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BAVER, verbe.
I.− Emploi intrans.
A.− [En parlant de pers., d'animaux] Laisser couler de la bave par la bouche; jeter de la bave, en sécréter. Les petits enfants ne font que baver (Ac. 1798-1932); le chien enragé bave beaucoup (Nouv. Lar. ill.) :
1. Et l'escargot sans bruit Rampe et bave; ... M. Rollinat, Les Névroses,1883, p. 142.
2. Il [Gagou] s'est avancé sur la place, du côté des femmes, les bras ballants, la tête en avant comme une marmotte qui danse. Sa lèvre pend; il bave; son menton est huilé de salive. Une grimace qui est son sourire plisse son nez et le tour de ses yeux. Giono, Colline,1929, p. 73.
P. anal. [En parlant d'inanimés, spéc. de liquides qu'on verse ou qui coulent] Ne pas couler droit, couler le long des parois ou se répandre largement en débordant. Le sang ne jaillit pas, il bave (Nouv. Lar. ill., Lar. 19e); un rouge à lèvres qui bave, l'encre a bavé (Rob.):
3. Fink, avec sa brusquerie habituelle, s'éclipse pour commander du champagne. Bientôt un Heidsieck rosé bave dans les coupes. R. Martin du Gard, Devenir,1909, p. 38.
Technique
1. ,,Se dit des tuyaux de plomb d'où l'eau ne coule pas en droite ligne, ou d'un ajutage dont l'eau ne jaillit pas droit. Se dit aussi du métal en fusion quand il ne coule pas droit`` (Jossier 1881). [En parlant des robinets] ,,Ne pas couler en jets francs`` (Quillet 1965).
2. [En parlant de moulages en plâtre, en divers métaux] ,,Présenter des bavures*`` (Quillet 1965).
3. PEINT. (aquarelle). [En parlant d'une teinte trop liquide, etc.] Couler.
B.− Au fig., souvent péj.
1. Baver de qqc.Exprimer de manière visible une émotion, un sentiment fort. Baver d'admiration, d'envie; baver de concupiscence (Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 261):
4. Pour l'affaire Du Paty Du Clam, c'est le pur banquet de l'ignominie, la mainmise du soldat sur l'appareil de justice, avec le consentement de nos grands chefs civils qui bavent de peur. Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 34.
Fam. et pop. En baver.Être astreint à un effort pénible; souffrir, suer de cet effort. N'avoir pas fini d'en baver.
Plus rarement. Faire baver qqn, en faire baver qqn. Lui faire supporter une peine, un travail excessif :
5. Parce qu'au dépôt, vous parlez si on se fait ch... Des sous-off, qui nagent pour ne pas repartir et qui t'en font baver; des marches de jour, des marches de nuit, du service, de l'exercice. Dorgelès, Les Croix de bois,1919, p. 275.
Rem. En indique de façon vague ce dont on s'occupe, et qui est suggéré par le contexte.
2. Arg. Parler, dire (sans idée péjorative), dire des insanités :
6. − On a plus le droit de juger, alors? On est pas dignes? − Tu juges pas, tu baves. Tu baves parce que tu t'es dégonflé. Malraux, L'Espoir,1937, p. 681.
Rem. L'Ac. Compl. 1842 mentionnait un sens qualifié de ,,vx lang.`` « bavarder, parler pour ne rien dire ».
Fam., absol. et plus fréq. dans l'expr. baver sur qqn, sur qqc. Médire, calomnier, souiller par ses paroles. Baver sur le talent, sur la vertu (Nouv. Lar. ill., Lar. 19e); baver sur qqn, sur la réputation de qqn (Ac. 1932) :
7. On pouvait baver sur leur compte, lui savait ce qu'il savait, se fichait du bavardage, du moment où il avait l'honnêteté de son côté. Zola, L'Assommoir,1877, p. 618.
Rem. Sens également attesté dans France 1907.
II.− Plus rare, emploi trans.
A.− [Le compl. désigne un inanimé concr. et fonctionne comme un compl. d'obj. interne] Jeter de la bave, un liquide semblable. Madriers (...) qui bavent de la chaux (Romains, La Vie unanime,1908, p. 181).
Loc., fam. Baver le lait. Être très jeune (G. d'Esparbès, Le Vent du boulet, 1909, p. 89).
B.− Au fig., souvent péj.
1. Fam. et pop. En baver des ronds de chapeau; var. en baver des ronds de citron. Exprimer son étonnement :
8. Ah! alors! ... Gaspard, qui pourtant s'épate pas, il en bavait des ronds d'chapeau! ... parce que... v's savez pas combien qu'il l'paiera : dites voir un peu... Benjamin, Gaspard,1915, p. 152.
Arg. Baver des clignots. Pleurer (France 1907).
2. Parler avec trop d'abondance; médire. Baver sa haine; baver des détails à propos de qqc. avec une profusion de détails qu'elle bavait à propos du corsage. (Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 226).
PRONONC. : [bave], (je) bave [ba:v].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) Début xives. « laisser couler de la bave » (G. de Biblesworth, Traité, 143 dans T.-L. : L'enfaunt bave de nature); b) 1680 p. ext. « ne pas couler droit (en parlant d'un liquide) » (Rich.); c) 1850 « médire, calomnier » (Balzac, Œuvres diverses, t. 2, p. 431 : Au milieu de tout ce bruit, s'agite le factotum de la ville − toute petite ville a son factotum −, homme méchant et réputé délicieux [...] qui bave, mord, déchire, mène la ville par le nez, s'empare du Sous-Préfet); d) 1883 arg. en baver (Larch. Suppl., p. 13 : baver (En). Être ébahi); 1915 id. « souffrir, peiner » (Benjamin, Gaspard, p. 134 : T'en fais pas; tu vas en baver! dit un autre); 2. ca 1450 « bavarder » (Mist. Vieil Testament, éd. Rothschild, 1878-91, XLIV, 46616, VI, 103 : Gournay − Il ne nous fault plus cy baver); sens courant au xvies., se maintient dans les lang. région. et arg. 1754 « bavarder, bredouiller, dire des paroles inutiles » (Boudin, Madame Engueule, p. 24 : Cadet, effrontément. Eh ben, quoi! qu'est que vous bavez, vous [qui vous écriez que je suis tombé dans le ruisseau]?). Dér. de bave*; dés. -er.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 196.
BBG. − Duch. 1967, § 22, 36. − Sain. Lang. par. 1920, p. 363.