| * Dans l'article "BÂILLER,, verbe intrans." BÂILLER, verbe intrans. A.− [En parlant d'une pers.] Ouvrir involontairement la bouche en inspirant profondément et en contractant les muscles du visage, soit parce que l'on a faim ou sommeil, soit par ennui ou par fatigue; p. ext. s'ennuyer, avoir sommeil : 1. Je n'ai jamais vu l'hôtel de Bourgogne aussi brillant : une aussi belle réunion méritait une meilleure pièce; c'était à qui bâillerait au parterre, et à qui dormirait dans les loges.
Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 2, 1812, p. 7. 2. Qui me rendra les sons de la cloche qui sonnait hier, au crépuscule, et le gazouillement des oiseaux qui chantaient ce matin dans les chênes! Et pourtant je m'ennuyais au coucher du soleil et je bâillais de fatigue à son aurore!
Flaubert, La 1reÉducation sentimentale,1845, p. 180. 3. ... le capitaine se rendait à ces petites soirées provinciales avec le même empressement qu'il eût mis à se rendre chez le dentiste, restait souriant et silencieux, et s'en allait, de cinq minutes en cinq minutes, bâiller d'ennui à la fenêtre.
Courteline, Le Train de 8 h 47,1888, 1repart., 5, p. 57. SYNT. Bâiller d'ennui, de fatigue; bâiller à se décrocher la mâchoire; s'étirer et bâiller; bâiller et dormir. B.− P. anal. Être mal joint, s'entrouvrir, être béant. 1. [En parlant d'une chose] :
4. L'étoffe bâillant sur ses épaules, enveloppait d'ombre son visage, et l'on n'apercevait que les flammes de ses deux yeux.
Flaubert, Salammbô,t. 1, 1863, p. 16. 5. La porte en était vieille, comme toutes celles de la maison, et, si le panneau était encore solide, les jointures bâillaient, et les gonds étaient branlants.
Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 38. 2. [En parlant d'un animal] :
6. Il voit venir à lui des crabes aux pinces crochues, (...), de grandes huîtres qui bâillent en faisant crier la charnière de leurs coquilles, ...
Flaubert, La Tentation de st Antoine,1849, p. 406. − Arg. Avoir la moule qui bâille. ,,Se dit d'une femme suprêmement excitée`` (Sandry-Carr. 1963). PRONONC. : [bɑje], (je) bâille [bɑ:j]. Antérieurement à Passy 1914, les dict. indiquent que le l est mouillé, à l'exception de Land. 1834, Besch. 1845 et DG. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1120 intrans. bäaillier « bâiller » (ici sous l'effet de la faim) (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. Walberg, 1944 ds T.-L. : Cetus at tel nature Que quant il volt mangier Cumence a bäaillier); d'où 1666 « s'ennuyer » (Boileau Satire 3, 179 : Et je ne sais pourquoi je bâille en la lisant [La Pucelle]; forme bâiller dans la lexicographie à partir de Fur. 1690; av. 1848 trans. bâiller sa vie « traîner dans l'ennui » (Chateaubriand ds Lar. 19e); 2. 1678-79 p. anal. « être ouvert, mal fermé » (La Font., VIII, 9 ds Rob. : Parmi tant d'huîtres toutes closes. Une s'était ouverte, et, bâillant au soleil, ... D'aussi loin que le rat voit cette huître qui bâille : Qu'aperçois-je? dit-il; c'est quelque victuaille); 1835 (Ac. : Bâiller [...] Cette étoffe, cette dentelle bâille. Elle n'est pas assez tendue).
Empr. au lat. vulg. batac(ŭ)lare « bâiller » conservé par les gloses du xes. (Excerpta ex Codice Vaticano 1468 ds Goetz, CGL t. 5, p. 492, 46), issu de batare attesté aux viiie-ixes. au sens de « bâiller » (Goetz, op. cit., t. 5, p. 347, 50, Collectio amploniana à Erfurt Glossarium ampl. primum); dér. de bat- onomat. imitant le bruit du bâillement. Le fait que bâiller est dès l'a. fr. fréquemment attesté au sens de « soupirer après qqc. » (Énéas, éd. Salverda de Grave, 1231 ds T.-L.) a prob. contribué à sa confusion et à son interchangibilité avec bayer* (a. fr. baer, baier) 1668 (La Font. II, 13 ds Rob. : Outre la vanité de son art mensonger, c'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères) puis à la disparition quasi totale de celui-ci. STAT. − Fréq. abs. littér. : 987. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 706, b) 1 562; xxes. : a) 1 893, b) 1 615. DÉR. Bâilleur, euse, subst.Celui, celle qui bâille. ,,Le bâilleur stupéfait, bredouillait parfois une excuse, parfois épouvanté se levait en hâte, tirait la ficelle et quittait la voiture`` (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Notaire du Havre,1933, p. 118).− [bɑjœ:ʀ], fém. [bɑjø:z]. − 1reattest. 1694 (Ac.). − Fréq. abs. littér. : 2. BBG. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 26. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 177. |