| BAVURE, subst. fém. A.− [P. anal. avec la bave qui coule de la bouche] 1. Liquide débordant de ses contours. Les quais [de la Seine]... noircis par la bavure des égouts (Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 1, 1869, p. 83): 1. Elle [Camille] parlait vite, en grattant d'un ongle aigu aux coins de sa bouche, deux petites bavures de fard rouge.
Colette, La Chatte,1933, p. 4. − P. métaph. : 2. Le fait est qu'il faut manger, mais non pas trop, et qu'il faut partir en guerre pour quelque chose, mais non pas trop; et enfin honorer l'esprit en ses pénibles victoires, car c'est là qu'il est esprit. C'est pourquoi l'équilibre, le difficile équilibre, est ce qui m'intéresse dans un homme; et non point la bavure. Bavure d'amour, bavure de gloire, bavure de raison, c'est tout un.
Alain, Propos,1920, p. 1143. 2. IMPR. ,,Macule dans une impression, dans une épreuve d'imprimerie, dans une empreinte, etc.`` (Nouv. Lar. ill., Lar. lang. fr.). Synon. bavochure.Spéc. ,,À propos de l'impression sur bande magnétique`` (G. Samuel, Panorama de l'art musical contemp., 1962, p. 632) : 3. Les clichés obtenus sont échopés, ébarbés, rectifiés pour faire disparaître les bavures et les épaisseurs inopportunes.
G. et H. Coston, L'A.B.C. du journ.,1952, p. 179. 3. TECHNOL. (fond., métall., sculpt. etc.). Partie saillante ou trace, laissée sur les objets moulés par les joints des pièces du moule et que l'on doit éliminer. Enlever les bavures (Ac. 1835-1932); enlever les bavures au ciseau (Lar. 19e) : 4. Les bavures de la jonction des deux coquilles s'enlèvent à la lame et paraissent à peine après la cuisson.
A. Brongniart, Traité des arts céramiques,1844, p. 156. 5. Ensuite, il haussa la voix pour donner des explications, il passa aux machines : ... les ébarbeuses, au volant de fonte, une boule de fonte qui battait l'air furieusement à chaque pièce dont elles enlevaient les bavures; ...
Zola, L'Assommoir,1877, p. 536. 6. ... lorsque le fer est à la chaleur voulue, on l'incruste dans le moule en frappant très fort pour qu'il prenne bien l'empreinte, et l'on rapproche les deux parties; on enlève au burin les bavures provenant de la juxtaposition des deux étampes.
Arts et litt. dans la société contemp.,1935, p. 2204. − BÂT. ,,Trace de mortier ou de plâtre laissée sur les bords d'un joint`` (Noël 1968). − P. ext., ARTILL. ,,Saillie de métal produite à la bouche d'une pièce d'artillerie en bronze par les chocs du projectile`` (Littré). B.− Au fig. [En parlant d'une œuvre de l'esprit] :
7. Et puis le naturel de la conversation, que les comédiens prétendent retrouver : ces balbutiements, ces hoquets, ces hésitations, ces bavures, ce n'est vraiment pas la peine de réunir cinq ou six cents personnes dans une salle et de leur demander de l'argent, pour leur en donner le spectacle.
Anouilh, La Répétition,1950, p. 47. ♦ Sans bavures. Irréprochable, net, parfait : 8. ... le Général de Gaulle, sans fausse poésie, sans la moindre sensiblerie, en phrases nettes et sans bavures, a rappelé la vérité française éternelle.
Mauriac, Le Baîllon dénoué,1945, p. 490. SYNT. Une œuvre sans bavure (Arts et litt. dans la société contemp., 1936, p. 3404); spectacle sans bavures (Artaud, Le Théâtre et son double, 1939, p. 66); style sans bavure (Mauriac, Le Baîllon dénoué, 1945, p. 424). PRONONC. : [bavy:ʀ]. ÉTYMOL. ET HIST. − Ca 1300 baavure « bave abondante » (G. de Biblesworth, Traité, éd. Th. Wright, 143 dans T.-L. : Pur sauver ses dras de baavure [...] Festes [à] l'enfaunt une bavere), attest. isolée; 1752 technol. (Trév. : Bavure [...] Petite trace des joints des pièces du moule); 1866 sans bavure « impeccablement » (H.-F. Amiel, Journal intime, p. 34 : En s'habituant à écrire, à composer nettement et sans bavure du premier coup).
Dér. de baver* étymol. 1; suff. -ure*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 55. |