a) Loc. verbales − Avoir, obtenir gain de cause. Gagner (le procès) : 5. Des Juifs de l'État-Major ont découvert qu'après avoir obtenu gain de cause dans l'affaire Dreyfus, nous n'abandonnions pas le colonel Picquart.
Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 246. ♦ Au fig. Obtenir, après un minimum de lutte, ce qu'on demande; obtenir l'avantage. Elle se servit, comme toutes les femmes, de l'amour qu'elle inspirait pour avoir gain de cause (Balzac, César Birotteau,1837, p. 20).Après un combat sévère, les opposants eurent gain de cause (J. Meynaud, Les Groupes de pression en France,1958, p. 14).Avoir cause gagnée. Vieilli. Même sens : Obtenir, après un minimum de lutte, ce qu'on demande; obtenir l'avantage. Si le plus subtil de ses adversaires en est réduit à des inventions aussi lamentables, le mysticisme a cause gagnée (Bremond, Hist. littér. du sentiment relig. en France,t. 4, 1920, p. 587). − Donner gain de cause (à qqn). Déclarer (à l'issue d'un procès) le bien fondé d'une plainte, d'une requête, etc. : 6. − Eh! bien, le procès? lui cria-t-on.
− Gagné! répondit le vicaire-général... L'arrêt vient de nous donner gain de cause sur tous les points, et réforme le jugement de première instance...
Balzac, Albert Savarus,1842, p. 6. ♦ Au fig. Accorder à quelqu'un, après délibération, ce qu'il demande : 7. Les progrès substantiels réalisés par la France dans le domaine de l'arme atomique, (...), devraient lui donner gain de cause dans cette importante négociation à venir...
Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, p. 253. − Être en cause (anton. être hors de cause). Être partie au procès : 8. Il faut que vous sachiez d'abord qu'aucun de nous n'est coupable. Il s'agit d'une coïncidence, d'un concours de circonstances. Juridiquement, vous n'êtes pas en cause...
Camus, Les Possédés,adapté de Dostoïevski, 1959, 3epart., 16etabl., p. 1089. ♦ Au fig. Être en question. Voici notre règle : quand nos droits ne sont pas en cause, souffrir de bon cœur; quand la justice et nos droits sont en cause, nous défendre (Montherlant, Port-Royal,1954, p. 992): 9. Il ne semblait point que le hasard fût là en cause, au moins qu'il fût en cause seul.
R. Amadou, La Parapsychologie,1954, p. 278. ♦ Cela est hors de cause. Il n'en est pas question. − Mettre (qqn) en cause. Le faire citer dans un procès. Au fig. a) S'en prendre à; mettre en question. Mettre en cause la morale, la religion, les valeurs traditionnelles. La veille, Sixte-Quenin avait mis en cause l'honorabilité du ministre de la Guerre (Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 433).b) Incriminer. La gourmandise d'Olivier ne pouvait être mise en cause (R. Rolland, Jean-Christophe, Antoinette, 1908, p. 843).Il était certain que la valeur des troupes ne pouvait pas être mise en cause (JoffreMémoires,t. 1, 1931, p. 259). ♦ Loc. substantivées. Mise* en cause (ou hors de cause); remise* en cause. − Remettre* en cause. − Mettre (qqn) hors de cause. Déclarer qu'il ne doit pas être partie au procès; déclarer qu'il n'est pas incriminable : 10. Esterhazy est renvoyé devant un conseil d'enquête qui, pour tous les faits à propos desquels il a été acquitté ou mis hors de cause, lui infligera peut-être une punition disciplinaire.
Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 95. ♦ Au fig. a) (Le) laver de tout soupçon. b) Fam. Faire abandonner une entreprise, une activité : 11. Dès l'an II, les traits essentiels de sa campagne d'Italie se trouvaient tracés : mettre le Piémont hors de cause, conquérir la Lombardie, puis, négligeant la péninsule, marcher sur Vienne.
G. Lefebvre, La Révolution fr.,1963, p. 480. b) Loc. adv. − En tout état de cause. Quel que soit l'état du procès. La prescription peut être opposée en tout état de cause (Ac.1835-1932). ♦ Au fig. Quoi qu'il en soit, de toute manière; dans tous les cas. On peut à bon droit souligner le rôle, en tout état de cause, important des innovations surtout techniques (J.-A. Lesourd, C. Gérard, Hist. écon.,t. 1, 1968, p. 142): 12. Je considère, pour ma part, que le problème de la gestion des entreprises nationales n'est pas encore résolu, qu'il faut lui trouver des solutions originales et qu'en tout état de cause rien n'empêche de donner à ceux qui auront la charge de cette gestion une formation plus exactement appropriée à leurs fonctions.
C. Pineau, La S.N.C.F. et les transp., fr.,1950, p. 19. − En désespoir de cause. En dernier recours. Lui-même, suivant la route opposée, tâchait d'arriver à Poitiers pour se réfugier, en désespoir de cause, dans la basilique de Saint-Hilaire (Thierry, Récits des temps mérovingiens,t. 1, 1840, p. 302): 13. Nous demandons également l'amnistie pour celles qui, victimes du régime, ont eu recours, en désespoir de cause, à la pratique de l'avortement clandestin.
R. Biot, Politique de la santé publ.,1933, p. 47. II.− A. Les intérêts de l'accusé ou d'une des parties en litige. Plaider* la cause de qqn. − Loc. Pour les besoins de la cause. Dans l'intérêt de la partie qu'on défend. Au fig., souvent avec une nuance péj. Il ne faudrait pas en conclure que cette seconde expérience a été faite pour les besoins de la cause (V. d'Indy, Cours de compos. mus.,t. 1, 1897-1900, p. 98). B.− P. ext. Parti ou ensemble d'intérêts ou de principes d'intérêt général, qu'on s'attache à soutenir, à faire triompher. Si la patrie vous est chère, et si l'intérêt de l'humanité vous touche, osez embrasser la cause de la liberté (Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?1840, p. 347).Les grandes causes demandent des hommes supérieurs, de nobles cœurs, de grandes âmes (Amiel, Journal intime,1866, p. 276): 14. ... les « États-Unis et la Grande-Bretagne étaient d'accord pour que Madagascar fût restituée à la France dès que l'occupation de cette île ne serait plus essentielle pour la cause commune des Nations-Unies ».
De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 205. SYNT. a) La cause publique; la cause du peuple, de la liberté, de la religion. b) Une bonne, une noble, une sainte cause; une mauvaise cause; une cause honorable. c) Défendre, servir, soutenir, trahir une cause; embrasser, épouser une cause; combattre pour sa cause; gagner qqn à sa cause. − Locutions ♦ Faire cause commune avec qqn. Épouser les intérêts de quelqu'un (en l'aidant); s'associer avec lui dans l'action Je ne pourrais pas me résoudre à faire cause commune avec lui contre toi (Mmede Staël, Lettres de jeunesse,1787, p. 186).Une partie des fellahs ou paysans musulmans sujets des Francs avaient fait cause commune avec l'ennemi (Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 100). ♦ Prendre fait et cause pour qqn. Prendre son parti (en le soutenant). Prononc. et Orth. : [ko:z]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Mil. xiies. fere la cause de « assumer l'affaire de, faire droit à » (Psautier de Cambridge, psaume 139, verset 13, éd. Francisque-Michel, p. 249); 1165-70 « affaire, procès » (B. de Ste Maure, Troie, 5466 ds T.-L.); 1606 causes d'appel (Nicot); 1718 être en cause, mettre en cause (Ac.); 1797 donner gain de cause (Gattel); 1816-24 en désespoir de cause (Chateaubriand, Mél. pol., p. 90); 2. 1465 p. ext. « intérêts (en partic. d'une pers.) » (Farce de Pathelin, éd. R. T. Holbroock, 1075, Paris, 1929, p. 56); fin xves. cause perdue (Coquillart, Poésies, éd. Charles d'Héricault, Paris, 1857, t. 2, p. 138); xviies. prendre fait et cause (Mmede Sévigné ds Dochez, Nouv. dict. de la lang. fr., Paris, 1860); 1787 faire cause commune (Mmede Staël, loc. cit.); 1814-48 les besoins de la cause (Hugo, Correspondance, p. 277). Empr. au lat. class. causa « procès, affaire judiciaire » et « intérêts de quelqu'un, de quelque chose ». |