| CAPITAL2, AUX, subst. masc. A.− Biens monétaires possédés ou prêtés, par opposition aux intérêts qu'ils peuvent produire. Constituer un capital; doubler, rémunérer le capital. Remboursez-vous préalablement intérêts et capital des deux sommes que vous avez eu la complaisance de me prêter (Lamartine, Correspondance, 1831, p. 205); en général toute diminution de l'intérêt d'un capital est une banqueroute (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3, 1848, p. 235): 1. M. Gladstone imagina une combinaison hardie, qui consistait à indemniser les landlords en capital, et non pas en revenu. Il calcula, ou il prétendit, que les domaines irlandais rapportaient aux landlords cinq pour cent. Ainsi, pour avoir la valeur en capital d'un domaine, il fallait multiplier par vingt le revenu de ce domaine.
Jaurès, Ét. socialistes,1901, pp. 238-239. 1. Spéc. Somme d'argent que l'on fait valoir dans une entreprise industrielle ou commerciale. Firme fondée au capital de cent cinquante mille livres sterling (Hamp, Vin de champagne, 1909, p. 211); amortir le capital investi (G. Berger, L'Homme moderne et son éducation,1962, p. 116): 2. ... le jeune homme (...) lui expliquait le mécanisme du nouveau commerce des nouveautés. Ce commerce était basé maintenant sur le renouvellement continu et rapide du capital, qu'il s'agissait de faire passer en marchandises le plus de fois possible, dans la même année. Ainsi, cette année-là, son capital, qui était seulement de cinq cent mille francs, venait de passer quatre fois et avait ainsi produit deux millions d'affaires.
Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 458. − ÉCON. ,,Le capital nominal correspond à l'apport des actionnaires qui constituent une société`` (Mathieu 1970). Capital social. ,,Ensemble des sommes versées par les associés d'une société`` (Pujol 1970). Augmentation de capital. ,,Appel de fonds lancé par une entreprise qui, généralement s'adresse à ses anciens actionnaires`` (Baudhuin 1968) : 3. « Cent francs multipliés par quatre-vingt-dix mille tonneaux font une recette de neuf millions. Le capital social est de six millions. Les actionnaires seront donc intégralement remboursés dans le cours de la première année, et auront en outre trois millions à se partager.
Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 33.» − Au plur. Les capitaux. Argent, ressources financières dont on dispose (et qu'on peut investir dans une entreprise) : 4. Effrayé de la baisse de ses capitaux, un jour où il compta ses écus, Lucien eut des sueurs froides...
Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 213. SYNT. Des capitaux considérables, énormes, immenses, importants; de gros capitaux; des capitaux privés, des capitaux étrangers; attirer, trouver des capitaux; la circulation, la concentration, les mouvements de(s) capitaux. 2. P. ext. Fonds, avoir en argent, fortune possédée par un individu (sans référence à d'éventuels revenus) : 5. Est-ce que la vie n'était pas dure partout aux pauvres diables! Pour réussir, il fallait de l'argent, un capital qui permettait de déjouer la chance, d'espérer, d'attendre le bon moment.
Moselly, Terres lorraines,1907, p. 158. − SERV. SOC. Capital-décès. Somme d'argent versée lors du décès d'un assuré social aux personnes qui étaient à sa charge (cf. Jur. 1971). − P. métaph. La santé est mon unique capital (Balzac, Lettres à l'Étrangère,t. 2,1850, p. 86);vous étiez vierge, c'était votre petit capital, il n'aurait pas dû y toucher (Anouilh, La Répétition,1950, IV, p. 108). B.− Ensemble des moyens de production (biens financiers et matériels) possédés et investis par un individu ou un groupe d'individus dans le circuit économique : 6. Dans l'organisation d'une section donnée, les immobilisations (terrains, immeubles, matériel, etc.) correspondent à des capitaux fixes et par conséquent à des placements à long terme. Les fonds de roulement sont des capitaux circulants; leur degré de liquidité est fonction de leur vitesse de rotation, c'est-à-dire du temps nécessaire à leur parcours d'un cycle financier complet, pendant lequel de l'état liquide ils passent à celui d'investissement pour redevenir liquides.
R. Villemer, L'Organ. industr.,1947, p. 194. 1. ÉCON. Capital commercial. ,,Ensemble des apports en espèces, en nature ou mixtes, faits à une entreprise par un entrepreneur seul (...) ou par un groupe d'entrepreneurs`` (Banque 1963). Capital mobilier. ,,Celui qui est représenté par des titres négociables`` (Pujol 1970). Capital immobilier. ,,Ensemble des terrains, bâtiments, matériel d'équipement possédé par une société ou un individu`` (Pujol 1970). Capital foncier; capital d'exploitation. Ensemble des biens non fonciers utilisés dans une entreprise agricole. − P. ext. Ensemble des moyens de production, y compris le travail humain. ♦ Capital variable, ensemble du travail humain nécessaire à une production donnée, par opposition au capital constant, ensemble de biens nécessaires à cette même production (cf. Encyclopaedia universalis, Paris, t. 3, 1969). 2. P. méton. a) Force économique et sociale que représente le (grand) capital. Le Capital (ouvrage de K. Marx, 1867) : 7. Le capital s'était installé en 1830 comme le seul principe qui, après le droit divin et le droit de la force, eût chance de durée...
Proudhon, Les Confessions d'un révolutionnaire,1849, p. 107. b) Ensemble des détenteurs du capital. Par personnification. ...demanderait des comptes au capital, à ce dieu impersonnel, inconnu de l' ouvrier, accroupi quelque part, dans le mystère de son tabernacle, (Zola, Germinal,1885, p. 1384);la disparition prochaine des patrons, mangés un à un par l' ogre sans cesse affamé du capital, noyés dans le flot montant des grandes compagnies. (Zola, Germinal,1885, p. 1523): 8. ... le capital décide les monopoles, édifie les banques, accapare les substances, dispose de la vie, peut s'il le veut, faire mourir de faim des milliers d'êtres! Lui, pendant ce temps, se nourrit, s'engraisse, s'enfante tout seul dans une caisse; ...
Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 24. 9. Guerre à la guerre! Si elle éclate, il faut que le plus grand nombre possible de soldats partent avec cette conviction, bien ancrée, que la guerre est déchaînée par le capital, contre la volonté, contre les intérêts des prolétaires; ...
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 102. C.− Au fig., le plus souvent au sing. 1. Vx. Le capital primitif : 10. Le capital primitif qu'on a tant cherché est cette force dont l'homme est doué et à l'aide de laquelle il peut mettre en valeur toutes les choses que lui présente la nature, dès qu'elles sont en rapport avec ses besoins.
Cousin, Philos. écossaise,1857, p. 219. 2. Biens intellectuels, spirituels ou moraux, ou autres biens fondamentaux (tels que la vie). Synon. patrimoine, fonds, acquis.Gaspiller son capital vital (Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 82): 11. − Le défaut de volonté rend inutiles toutes les aptitudes, et sans le talent de tirer parti de ses talents, ceux-ci sont comme s'ils n'étaient pas. L'art de vivre comprend l'art d'administrer ses dons, d'exploiter son capital intellectuel, d'utiliser ses forces.
Amiel, Journal intime,1866, p. 90. 12. Jusqu'à présent, de quoi vivaient-ils [tous ces indifférents]? Sur quel capital de grâce? Sur leur baptême et sur l'Ave Maria de leurs aïeux.
R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 245. Prononc. Cf. capital1. Étymol. et Hist. 1. 1567 « principal d'une dette, d'une rente » (Junius, Nomenclature, p. 227 ds Gdf. Compl.); 2. 1606 « ensemble des biens que l'on fait valoir » (Nicot, s.v. fond); 3. 1769 (Larue, Bibl. des Négociants, Lyon, s.v. Capital ds Brunot t. 6, 1, p. 336 : c'est en général le bien que l'on a de net, tout ce que l'on doit en étant déduit); 4. 1767 capitaux « ensemble des sommes en circulation, des valeurs disponibles » (Fr. Quesnay, Dialogues sur le commerce et les travaux des artisans, coll. Daire, t. 2, p. 175 ds Brunot, loc. cit.); 5. av. 1832 « richesse considérée comme moyen de production » (J.-B. Say, Cours d'écon. pol., éd. 1843, t. 1, p. 158 ds Littré); 6. 1848 p. ext. « ensemble de ceux qui possèdent les richesses » (L.-A. Blanqui, Aux clubs démocratiques de Paris, 22 mars ds Textes choisis, Paris, Éditions sociales, 1955, p. 116 ds Dub. Pol., p. 205 : la tyrannie du Capital). Soit substantivation de l'adj. capital (capital1*) (cf. le même processus dans le lat. médiév. capitale). Soit empr., par l'intermédiaire des banquiers ital., à l'ital. capitale « partie principale d'une richesse par rapport aux intérêts qu'elle produit » (xiiies., Batt., s.v. capitale3; DEI, ibid.; REW, no1632). Capital est le doublet sav. du terme pop. a. fr. chatel « patrimoine ; biens mobiliers, particulièrement en bétail; capital qui peut produire un intérêt » (cheptel*). Fréq. abs. littér. : 1 189. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 242, b) 928; xxes. : a) 1 434, b) 1 782. Bbg. Duch. 1967, § 12.1. |