| BRODERIE, subst. fém. A.− Travail d'ornementation exécuté à la main ou à la machine, et consistant à passer des fils (de coton, soie, or, argent ou laine) à l'aide d'une aiguille ou d'un crochet sur un tissu marqué d'un dessin; résultat de ce travail; faire de la broderie (cf. aiguillette2ex. 4, arachnéen ex. 3) : 1. ... les chapes et les étoles jettent des paillettes de feu, à mesure que les génuflexions de l'officiant font miroiter les broderies damasquinées d'or; ...
Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de M. F.-T. Graindorge, 1867, p. 194. 2. On distingue deux sortes de broderies : la broderie blanche ou plutôt la broderie sur blanc, car elle peut s'exécuter avec des fils de couleur, et la broderie de couleur ou de fantaisie. La broderie sur canevas relève de la tapisserie. La broderie sur blanc comprend différents genres d'exécution, dont les principaux sont la broderie en relief, comme le feston, le plumetis, et la broderie ajourée qui comprend un grand nombre de variétés (renaissance, richelieu, colbert, vénitienne, madère, etc.); la broderie de couleur est faite sur un tissu quelconque avec toutes espèces de matières et différentes sortes de points. Elle comprend la broderie au passé, la broderie d'or qui peut être faite en différents fils de métal et la broderie application.
Lar. comm.1930. 3. Bonne-maman réussit à m'intéresser à la tapisserie et à la broderie sur filet : il fallait asservir la laine ou le coton à la rigueur d'un modèle et d'un canevas, et cette consigne m'accaparait assez; je confectionnai une douzaine de têtières et recouvris d'une tapisserie, hideuse, une des chaises de ma chambre.
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 69. SYNT. Broderie délicate, fine, appliquée, couchée, plate, relevée, mécanique; riche broderie; broderie de laine, d'or, de soie; broderie de cannetille, en lame, au plumetis, sur tulle; broderie à l'aiguille, au crochet, à la main, au métier; de chenille et de soie; broderies sur tulle; bandes de broderie, des entre-deux de broderie, des habits chamarrés de broderies. − P. méton. Industrie et/ou commerce de la broderie. Tenir un établissement de broderie (Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 28).Vers le XVIesiècle, la broderie prit de l'importance à Venise (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, Lar. encyclop.). − P. anal. ou métaph. Tout ce qui évoque une broderie : ornements délicats et ajourés, entrelacs, etc. ♦ [En parlant de travaux d'art] Le linteau et son tympan (...) une délicate broderie de pierre (T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1963, p. 321);la broderie d'un bas-relief : 4. − Les cieux sont de vair, et la terre est recouverte d'une broderie. Chaque chemin d'herbes foulées sous la gelée blanche est comme une traîne lamée, chaque buisson, une rayonnante orfèvrerie!
Claudel, Tête d'Or,1reversion, 1890, p. 119. ♦ Rare. [En parlant de l'écriture, de la signature; cf. brodeur, sens arg.] Il couvre tout de sa broderie, et légalise les actions qu'il ordonne (Balzac, Le Père Goriot,1835, p. 184);de la broderie de jolies phrases (J. Rivière, Correspondance[avec Alain-Fournier], 1905, p. 71): 5. Mais ç'avait été Albertine; et entre la satisfaction de mes besoins de tendresse et les particularités de son corps un entrelacement de souvenirs s'était fait si inextricable que je ne pouvais plus arracher à un désir de tendresse toute cette broderie des souvenirs du corps d'Albertine.
Proust, La Fugitive,1922, p. 556. B.− Au fig. 1. Circonstances, détails parfois imaginés que le narrateur ajoute à son discours pour l'embellir. Il y a de la broderie, un peu de broderie à ce que vous dites (Ac.1798-1932);la broderie de ses médisances (Balzac, Les Secrets de la princesse de Cadignan,1839, p. 360);[si on] eût introduit ensuite toutes ces broderies dans le corps de l'histoire (Sainte-Beuve, Portraits contemporains,t. 3, 1846-69, p. 450). Rem. Cet emploi, proche de l'emploi métaph., et plus rare que l'emploi verbal correspondant (cf. broder B). 2. Emplois techn. a) HORTIC. ,,Il se disait des garnitures de buis nains qui marquaient les contours des parterres, dans les anciens jardins français`` (Ac. Compl. 1842). Rem. Attesté encore dans Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, Lar. encyclop. b) MUSIQUE − Ensemble de notes, variations souvent improvisées par l'exécutant qui s'ajoutent au thème principal. Synon. fioritures.La fine broderie des violons (J.-G. Prod'homme, Le Cycle Berlioz,t. 1, 1896, p. 95). − [En harmonie]Note immédiatement voisine d'une note intégrante d'un accord qui revient sur cette note réelle. ,,(...) la B[roderie, ornement mélodique] est dite inférieure ou supérieure, diatonique ou chromatique; elle se pose sur l'un des degrés voisins du son principal appelé « note brodée »`` (M. Brenet, Dict. pratique et hist. de la mus., 1926, p. 43). Rem. Le 1eremploi est attesté par Ac. 1835-78, Besch. 1845, Lar. 19e, Pt Lar. 1906, Littré, DG; le 2eemploi par Lar. encyclop., Quillet 1965. PRONONC. : [bʀ
ɔdʀi]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1270-1300 (Ordonnances sur commerce et métiers dans E. Boileau, Métiers, éd. G.-B. Depping, 380 dans T.-L. : le mestier de brouderie); 1393 broderie (Ménagier, I, 121, ibid.); 2. 1690 (Fur. : Broderie, se dit aussi figurement des embellissements qu'on donne à des contes & à des histoires, & le plus souvent aux depens de la vérité).
Dér. de broder*; suff. -erie*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 515. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 617, b) 1 246; xxes. : a) 777, b) 527. BBG. − Rommel (A.). Die Entstehung des klassischen französischen Gartens im Spiegel der Sprache. Berlin, 1954, p. 7, 11, 188. |