| BAVE, subst. fém. A.− Salive. 1. [En parlant gén. des enfants, des vieillards ou de pers. atteintes de certaines maladies (rage, épilepsie, etc.)] Salive épaisse et visqueuse qui sort involontairement de la bouche. Essuyer la bave d'un petit enfant (Ac. 1798-1932); la bave d'un hydrophobe (Ac. 1878-1932); un vieillard à qui la bave tombe le long du menton (Ac.1798) : 1. La crise augmentait, devint terrible. Une bave blanchâtre inondait les lèvres de Jouques. Des gestes nerveux secouaient ses membres, ...
Estaunié, L'Empreinte,1896, p. 298. 2. [En parlant d'animaux] Salive écumeuse rejetée par la bouche; spéc., liquide spumeux formé de salive qui, mélangée à l'air, fait écume et sort de la gueule des chiens enragés. a) Fréq. Salive des ruminants. Des fils de bave pendent à son mufle (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 15);un filet de bave : 2. ... il (...) l'enroulait [le taureau] tout autour de lui en même temps que sa cape, sentant le mufle chaud contre sa main mouillée de bave, car le taureau, chaque fois qu'il chargeait, lui mettait de l'écume quelque part, comme la vague en met sur le rocher.
Montherlant, Les Bestiaires,1926, p. 556. − Souvent péj. Salive des serpents, du crapaud; la bave des serpents étant assimilée au venin (cf. B). Bave venimeuse : 3. Est-ce un vaste remords qui te tourmente? Car, vois-tu, Boa, ta sauvage majesté n'a pas, je le suppose, l'exorbitante prétention de se soustraire à la comparaison que j'en fais avec les traits du criminel. Cette bave écumeuse et blanchâtre est, pour moi, le signe de la rage.
Lautréamont, Les Chants de Maldoror,1869, p. 298. b) P. ext. − [En parlant de certains mollusques : gastéropodes] Sécrétion visqueuse qui leur sert à glisser sur le sol; sécrétion visqueuse de certains poissons : 4. La colère des escargots est-elle perceptible? Y en a-t-il des exemples? Comme elle est sans aucun geste, sans doute se manifeste-t-elle seulement par une sécrétion de bave plus floculente et plus rapide. Cette bave d'orgueil.
Ponge, Le Parti pris des choses,1942, p. 32. − SÉRICICULTURE. ,,Multitude de fils très fins que le ver à soie jette autour de lui avant de commencer son cocon`` (Ac. Compl. 1842). Synon. araignée, bourrette, frison (Lar. 19e) : 5. Pour cela, il jette [le ver à soie] d'une brindille à l'autre un fil replié un très grand nombre de fois qui forme un réseau dans lequel il s'enferme : c'est la bourre, ou « bave », ou « blaze » qui enveloppe le cocon.
L. Doresse, Les Tissus fém.,1949, p. 26. 3. P. anal. [En parlant d'inanimés; de liquides] a) Fréq. [En parlant de l'écume de la mer ou de l'eau courante] :
6. ... Le grand bruit augmentait toujours. (...). Et on sautait toujours d'une lame à l'autre, et, à part la mer qui gardait encore sa mauvaise blancheur de bave et d'écume, tout devenait plus noir.
Loti, Mon frère Yves,1883, p. 133. b) [En parlant de liquides visqueux qui « bavent »] :
7. − Moi, dit le capitaine, j'ai envie d'une omelette, avec des œufs et puis de la bave tout autour.
Giono, Le Grand troupeau,1931, p. 163. B.− Au fig. Propos empreints de haine, de calomnie. Bave immonde (Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 381): 8. Ce public (...) se refuse à reconnaître que la flatterie n'est parfois que l'épanchement de la tendresse et la franchise la bave de la mauvaise humeur.
Proust, Les Plaisirs et les jours,1896, p. 82. − Arg. et pop. Calomnie. Murmurer des baves (G. d'Esparbès, Le Roi,1901, p. 279). PRONONC. ET ORTH. : [ba:v]. Fér. Crit. t. 1 1787 écrit bâve. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) Début xives. [date de composition] beve [Jean Chapuis] Trésor, 239 dans Gdf. Compl.; ca 1460 bave (Villon, Testament, éd. J. Rychner et A. Henry, 1435); b) 1690 p. ext. « liquide gluant que sécrète le limaçon » (Fur.); 1838 (Ac. Compl. 1842 : Bave [...] Multitude de fils très-fins que le ver à soie jette autour de lui avant de commencer son cocon); c) 1840 « propos médisants » (A. Barbier, Iambes et poèmes, p. 18 : la bave du mensonge et de la calomnie); 2. xves. « bavardage, babil » (Moniage Guillaume, prose, éd. G. Schläger, 85, 26 dans T.-L. : Mais or me dy par le dieu ou tu croiz, qui tu es, qui ainssi cuides m'espoventer de baves et de ta venterie) − 1771, Trév.
Prob. empr. au lat. pop. *baba, onomat. exprimant le babil mêlé de salive des petits enfants, d'où l'a. fr. beve; la forme bave aurait été refaite sur baver*. D'apr. Dauzat Ling. fr., p. 225, bave aurait la même orig. que boue et serait empr. au gaul. *baua (gall. baw « saleté »); cette hyp. n'explique pas les formes bab- citées dans REW3no853 et FEW I, p. 194 et 195 (passim). STAT. − Fréq. abs. littér. : 172. BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 225. − Dauzat (A.). Notes étymol. Fr. mod. 1943, t. 11, pp. 34-35. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 273. − Sain. Lang. par. 1920, p. 417. |