| ![]() ![]() ![]() ![]() CARNE2, subst. fém. A.− 1. Péj. Viande coriace, de mauvaise qualité. De la barbaque de chameau, de la carne de singe (Cendrars, L'Homme foudroyé,1945, p. 66; cf. aussi bidoche ex. 1). − P. métaph. Souvenirs mâchurés, carne restée aux canines (Valéry, Correspondance[avec Gide], 1894, p. 215). 2. P. ext., pop. a) Viande : 1. Les pionniers boufferaient du poulet! ...
(...) La carne c'est bon pour la croissance! ...
Céline, Mort à crédit,1936, p. 592. b) Chair humaine : 2. Tas d'ex-voto de carne impure,
Charnier d'élus pour les cieux.
T. Corbière, Les Amours jaunes,1873, p. 170. B.− P. méton., péj. 1. Cheval de mauvais rendement (parce que rétif ou affaibli par l'âge, la maladie); p. ext. toute bête difficilement utilisable (vache notamment). (Quasi-) synon. rosse : 3. − C'est une carne de remonte, avait-il dit [le marquis à Angèle], un méchant bourrin osseux, vachard et dont l'arrière-main est celle d'un lièvre. C'est ça votre crack?
P. Vialar, La Chasse aux hommes,La Bête de chasse, 1952, p. 14. − P. anal. Entend(re) galoper les lourdes carnes des idées (Fargue, Le Piéton de Paris,1939, p. 11). 2. Personne qui se conduit mal, qui use de mauvais procédés envers les autres; en partic. femme de mauvaise vie. (Quasi-) synon. carogne, charogne : 4. Une femme mignonne comme ça... vous faire des tours de cochon! ... Des pigeons, dis donc! ... Des pigeons! ... Et dire que c'te carne-là, elle était p't-êt'e plate comme une punaise!
Benjamin, Gaspard,1915, p. 51. − [En exclam. injurieuse] Petite carne! sale carne! vieille carne! Fille de paysan! garce! carne! (Pourrat, Gaspard des montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 72); cré carne... salope (Aymé, Le Puits aux images,1932, p. 12). Rem. S'emploie aussi adj. Assez carne, mesquin, envieux et sournois (Céline, op. cit., p. 418); le plus sale, le plus rétif et le plus carne (Genevoix, L'Assassin, 1948, p. 68). Prononc. et Orth. : [kaʀn]. Ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1. 1835, 20 sept. arg. carne (Raspail ds Le Réformateur, p. 2 : Carne. Viande); en partic. 1836 (F. Vidocq, Les Voleurs, p. 59 : Carne. Viande gâtée); 1873 carne « chair humaine », supra; 1880 cargne « id. » (A. Humbert, Mon bagne, p. 116 : défends ta cargne! « défends-toi »); 2. 1842 pop. « personne méchante » en partic. à propos d'une femme de mauvaise vie (Sue, Les Mystères de Paris, t. 6, p. 72 : Et moi je lui ferais faire un plongeon dans la vase [à ta maîtresse] [...] je la renfoncerais dedans à coups de soulier ... la carne); 3. 1867 (A. Delvau, Dict. de la lang. verte, p. 76 : Carne [...] cheval de mauvaise allure). 1 empr. au norm. carne « id. » (Moisy; Dum.; 1823, Orne ds Mém. de la Soc. Antiq. de France, t. 4, p. 320) soit collectif de l'a. norm. carn « viande », correspondant à l'a. fr. char(n) (EWFS2) soit apocope arg. et récente de carnage* par la chute du suff. (FEW t. 2, s.v. caro, p. 392; cf. permission-perme); à l'appui de cette hyp. le lorr. carnage dès 1807 au sens de « mauvaise viande ». L'antériorité du norm. en rapport à l'arg. fr., rend cette hyp. préférable à celle d'un empr. à l'ital. carne « viande » (DG; Dauzat 1968; DEI; Rob.; Dauzat ds Et. de Lang. fr., les mots d'empr. de l'arg., arg. anc., p. 271; attesté aux xiiie-xives. Dante, XXVII-4 ds Batt.) par l'intermédiaire des galériens de la Méditerranée (R. Philol. fr., t. 25, p. 186; t. 27, p. 71) ou par les anciens soldats de la Révolution et de l'Empire (Dauzat, loc. cit.); la vaste extension géographique de carne s'explique par sa diffusion à partir de l'arg. parisien. 2 et 3 p. anal. à partir de 1, cf. aussi le développement de haridelle* Cargne, croisement de cagne* et de carne. Fréq. abs. littér. : 64. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 271. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 216. − Sain. Lang. par. 1920, passim. |