| BARON1, ONNE, subst. I.− Subst. masc. A.− HISTOIRE 1. HAUT MOY. ÂGE et FÉOD. Titre commun à la haute noblesse pour désigner un grand seigneur du royaume relevant directement du roi. Haut baron : 1. Le duc d'Orléans, nonobstant les ordres qu'il avait reçus, était venu en personne. Ses frères, les ducs de Berri, d'Alençon, de Bourbon, de Bar, les comtes de Richemont et de Vendôme, plus de quinze autres grands barons du royaume avaient conduit leurs hommes d'armes.
Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 4, 1821-24, p. 63. 2. Je suis vingt-deux fois comte. Mon grand-père avait trois cent mille livres de rente, était gouverneur de Saint-Domingue, général de brigade, et marquis de l'Isle-Adam, près Paris. − J'ai la grande croix de l'Ordre de Malte, et notre titre sous Louis XII, était grands barons de France, qui avaient le pas sur les ducs.
Villiers de L'Isle-Adam, Correspondance,1873, p. 179. 3. Suivi de tous les contingents de la Syrie franque et aussi d'un haut baron récemment arrivé en pèlerinage, le comte de Flandre Thierry d'Alsace, Baudouin alla mettre le siège devant la ville arabe de Chaizar qui commande le cours du moyen Oronte.
Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 184. ♦ Haut baron. Seigneur possédant une des quatre notables baronnies de France (Coucy, Craon, Sully et Beaujeu). ♦ Premier baron chrétien. Chef de la maison de Montmorency dont l'aïeul avait été le premier à prêter serment à Robert le Fort : 4. ... c'était le sire de Montmorency, premier baron chrétien de France, ce qui voulait dire le premier des anciens vassaux de la crosse de Paris.
A. France, Vie de Jeanne d'Arc,1908, p. 82. 2. MOY. ÂGE et HIST. MOD. Gentilhomme (ou celui) qui possède une terre donnant droit à ce titre (cf. baronnie* B) : 5. ruggieri, reprenant. − Nogaret de la Valette, baron d'Épernon, ta faveur passée n'est rien auprès de ce que sera ta faveur future.
A. Dumas Père, Henri III et sa cour,1829, I, 3, p. 127. 6. Et, à droite, ce gentilhomme tout bardé de fer, sur un cheval qui se cabre, est son petit-fils Louis de Brézé, seigneur de Breval et de Montchauvet, comte de Maulevrier, baron de Mauny, chambellan du roi, chevalier de l'ordre et pareillement gouverneur de Normandie, mort le 23 juillet 1531, ...
Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 87. 3. Cour. Noble dont le titre, conféré par le souverain ou reçu en héritage, se situe entre celui de vicomte et de chevalier : 7. − Allons donc? dit Beauchamp, ce mariage ne se fera jamais. Le roi a pu le faire baron, il pourra le faire pair, mais il ne le fera point gentilhomme, et le comte de Morcerf est une épée trop aristocratique pour consentir, moyennant deux pauvres millions, à une mésalliance. Le vicomte de Morcerf ne doit épouser qu'une marquise.
A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 573. B.− P. anal. Homme puissant ou important. 1. [Homme puissant ou important] Par sa richesse ou sa situation sociale. Baron de la finance : 8. Voici un instituteur primaire à qui le budget n'assure que cent écus, un digne curé qui doit se contenter de mille francs, sur lesquels il prélève la part du pauvre! Et un bonnetier, dans l'exercice de ses fonctions sociales, percevra cent fois autant qu'un président de tribunal, cent vingt fois autant qu'un curé, cinq cents fois autant qu'un instituteur primaire. (...). J'étais donc un des hauts barons du commerce de détail et de demi-gros. On ne se rend pas suffisamment compte de la puissance qui s'attache à cette fonction.
Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 158. 2. Vieilli. [Homme puissant ou important] Par son influence ou les pouvoirs que lui donne la loi. a) Saint : 9. Certes, aux champs de l'espace, en ces combats étranges,
Que les noirs Séraphins livrèrent aux Archanges,
Cet écu fut gagné par un Baron du ciel;
...
Hérédia, Les Trophées,1893, p. 145. b) Mari : 10. − Chasseur, j'en sais une aussi tendre.
Je ne veux pas perdre mon temps.
Pour la dire apprends l'aventure
Du spectre d'un baron jaloux,
Entraînant à sa sépulture
La beauté dont il fut l'époux.
Ce récit, quand la nuit est noire,
Fait frissonner les assistants.
Béranger, Chansons,t. 3, Le Chasseur et la laitière, 1829, p. 189. 3. Arg. Compère d'un escroc; voleur : 11. Le camelot (...) a le plus souvent besoin d'un langage-code incompris du « trêpe » pour donner des indications aux barons, c'est-à-dire aux compères.
A. Breffort, L'Œuvre,25 janv. 1937, p. 2, col. 1. II.− Subst. fém. A.− Anc. Femme noble qui possédait une terre donnant droit à ce titre (cf. baronne* B). Rem. Attesté dans les princ. dict. du xixeet du xxesiècle. − Rare. Épouse ou veuve de baron (cf. supra A 3); femme noble ayant reçu ce titre par analogie avec celui d'un baron : 12. Je nommerai Madame de Makau baronne, puisque tu le désires, et ferai tes autres commissions.
Napoléon 1er, Lettres à Joséphine,1809, p. 195. B.− Épouse d'un baron (cf. supra A 2, 3) : 13. Je confesse, avant tout, que je n'ai pas le droit de désigner Janthe par son nom de baptême. Si je la traite si familièrement, c'est que ce nom est le seul qui lui reste de tous ceux qu'elle a portés. Elle a pris et perdu successivement le nom de lady E, de baronne F et de comtesse T; et, quoique le comte T, le baron F et lord E soient vivants tous les trois, Janthe aujourd'hui s'appelle Janthe, et rien de plus.
About, La Grèce contemporaine,1854, p. 94. C.− Au fig. : 14. Seuls les curés des paroisses riches peuvent permettre aux précieuses baronnes de l'usure ou aux belles vicomtesses de Gomorrhe, de prendre leur chocolat avant la communion.
Bloy, Journal,1905, p. 287. Prononc. : [baʀ
ɔ
̃], fém. [-ɔn]. Également [bɑ
ʀ
ɔ
̃]. V. à ce sujet Fouché Prononc. 1959, p. 85 : ,,l'[ɑ] ne fait que se survivre dans baron, (...), il en est de même des dérivés``. Étymol. ET HIST.
Baron I. − Ca 1100 ber cas suj. « homme brave, valeureux » (Roland, éd. Bédier, 430 : Iço vus mandet Carlemagnes li ber), seulement en a.fr.; désigne les saints, baron cas régime (Ibid., 3685 : Desur l'alter seint Sevrin le baron Met l'oliphan plein d'or e de manguns); fin xiies. désigne l'époux (Flore et Blanche flor, 2evers. 792, du Méril dans Gdf. : Sa feme et s'espose et s'amie D'une des costes del baron Faistes a vostre faiçon), sens conservé en pic. (Cotgr.), noté également de Fur. 1690 à Trév. 1771, encore dans Montesquieu (Littré).
II.− a) xes. « grand seigneur du royaume » (St Léger, v. 49-54 dans K.-J. Hollyman, Le Développement du vocab. féod. en France pendant le Haut Moy. Âge, Paris, Minard 1957, p. 127 : Quandius visquet ciel reis Lothiers, Bien honorez fud sancz Lethgiers. Il se fud morz, damz i fu granz. Cio controverent baron franc Por cio que fud de bona fiet, De Chilperig fessissent rei); ca 1100 barun « vassal issu de la haute noblesse » (Roland, 275 : Car m'eslisez un barun de ma marche) − xvies. dans Hug., devenu ensuite terme hist.; b) xiies. dr. féod. « celui qui possède une baronnie et est au-dessous du comte » (Lois de Guillaume, § 16 dans Hollyman, loc. cit. : Li arcevesque averad de forfeiture XL sol. en Merchenelake, e li eveske XX sol. e li queons XX sol. et li barun X sol. e li socheman XL den.); 1454-1458 baron « id. » (Chastellain,
Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, 1864, t. 3, p. 71 : Sy y vinrent au jour ordonné les prélas du pays, samblablement les barons et nobles d'Hollande et Seelande, avecques les bonnes villes en députation notable); 1901 arg. (A. Bruant, Dict. fr.-arg., p. 8 : acolyte... Baron).
Baronne I. − Ca 1300 barone « femme, épouse » (Macé de la Charité, Bible, Richel., 401, fo2edans Gdf. : Quant Adam de dormir leva Et celle joste lui trova, Ceu est, fist il, bien dire l'os, Os qui est formez de mes os Et char de ma char reformee, Icete est barone nomee, Enssit pour voyr la nomeron, Quar el est prise de baron), attest isolée.
II.− 1611 barone « femme de baron, femme possédant une baronnie » (Cotgr.).
Baron I empr. au germ. *baro « homme libre », à rattacher à l'a. nord. berja « frapper, tuer », remontant à la racine i.-e. *bher- « couper, fendre » (De Vries Anord.; IEW, p. 134). Ce mot, introduit dans la Romania par les mercenaires germaniques, est attesté par Isidore (Orig., 9, 4, 31 dans TLL s.v., 1756, 5 : iidem [mercennarii] et barones); il est déjà attesté au sens de « vir » opposé à mulier dans la Loi Salique (508-511, Lex Sal., tit. 37 § 1 sq dans Nierm. : Si quis baronem ingenuum de via sua ostaverit ... Si quis mulierem ingenuam de via sua ostaverit). II empr. au ves., lors de l'invasion de la Gaule du nord, à l'a.b.frq. (sace) baro (sace-, peut-être à rattacher à l'a.nord. saka « accuser, lutter », d'où sace- « litige, procès », les sacebarones étant surtout chargés de la perception des amendes judiciaires, v. De Vries Anord.) attesté dans la Loi Salique au sens de « fonctionnaire subordonné au comte » (Lex Salica, éd. H.O.W. Geffcken, p. 31ds Hollyman, op. cit., p. 123); (sace) baro devenu baro désigna ensuite les nobles du royaume (Capit., anno 856, II, p. 424, 1. 29 dans Nierm. : Cum illustribus viris et sapientibus baronibus [post nomina episcoporum, abbatum, ducum, marchionum, comitum]), les vassaux issus de la noblesse (1038, Miraeus, Opera, I, p. 659, ibid. : Coram baronibus meis [id est : comitis Flandriae]). Le fr. baron, titre de noblesse, supplanta peu à peu dans la France féodale, le sens I et passa dans les autres lang. romanes (REW3, no962).
Baronne, fém. de baron. STAT. − Fréq. abs. littér. : 6 089. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 14 087, b) 11 026; xxes. : a) 5 866, b) 4 437. DÉR. Baronner, verbe trans.,arg. Servir de baron (supra I B 3), de compère à un camelot, à un escroc. Alors, c'est entendu, tu me baronneras ce soir (A. Bruant, Dict. fr.-arg.,1905, p. 119)− 1reattest. 1905 id.; dénominatif de baron1étymol. II, dés. -er. BBG. − Brüch (J.). Bemerkungen zum französischen etymologischen Wörterbuch E. Gamillschegs. Z. fr. Spr. Lit. 1927, t. 49, p. 298. − Brüch (J.). Der Einfluß der germanischen Sprachen auf das Vulgärlatein. Heidelberg, 1913, p. 162. − Duch. 1967, § 47. − Goug. Mots t. 1 1962, pp. 115-116. − Hollyman (K. J.). Le Développement du vocab. féodal en Fr. pendant le haut Moy. Âge. Genève-Paris, 1957, p. 89; pp. 127-129; 134-135, 149-151. − Pope 1961 [1952] § 25, 31, 86, 756, 793, 800, 1232. − Sain. Lang. par. 1920, p. 233. |