| BUÉE, subst. fém. A.− Vx ou région. Lessive. Tu ne feras pas la « buée » des couvertures de laine, c'est trop lourd à tordre (Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 10): 1. On alla jusqu'à sonder les gros paniers de blanchisseuses emportant leur linge sale à l'extérieur pour faire leurs buées...
J. de La Varende, Cadoudal,1952, p. 296. B.− Vapeur d'eau. 1. Vapeur d'eau dégagée par une substance humide plus chaude que l'air ambiant : 2. Le long des bâtiments s'étendait un large fumier, de la buée s'en élevait, et, parmi les poules et les dindons, picoraient dessus cinq ou six paons, ...
Flaubert, Madame Bovary,t. 1, 1857, p. 14. − P. métaph. [En parlant de choses vagues ou imprécises] Ses beaux yeux égarés brillent comme des globes de feu et ses rares cheveux nimbent son crâne de buée (Sartre, La Nausée,1938, p. 53);une buée légère de coudriers et de saules, au-dessus d'un gazon d'un vert noir et merveilleux (Gracq, Un Beau ténébreux,1945, p. 131). ♦ Au fig. : 3. ... Pierrot pensait à la mort de Louis XVI, ce qui veut dire, singulièrement, à rien de précis; il n'y avait dans son esprit qu'une buée mentale, légère et presque lumineuse comme le brouillard d'un beau matin d'hiver, qu'un vol de moucherons anonymes.
Queneau, Pierrot mon ami,1942, p. 22. 4. Autour de lui [Mathieu] c'était pareil : il y avait des gens qui n'existaient pas du tout, des buées, et puis, il y en avait d'autres qui existaient un peu trop.
Sartre, L'Âge de raison,1945, p. 178. − P. ext., littér. Brume, brouillard. Une légère buée blanche d'automne flotte sur les maisonnettes (P. Loti, Japoneries d'automne,1889, p. 233). − En partic. Vapeur d'eau qui se dégage du pain pendant la cuisson. Rem. Attesté dans la plupart des dict. généraux. 2. Vapeur d'eau qui se dépose sur un corps froid (par exemple une vitre) par condensation. La buée qui se condense sur la tôle du wagon (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 122): 5. Elle allait parfois à un des carreaux de la porte, enlevait de la main la buée, regardait ce que devenait le quartier par cette sacrée température; mais pas un nez ne s'allongeait hors des boutiques voisines, ...
Zola, L'Assommoir,1877, p. 544. − P. métaph., littér. : 6. ... je trouve la verve de Coppée bien vieux jeu, et son teint plus grisâtre, et plus marquée encore la buée qu'il semble avoir sur les yeux.
E. et J. de Goncourt, Journal,1890, p. 1135. PRONONC. : [bɥe]. Également [bye]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Entre 1219 et 1226 « lessive » au fig. (Hist. G. le Maréchal, éd. P. Meyer, 8088 : Si'n descouverrai la buée), considéré comme vx ou dial. par la plupart des dict dep. Fur. 1690; repris en 1834 (Balzac, Eugénie Grandet, p. 294) et en 1952 (J. de La Varende, Cadoudal, p. 296); 2. a) 1387 (?) « évaporation » (Hist. de messire Bertrand du Guesclin, escrite en prose en l'an 1387 et nouvellement mise en lumière par M. Claude Ménard, Paris, Nivelle, 1618, p. 422), attest. isolée; réapparu en 1836 (Ac. Suppl.); b) 1782 techn. boulangerie « évaporation de l'humidité de la pâte ou du pain » (Encyclop. méthod. Mécan., t. 1, p. 279a, s.v. boulanger).
Du gallo-rom. *bucata « lessive », v. buer. STAT. − Fréq. abs. littér. : 429. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4, b) 643; xxes. : a) 975, b) 889. BBG. − Lew. 1960, p. 79. |