| BOUILLABAISSE, subst. fém. A.− ,,Soupe provençale composée de poissons divers et de crustacés cuits à l'eau salée avec persil, ail, safran, laurier, huile et tomates`` (Lasnet 1970). Pour être bonne, la bouillabaisse doit être menée à grands bouillons, sans interruption (Lasnet1970) : 1. On n'a pas idée des excentricités mal élevées de ces folles, et aujourd'hui que la Princesse a fait venir une bouillabaisse de Marseille, la femme Lippmann va, avec toutes sortes de gamineries et de gestes de toquée ne manquant pas de grâce, souffler l'ail de bouillabaisse dans la figure des gens de sa connaissance.
E. et J. de Goncourt, Journal,1889, p. 961. − Arg., péj. Boue (cf. Bruant 1901, p. 68).Déambuler comme dans la bouillabaisse des zones (Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 415). B.− Au fig., fam. ou pop. Mélange hétéroclite de personnes, d'idées, de choses. Faire de la bouillabaisse. ,,Arranger confusément des choses ou des idées`` (A. Delvau, Dict. de la lang. verte, 1867, p. 53); grotesque bouillabaisse de pieds, de torses et de mains (L. Daudet, Vers le roi,1920, p. 214) : 2. Aujourd'hui surtout, il n'eût point fait ce pas de clerc; alors qu'il est sérieusement question pour lui de piquer un portefeuille, dans l'étrange bouillabaise [sic] où nous barbotons depuis vingt-quatre heures.
De Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 337. PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [bujabεs]. Durée longue sur [ε] ouvert dans DG, Passy 1914 et Warn. 1968 (à ce sujet cf. abaisser). 2. Forme graph. − À partir de Ac. 1878 les dict. donnent uniquement la forme bouillabaisse. Guérin 1892 cependant consacre encore une vedette de renvoi à la var. bouille-à-baisse enregistrée dans Besch. 1845 et admise à côté de bouillabaisse dans Lar. 19eet à côté de bouille-abaisse dans Littré (pour lequel le plur. est inv.). Lar. 19eadmet également cette dernière forme. ÉTYMOL. ET HIST. − Vers 1835-40 masc. bouille baïsse (Pons de L'Hérault, Mémoires dans Quem.); 1840 fém. bouille-abaisse (Mérimée, Colomba, p. 7); 1845 id. bouillabaisse (Flaubert, L'Éducation sentimentale, p. 216).
Empr. au prov. mod. boui-abaisso (boulh-abaisso, boulh-abais) attesté chez Chailan (ds Mistral), composé pour le 1erélément soit de la 2epers. du sing. de l'impératif, soit de la 3epers. du sing. de l'ind. prés. du verbe bouie « bouillir », pour le 2eélément de la 2epers. du sing. de l'impér. du verbe abaissa « abaisser » (ou bien : bouie-abaissa, littéralement « bous et abaisse [adressé au mets cuisant dans la marmite] », ou bien : boui-abaissa « elle [la marmite] bout, abaisse-là », parce qu'il ne faut qu'un bouillon pour cuire ce mets); cf. également le titre d'un journal hebdomadaire Lou Boui-abaisso publié à Marseille de 1841 à 1846. Bouille-baisse est empr. à la forme languedocienne boulhobasso (Mistral), composée pour le 2eélément du verbe baissa « baisser ». STAT. − Fréq. abs. littér. : 37. BBG. − Grimaud (F.). Pt gloss. du jeu de boules. Vie Lang. 1968, p. 111. − Pohl (J.). La Maison dans les fr. marginaux. 2. Vie Lang. 1969, p. 148. − Rostaing (C.). Encore deux mots sur Marseille... D'où vient bouillabaisse. Vie Lang. 1953, p. 415. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], pp. 348-349 (s.v. bouillabesse). |