| BRUINE, subst. fém. A.− Petite pluie, très fine, habituellement froide, qui résulte de la condensation du brouillard. Synon. crachin.Une bruine tombait, plus froide et plus pénétrante que la pluie (A. France, Crainquebille,1904, p. 50). − P. anal. [Le nourrisson] éternuait en chat et lançait aux dames une bruine blanche (G. d'Esparbès, Le Roi,1901, p. 24): 1. En caleçon, leurs vêtements sous le bras, ils courent jusqu'au tuyau d'arrosage; ils jettent leurs vêtements sur une toile de tente, en font un paquet imperméable, se douchent sous la bruine.
Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 251. B.− P. métaph. 1. [P. anal. d'aspect] − [L'accent est mis sur la couleur] :
2. ... la lune s'est levée toute pure, tout irradiée. (...). Un ruissellement laiteux, une bruine lumineuse tombe d'elle.
Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 125. ♦ Poét. Couleur de bruine. De pluie. Ses yeux gris de bruine légère, froids et durs (A. de Noailles, La Nouvelle espérance,1903, p. 76). − [L'accent est mis sur l'opacité] :
3. Pendant un long moment, nous cessâmes tous deux [Tripet et Breugnon] de parler, si ce n'est in petto, c'est-à-dire du cœur et des mâchoires, à un petit salé aux choux... Dessus, rouge chopine, pour éclaircir la bruine que j'avais sur les yeux; car manger et non boire, comme disent nos vieux, c'est aveugler, non voir.
R. Rolland, Colas Breugnon,1919, p. 97. 2. [Pour évoquer un état d'âme (ennui, tristesse, etc.)] :
4. Ah! cette pluie en nous! C'est comme une araignée
Qui tisse dans notre âme avec ses longs fils d'eau
Inexorablement une toile mouillée!
Sans cesse cette pluie à l'âme, ce brouillard
Qui se condense et fond en bruines accrues;
Comme on a mal à l'âme, et comme il se fait tard!
Et l'âme écoute au loin pleuviner dans ses rues...
Rodenbach, Le Règne du silence,1891, p. 179. PRONONC. ET ORTH. : [bʀ
ɥin]. Diérèse dans Fér. 1768 (bru-i-ne), Land. 1834 et Littré. Cf. aussi DG dans le cas de la poésie; synérèse dans Fér. Crit. t. 1 1787, Fél. 1851, DG (dans le lang. cour.) et dans les dict. mod. Lar. 19eet Nouv. Lar. ill. : ,,On dit aussi brouine.`` Cf. aussi Balzac, Un Drame au bord de la mer, 1835, p. 188. Littré : ,,On a dit aussi bruin au masc.`` ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1130 broïne « brume, brouillard épais » (Couronnement Louis, 2303 dans T.-L.); 1180-1200 brüine (Aliscans, 21, ibid.); 2. 1538 « pluie fine et froide résultant de la condensation du brouillard » (Est.); 3. 1549 « carie des blés » (Est.).
Du lat. class. prŭina « gelée blanche » (v. pruine) avec prob. infl. de brūma (brume*) pour le b- initial et le vocalisme. Contrairement aux indications de FEW t. 9, p. 490b et Bl.-W.5, il ne semble pas que bruine ait signifié « gelée blanche » en a. fr. et m. fr., cf. cependant l'ital. brina « gelée blanche » et a. prov. bruina « id. » (Pt Levy) de même origine. Étant donnée l'existence des corresp. ital. (REW3, no6796) qui ne peuvent remonter qu'à pruina, l'hyp. d'un rattachement à brouée (EWFS2, 2ehyp., Dauzat 1968) est à écarter (cf. v. Wartburg, v. bbg.). STAT. − Fréq. abs. littér. : 74. DÉR. Bruinasse, subst. fém.Synon. péj. de bruine.La bruinasse lessive les parmélies le long des troncs (H. Bazin, La Mort du petit cheval,1949, p. 67).− 1reattest. 1949 id.; dér. de bruine, suff. -asse*. BBG. − Wartburg (W. von). Glanures étymol. R. Ling. rom. 1960, t. 24, p. 285. |