| BALAI, subst. masc. A.− Ustensile de ménage servant au nettoyage, composé d'un long manche auquel est fixé un faisceau de brindilles, de feuilles ou plus généralement une brosse de crin, de soies, de nylon, etc. : 1. ... Justine m'intéressait par ses façons guerrières et parce que toutes ses entreprises domestiques prenaient le caractère d'une lutte incertaine et terrible. Lorsque, armée de son balai et de son plumeau, elle disait avec force : « Faut que j'aille faire le salon, » je l'accompagnais attentif.
A. France, Le Petit Pierre,1918, p. 213. SYNT. Balai de bouleau, de bruyère, de chiendent, de crin, de genêt, de jonc, de paille, de palmier; balai automatique, mécanique; balai à laver ou balai-brosse; balai à vaisselle, à franges; armoire, placard aux balais. − Locutions 1. Coup de balai. a) Balayage rapide et superficiel. b) Au fig. Changement brusque faisant place nette : 2. J'ai eu moi-même de vagues échos de la grande terreur des années 1898 et 1899 (par ma mère et aussi par ma marraine qui emplissait sa baignoire d'eau potable en prévision d'une grève générale qui n'eut jamais lieu). À cette époque on redoutait le coup de balai anarchiste.
Green, Journal,1935-39, p. 213. ♦ En partic. Licenciement de personnes jugées indésirables ou reconnues inaptes à effectuer un travail quelconque. Les coups de balai font de la place (Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 560). ♦ MAR. Coups de balai. ,,... Succession d'éclats et d'occultations d'un phare`` (Gruss 1952). ♦ Arg. Descente de police. (...) où passe (...) ce coup de balai qu'on nomme une descente de police (Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 166). 2. Manche à balai. a) Bâton qui permet de tenir le balai. ♦ En partic. Manche à balai ou balai. Monture symbolique que sorciers et sorcières enfourchaient pour se rendre au sabbat : 3. ... il est impossible que dans un balai il n'y ait pas quelques brins qui se croisent; et alors voilà une croix faite; et alors comment voulez-vous que des sorcières puissent s'en servir? (...) Je me tirai d'affaire en disant qu'il y avait balais et balais. Qu'une sorcière montât sur un balai de bouleau, c'est ce qu'il était impossible d'accorder, mais sur un balai de genêt dont les brins sont droits et raides, sur un balai de crin, rien de plus facile. Tout le monde comprend sans peine qu'on peut aller au bout du monde sur un tel manche à balai.
Mérimée, Mosaïque,1833, p. 329. ♦ AVIAT. ,,Levier (...) relié aux organes de stabilité longitudinale et latérale [d'un avion], et dont les inclinaisons à droite ou à gauche provoquent les mêmes inclinaisons de l'avion`` (Lar. encyclop.). b) P. métaph. [Surtout en parlant d'une femme] Personne très maigre : 4. La demoiselle était mûre comme une nèfle qu'on a oubliée sur de la paille. Elle avait au moins trente-six ans et elle en paraissait bien quarante. Un joli manche à balai à mettre dans un lit! Une dévote qui portait des bandeaux plats! Une tête si usée, si fade, qu'elle semblait avoir trempé pendant six mois dans de l'eau bénite!
Zola, Son Excellence E. Rougon,1876, p. 103. c) Raide comme un manche à balai. Sans souplesse physique ou intellectuelle : 5. J'ai honte de ma dernière lettre qui était bien peu intéressante. Mais le physique en ce moment triomphe de l'esprit. Ce matin j'ai fait très bien une lourde marche. Je suis content de moi à cet égard. Mais l'esprit est raide comme un manche à balai.
J. Rivière, Correspondance[avec Alain-Fournier], 1910, p. 240. 3. Vx. Rôtir le balai. a) Être réduit, faute de bois, à brûler le balai pour se chauffer. b) Au fig. Mener une vie misérable, végéter dans la médiocrité. − P. ext. Mener une vie de débauche et de désordre : 6. − Celui-là, c'est autre chose. C'est un homme du monde... de province, honorable... jusqu'à un certain point... mais seulement un peu brûlé... pour avoir trop rôti le balai...
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Yvette, 1884, p. 527. 4. Vx. Faire balai neuf. [En parlant de domestiques] Faire un travail très soigné dans les premiers jours de l'entrée en service. 5. Balai de l'estomac. Aliment très digeste et laxatif comme les épinards, les radis, etc. : 7. Il ajoutait encore que c'était une faute de manger des radis au commencement du repas, qu'il fallait les manger entre tous les services; et comme cela, le radis était un vrai précipitant de la digestion et le meilleur balai de l'estomac.
E. et J. de Goncourt, Journal,1882, p. 142. B.− P. anal. 1. Emplois spéc. ou techn. − AUTOMOB. Balai d'essuie-glace. Languette de caoutchouc qui essuie les gouttes d'eau tombant sur le pare-brise d'une voiture. ... le balai de l'essuie-glace débordé par sa tâche (Colette, La Jumelle noire,1938, p. 154). − BOTANIQUE a) Genêt ou genêt à balai. Servant dans la fabrication des balais, d'où le nom de balaitière pour désigner un champ de genêts. ... quand les fruits des Genêts à balai sont mûrs (L. Plantefol, Cours de bot. et de biol.,t. 1, p. 529). b) Balai de sorcière. ,,Ensemble de rameaux très serrés résultant de l'action de rouille (...) sur le sapin`` (Plais. 1969). − ÉLECTR. ,,Pièce conductrice, chargée d'assurer une liaison électrique entre un organe fixe et un organe tournant`` (Siz. 1968). ... balais de cuivre pour recueillir le courant sur le collecteur (M. Gasnier, Dépôts métalliques directs et indirects,1927, p. 307).Balai graphitique, électrographitique, métallographitique. − ÉLECTRON. ,,Pinceau de fils métalliques qui analyse les perforations ou les marques graphiques d'une colonne de cartes`` (Lhoste-Pèpe 1964). − FAUCONN. et VÉN. Queue d'un oiseau de proie ou extrémité de la queue d'un chien. − MAR. Hisser des balais. ,,En signe de dérision, balais arborés en tête de mât par un voilier qui en dépassait un autre`` (Gruss 1952). Ramasser des balais. ,,S'être laissé doubler par un autre bateau. Provient d'une coutume ancienne qui consistait à jeter de vieux balais à l'eau pour narguer un bateau que l'on avait balayé`` (Barber. 1969) et p. ext. arriver dernier. ... [ils] ramasseront les balais du retour (Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 297). ♦ Balai du ciel. Vent qui dégage le ciel de nuages (d'apr. Jal 1848). Synon. balai du soleil.... puisqu'on l'a nommé le balai du soleil, les deux côtés auraient été nettoyés (Maine de Biran, Journal,1816, p. 172). 2. Argot ♦ ,,Dernière voiture d'omnibus (...), dernière rame de métro (...), ramassant les voyageurs attardés; auto qui suit une course de bout en bout pour recueillir les éclopés (...)(Esn. 1966); jouer les balais, être en queue du peloton`` (Esn. 1966); voiture-balai, destinée à recueillir les coureurs qui abandonnent la course [dans le Tour de France] (cf. Gilb. 1971, s.v. voiture). ♦ Donner du balai. Mettre quelqu'un à la porte. ♦ Ramasser les balais (cf. aussi supra B 1 mar.). ,,Rater son coup (...)``. (Esn. 1966) officier de balai, enseigne de balai, de dernière valeur (...)(Esn. 1966); faire balai, ,,rater son coup (...), où balai équivaut à « néant »`` (Esn. 1966). balai de crin, soudé à peau de balles (...)... pour nous aller pieuter à la caserne, c'est peau d'balle, balai d'crin (Courteline, Le Train de 8 h 47,1888, p. 78). C.− Au fig., rare et littér. : 8. Repliez tous les Noirs en laissant, pour adieu,
La flotte, les palais et les cités en feu!
Depuis mon propre toit jusques aux champs d'igname,
Balayez le terrain comme un balai de flamme!
Lamartine, Toussaint Louverture,1850, II, 8, p. 1304. PRONONC. − 1. Forme phon. : [balε]. Enq. : /bale, D/. 2. Homon. : balais, ballet. ÉTYMOL. ET HIST. − Ca 1170 balain « faisceau de genêts » (Rois, éd. Le Roux de Lincy, 282 dans T.-L. : mis peres vus batid de verges delïees, mais jo vus baterai de grandimes balains ki serunt dures e espinus) − Vie de S. Thomas, ibid.; xiiies. balai « ustensile ménager servant à enlever la poussière, les détritus [fig.] » (Rutebeuf,
Œuvres, éd. A. Jubinal, II, 14, ibid. : Balaiz de nostre vanitei, Cribles de nostre concïence).
Orig. celtique. Deux hyp. pour l'emprunt du mot : a) balai serait emprunté au bret. balazn « genêt » d'où par vocalisation balain, balaen (cf. la forme balain de la première attest., provenant d'un texte anglo-norm.); ces formes métathétiques issues de *banatlo > *balatno seraient originaires du bret. du Nord, Léonois, Trégorrois et sud du Vannetais (v. Dauzat dans Fr. mod., t. 7, pp. 343-346; EWFS2. Lebel dans Mém. Commission Antiq. Côte d'Or 1938-39, pp. 512-516). L'évolution sém. « genêt » > « balai » est évidente. Les Bretons ont prob. été les premiers à fabriquer ces objets, puis le mot se serait étendu à toute la France, tandis que les balais auraient été fabriqués avec d'autres matières suivant les ressources des régions (noter l'emploi de balai au sens de « bouleau, tête des jeunes bouleaux » dans Rougé, Le Parler tourangeau, 1912, les branches de cet arbre servant à la confection de balais dans certaines régions); à l'appui de cette hyp. un texte du xiiies. le privilège aux Bretons, cité par Dauzat Ling. fr., pp. 206-207, atteste que le métier de fabricants de balais était si fréquent chez les Bretons qu'ils le considéraient comme un de leurs privilèges de fait sinon de droit. Brüch (ds Neuphilol. Mitt., 1922, t. 23, pp. 90-94) soulève une objection contre cette hyp. : la présence de balai au sens de « genêt » en Berry, Lyonnais, Auvergne et dans le domaine méridional, qui semble exclure un emprunt au bret. (Puitspelu; Jaub. t. 1; Lalanne; F. Brunet, Dict. du parler bourbonnais, Paris, Klincksieck, 1964; v. aussi Roll. Flore pop. t. 4, pp. 91-102); b) balai serait issu du gaul. *banatlo, devenu par métathèse *balatno puis subissant une adaptation de la finale d'apr. les mots lat. en -aium (Brüch, loc. cit., FEW t. 1, p. 233); cette hyp. fait difficulté, la finale n'étant pas clairement expliquée du point de vue phonét. L'explication de la métathèse à l'intérieur du fr. par l'infl. de l'a. fr. baloier « s'agiter, aller çà et là » (Brüch, loc. cit.; v. aussi baller) suppose le sens de « balai » antérieur à celui de « genêt », ce qui infirme l'ancienneté de balai « genêt » dans les dial., qui était justement l'argument le plus solide en faveur de l'orig. gauloise. STAT. − Fréq. abs. littér. : 496. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 274, b) 833; xxes. : a) 1 173, b) 723. BBG. − Alessio (G.). Problemi di etimologia romanza. R. Ling. rom. 1950, t. 17, pp. 28-75. − Alessio (G.). Saggio di etimologie francesi. R. Ling. rom. 1950, t. 17, p. 163. − Brüch (J.). Wortmiszellen. Neuphilol. Mitt. 1922, t. 23, pp. 90-93. − Burguière (P.). Les Végétaux utiles. Vie Lang. 1953, p. 414. − Dauzat Ling. fr. 1946, pp. 203-207. − Gottsch. Redens. 1930, p. 229. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 148. − Lebel (P.). Balai et balayures dans les pat. de la Côte d'Or. Mém. de la Commission des Antiquités du département de la Côte d'Or. 1938/39, t. 21, pp. 512-514. − Pope 1961 [1952], § 532. − Rog. 1965, p. 83. − Stimm (H.). Zu galloromanisch balaier. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1958, p. 797. |