| BASCULE, subst. fém. Terme utilisé dans des domaines divers pour désigner de nombreux appareils, mécanismes, effets, etc., dont le mouvement repose sur les lois de l'équilibre avec son jeu d'alternance, d'élévation, d'abaissement et de renversement. A.− Pièce de bois ou de métal mise en équilibre sur un pivot ou autour d'un axe de telle sorte qu'une de ses extrémités soit élevée quand l'extrémité opposée s'abaisse. − Spécialement 1. CIRQUE. ,,Planche basculante utilisée par les troupes de sauteurs`` (Henry Thétard dans Giteau 1970). ♦ JEUX. Cf. balançoire B. − P. métaph., POLIT. Jeu, système de bascule, politique de bascule. Manœuvre qui consiste pour un gouvernement ou un État à maintenir un équilibre des forces entre deux partis, deux tendances politiques, deux États, en s'appuyant alternativement sur l'un ou l'autre des opposants : 1. « Le Directoire crut alors remédier à ces incertitudes, et éviter ces perpétuelles oscillations, en frappant à la fois les deux partis extrêmes, qu'ils l'eussent mérité ou non : s'il faisait arrêter un royaliste qui avait conspiré ou troublé la tranquillité publique, il faisait au même instant arrêter un républicain, n'eût-il rien fait. Ce système s'appela la bascule politique... »
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 755. 2. La politique de bascule qui consisterait, tandis qu'on fait la révision du procès Dreyfus, à frapper l'homme qui l'a rendue nécessaire en découvrant le véritable traître, ne serait plus qu'une odieuse tartuferie dont M. Brisson porterait le déshonneur.
Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 205. ♦ P. anal. : 3. La critique littéraire, comme la politique, a inventé de nos jours je ne sais quel système de balance et de bascule qui consiste à rétrograder après s'être avancé, à défaire après avoir fait.
Sainte-Beuve, Vie et pensées de Joseph Delorme,1829, p. 150. 2. ARTS MÉN. Couteau à bascule. Couteau de table qui repose sur la partie supérieure du manche en saillie de façon que la lame reste relevée et ne touche pas la nappe. 3. TECHNOL. Système de fermeture de portes et de fenêtres, notamment bascule de porte-charretière. − Barre de bois ou de fer tournant sur un boulon passé dans un trou central et dont les extrémités s'engagent dans deux crampons coudés, en fer, placés dans une position inverse l'un de l'autre (cf. Chabat 1881). B.− P. ext. 1. [Bascule implique un principe d'équilibre] a) Objet, appareil, mécanisme établi dans son fonctionnement ou son application sur le principe d'équilibre, qu'il soit réalisé ou rompu. ♦ Balance à bascule ou bascule. Appareil de pesage à plateau à l'aide duquel on mesure la masse d'objets lourds : 4. À peine sortions-nous par le grand portail que derrière la bascule municipale, qui s'adossait au mur de notre préau, partirent d'un seul coup, comme perdreaux surpris, deux individus encapuchonnés.
Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes,1913, p. 133. 5. « Vous êtes un joli neurasthénique, voilà ce que vous êtes », lui dis-je. Savez-vous la raison qu'il me donna pour me prouver que non? C'est que, tandis que tous les malades de l'établissement avaient la manie de prendre leur poids, au point qu'on avait dû mettre un cadenas à la balance pour qu'ils ne passassent pas toute la journée à se peser, lui on était obligé de le forcer à monter sur la bascule, tant il en avait peu envie.
Proust, Le Côté de Guermantes 1,1920, p. 305. ♦ En partic. Pont à bascule. Lorsqu'une gare ou une station fait des expéditions importantes par wagons complets, on y place un pont à bascule sur lequel on pèse le wagon tout chargé (Ch. Bricka, Cours de ch. de fer,t. 2, 1894, p. 294). − CONSTR. Porte-à-faux recherché pour porter dans le vide une partie de paliers d'escalier, de balcon ou de toute autre saillie (cf. Viollet-Le-Duc, Entretiens sur l'archit., t. 2, 1872, p. 60; E. Robinot, Vérification, métré et pratique des trav. du bât., t. 2, 1928, p. 60). b) Recherche d'équilibre. − NEUROLOGIE. Réaction de bascule. ,,Réflexe d'équilibration par déplacement d'une patte privée subitement d'appui et tendant à éviter la chute, chez le Chien et les Mammifères en général`` (Rademaker dans Piéron 1963). − Arg. Avoir les semelles, les souliers, les talons à bascule. Être ivre (Ch.-L. Carabelli, [Lang. pop.]). 2. [Bascule implique un mouvement d'alternance de bas en haut] a) Mécanisme ou appareil dans le fonctionnement duquel entre un mécanisme qui permet un mouvement d'élévation et d'abaissement. − ARM. ,,Pièce centrale d'un fusil basculant, autour de laquelle le canon pivote lorsqu'on ouvre le fusil et contre laquelle il s'applique, retenu par les verrous, lorsqu'il est fermé`` (Burn. 1970). − HORLOG. Levier qui, dans une horloge, est mû par la roue à cheville de la sonnerie et met en mouvement la tringle qui soulève le marteau. − SERR. Bascule de fermeture. ,,Composée de deux verrous entrant l'un dans la traverse du haut, l'autre dans la traverse du bas``. Bascule de loquet. ,,Pièce qui, fixée à l'extrémité de la tige du bouton ou du haut de la boucle d'un loquet à bascule, sert à soulever le loquet`` (Chabat 1881). − TECHNOL. Système de pompe à balancier ou à levier : 6. ... ce qui réjouit encore singulièrement M. Duveyrier, c'est que dans le Paris saint-simonien, on n'entendra que le bruit des marteaux et des haches, le grincement des vis et des scies, le bruit des laminoirs et les battemens cadencés des pompes à bascules.
Musset, Revue des Deux Mondes,1833, p. 606. − P. méton., pop. ou fam. Bascule ou bascule à Charlot. Guillotine : 7. − J'ai vu guillotiner Louis XVI (...) Il ne voulait pas. Dame, écoutez donc (...) Quand on l'a couché de force sur la bascule, qu'on appelle, il n'avait plus ni habit ni souliers...
Hugo, Quatre-vingt-treize,1874, p. 12. 8. Après un coup pareil, te v'là bon pour la bascule à Charlot! ...
A. Le Breton, La Loi des rues,1955, p. 272. b) Mouvement de haut en bas et inversement. − POL. ,,Vote par assis et levé dans une assemblée délibérante`` (Nouv. Lar. ill.). − SP., région. Jeu qui consiste à frapper le derrière de quelqu'un contre le sol. En partic. Donner la bascule. ,,Saisir quelqu'un par les bras et les jambes et le balancer de façon qu'il aille se heurter le derrière contre le plancher ou le sol autant de fois qu'il compte d'années à son anniversaire de naissance`` (Bél. 1957). 3. [Bascule implique un mouvement de va-et-vient] − HORLOG. ,,Pièce intervenant dans un embrayage : bascule de remise à l'heure d'un chronomètre`` (Lar. encyclop.). − MUS. Bascules du positif ou du petit orgue. Réglettes en bois de chêne qui établissent, dans les orgues, la communication entre le clavier du positif et le sommier (d'apr. Lar. 19e) : 9. On peut faire usage [pour le tirage des soupapes de l'orgue] aussi de bascules en éventail...
G. Schmitt, C. Simon, J. Guédon, Nouv. manuel complet de l'organiste,1905, p. 11 (encyclop. Roret). 4. [Bascule implique un mouvement de renversement] a) Appareil dont la forme ou le mécanisme permet un mouvement d'inclinaison ou de renversement. − JOUET, ARTS MÉN. Cheval, chaise fauteuil (à) bascule. − MAR. Mât à bascule. ,,Mât qui peut s'abattre sur l'arrière en pivotant autour d'un axe transversal qui traverse son pied`` (Soé-Dup. 1906). − MINES, TRAV. PUBL., VITIC. Wagons à bascule. Le tombereau à vendange est toujours à bascule (R. Brunet, Le Matériel viticole,1909, p. 174);les wagonnets de terrassement sont des wagons à bascule, contenant jusqu'à trois tonnes de débris (P. Bresson, Manuel du prospecteur1923, p. 364). b) [Mouvement de renversement] − Fait de jeter bas. ♦ Chute, renversement de situation, de régime, etc. : 10. Quant à ceux qui nous gouvernent aujourd'hui (...) au jour de la bascule inévitable, ils ne sauront pas faire rire la France...
Maupassant, Sur l'eau,1888, p. 336. − Arg., pop. Renversement du lit, par force (G. Esnault, Notes complétant le dict. de Delesalle, 1947). Mettre en bascule un lit. ,,Enlever la moitié des barres qui soutiennent la paillasse vers la tête. C'est un des tours que les jeunes gens de la noce jouent volontiers aux mariés, quand ils peuvent découvrir la chambre nuptiale`` (Verr.-On. t. 1 1908, p. 76). − Fait de passer en sens inverse. ÉLECTR. ,,Effet alternatif réalisé dans un basculeur binaire correspondant à l'enregistrement successif d'un zéro, puis d'un un, puis d'un zéro et ainsi de suite`` (Lhoste-Pèpe 1964). Rem. L'expr. faire (la) bascule résume bien l'économie de cet art. puisqu'elle a pour sens à la fois « osciller » (ex. 12) et « se renverser » (ex. 11) et devient dès lors synon. de basculer : 11. C'est sur cette articulation que le bec supérieur s'élève lorsque l'os quarré fait la bascule en avant et qu'il s'abaisse quand cet os fait la bascule en arrière.
Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 3, 1805, p. 63. 12. Les marches rompues et disjointes faisaient bascule sous le pied ou n'étaient retenues que par les filaments des mousses et des plantes pariétaires; sur l'appui de la terrasse avaient crû des joubarbes, des ravenelles et des artichauts sauvages.
Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 3. Prononc. ET ORTH. : [baskyl]. Mart. Comment prononce 1913, p. 38 souligne : ,,on contrarie mal à propos la tendance générale de la langue quand on ferme l'a devant deux consonnes`` (quand on prononce [ɑ] post.) et souligne : ,,MmeDupuis fermait l'a même dans bascule, bastonnade et martyr, malgré les deux consonnes qui le suivent.`` Buben 1935, § 123 rappelle : ,,un s non étymologique, introduit par abus dans la graphie, a prévalu dans la prononciation de : bascule, afr. bacule ... on écrivait bascule ou bassecule d'après. l'adj. bas, basse (parce que la bascule s'abaisse)``. Étymol. ET HIST. − 1. 1466 bacule « système d'élévation utilisant le principe du levier et du contrepoids » (Comptes de Nevers, CC 60, fo13 rodans Gdf. Compl. : Fait une bacule au pont leveiz de Nyevre); 1549 bascule (Est. : Bascule a tirer l'eaue d'un puis qui n'est point fort creux); 2. 1534 bacule « jeu de balançoire utilisant le même principe » (Rabelais, Gargantua, chap. XXII, éd. Marty-Laveaux : Là jouoyt [...] A la bacule); 1690 bascule (Fur.); 3. 1694 « mouvement analogue à celui du levier ou du contrepoids » (Ac. : Bascule [...] Il marchait sur un ais qui a fait la bascule, & c'est ce qui l'a fait tomber); 4. a) 1835 pont à bascule « instrument de pesage » (Ac.); b) 1862 bascule « id. » (Hugo, Les Misérables, t. 1, p. 402 : trouvés morts dans la charpente de la bascule du pesage des voitures à Mont-Saint-Jean).
Bacule, déverbal de l'a.fr. baculer, anc. forme de basculer*. L'étymol. pop. ayant assimilé ba-, du verbe battre, à l'adj. bas* et l'ayant accordé au fém. dans la forme bassecule (O. de Serres, 774 dans Gdf. Compl. : Aucuns se servent de seringues, soupapes, bassecules ... pour remonter l'eau des puits) en raison de la finale fém. de -cule, apr. la chute du e intérieur, le phonème s a continué à être prononcé et a été noté -s- simple (d'apr. Fouché, p. 869). STAT. − Fréq. abs. littér. : 139. BBG. − Duch. 1967, § 30. − Kemna 1901, p. 55. |