| BAGUETTE, subst. fém. I.− Petit bâton mince et allongé, souvent flexible, servant à des usages variés. Baguette flexible, baguette d'osier, de jonc (Besch. 1845) : 1. Scapin taillait de son couteau une baguette qu'il dépouillait d'écorce et qui devait servir de broche.
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 159. − Fam., p. iron. Ses cheveux frisent comme des baguettes, avoir les cheveux en baguettes. Avoir des cheveux très raides : 2. Il y a le violoniste hongrois Reminy, avec sa tête glabre de prêtre et de diable; il y a son accompagnateur, un petit bonhomme gras et douteux, éphébique et féminin, avec sa tête d'Alsacienne, les cheveux blonds, en baguettes, tombant droit de la raie du milieu de sa tête, ...
E. et J. de Goncourt, Journal,1865, p. 158. A.− Usages cour. 1. COST. Élément complétant certaines tenues officielles, certains uniformes; p. ext. signe de ces fonctions officielles : 3. Ce fonctionnaire, magnifiquement vêtu de drap noir, en culotte noire, en bas de soie noire, à manchettes blanches, décoré d'une chaîne d'argent à laquelle pendait une médaille, cravaté d'une cravate de mousseline blanche très correcte, et en gants blancs; ce type officiel, frappé au même coin pour les douleurs publiques, tenait à la main une baguette en ébène, insigne de ses fonctions, et sous le bras gauche un tricorne à cocarde tricolore. − Je suis le maître des cérémonies, dit ce personnage d'une voix douce.
Balzac, Le Cousin Pons,1847, p. 288. SYNT. La baguette d'un huissier, d'un bedeau (Lar. 19e, Lar. encyclop.). Baguette noire. Celle du premier huissier du roi ou de la reine en Angleterre (Lar. 19e, Lar. encyclop.). Baguette blanche (vx). Sorte de bâton de justice en ivoire que les juges d'un tournoi portaient et qu'ils levaient en signe d'arrêt du combat (cf. Lar. 19e, Lar. encyclop.). − Au fig. a) Emblème de l'autorité du commandement. (Vx) tenir la baguette (Lar. 19e) : 4. Cependant, ceux du Mont des Réformateurs, qui composaient la seigneurie, tenaient ferme la baguette du commandement...
A. France, Le Puits de Sainte Claire,1895, p. 247. b) Mener, commander à la baguette. Mener durement. Obéir, marcher à la baguette. Obéir sans discuter (d'apr. Ac. 1835-1932, Lar. 19e, Littré, Nouv. Lar. ill.) : 5. Vous êtes d'une famille qui aime assez à dominer; et, si j'eusse voulu me laisser faire, on aurait fini par me mener à la baguette.
Leclercq, Proverbes dramatiques,L'Humoriste ou Comme on fait son lit on se couche, 1835, 4, p. 407. Rem. Dans certains de ces syntagmes (obéir à la baguette), il semble qu'en fr. mod. l'image du chef d'orchestre se soit substituée à celle du chef militaire. 2. MAGIE, p. anal. a) Baguette magique, baguette de fée, d'enchanteur. Baguette grâce à laquelle les fées, les enchanteurs sont censés accomplir des enchantements, des sortilèges : 6. ... la baronne contemplait son fils avec complaisance, souriante et sereine comme si elle tenait en son pouvoir la baguette magique qui devait relever les tours de son château et rendre à Raoul la fortune de ses ancêtres.
Sandeau, Mllede la Seiglière,1848, p. 52. − Au fig. Baguette magique, d'un coup de baguette (magique). Bouleversement si extraordinaire et si rapide qu'il paraît surnaturel : 7. Une révolution n'est pas un coup de baguette magique substituant instantanément un ordre nouveau, juste et démocratique, à l'ancien état de choses. C'est une « phase » ayant une certaine durée pendant laquelle le premier devoir est de se maintenir contre l'ennemi intérieur et l'ennemi extérieur, ...
G. Vedel, Manuel élémentaire de dr. constitutionnel,1949, p. 196. − Spéc. Baguette de Circé. Par allusion à un épisode de la mythologie (cf. P. Leroux, De l'Humanité, t. 1, 1840, p. 118). b) Baguette divinatoire. Baguette de coudrier flexible dont se servent les sourciers (cf. Balzac, Louis Lambert, 1832, p. 94). 3. MUS., gén. au plur. a) Baguettes de tambour, de timbale, de tympanon, de tambourin, de psaltérion. Petites tiges de bois dur, terminées par un bout en forme d'olive dont se servent les musiciens pour jouer des instruments à percussion (cf. Louys, Aphrodite, 1896, p. 150).Baguettes d'une grosse caisse (Rob.). − P. ext. Au premier coup de baguette, ils furent sur pied (Ac. 1835-1932), s'armer au premier coup de baguette (Lar. 19e). − Au fig. Baguettes de tambour (cf. I fam.). b) Baguette (de chef d'orchestre). Bâtonnet servant à diriger les musiciens : 8. Cécile commence à jouer. Le piano bâille vers la foule, tel un monstrueux coquillage, et ceux qui sont au ras de la scène voient les doigts de la jeune femme reflétés dans le bois luisant du couvercle ainsi que dans un sombre miroir. Cécile ne regarde pas ses mains. Elle ne regarde pas non plus la baguette du chef d'orchestre. Les yeux de Cécile cherchent, dirait-on, quelque chose dans la pénombre de la salle.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 223. 4. Gén. au plur. [Usages de la table] Baguettes. Paire de petits bâtons minces dont les Asiatiques se servent pour manger et qui remplacent les couverts des Occidentaux. Manger du riz avec des baguettes : 9. ... ils se servent, comme les Chinois, de petites baguettes pour manger.
Voyage de La Pérouse,t. 4, 1797, p. 76. B.− Usages spéc. 1. ARM., vx. a) Techn. Baguette de fusil, de pistolet, d'arquebuse, d'arbalète. Tige de bois ou d'acier qui sert à enfoncer la charge dans des armes anciennes se chargeant par la bouche, ou à les nettoyer : 10. Les voisins ont pu le voir qui chargeait son arme, versant la poudre, bourrant, faisant aller de haut en bas sa baguette dans le canon, assis sur une des marches de son escalier, ...
Ramuz, Derborence,1934, p. 167. b) Au plur. Baguettes ou peine des baguettes, châtiment des baguettes. Châtiment infligé à des soldats, des prisonniers et consistant à les faire passer, les épaules nues, entre deux rangs de soldats qui les frappaient avec des baguettes. Passer, faire passer un soldat par les baguettes (Ac. 1798-1878, Besch. 1845), passer par les baguettes (Lar. 19e); les baguettes de discipline : 11. Je présenterois bien volontiers, je vous l'assure, à Smi, le plan d'une vaste serre, qui seroit établie dans la capitale, et destinée exclusivement à produire le laurier nécessaire pour fournir des baguettes de discipline à tous les bas-officiers de l'armée russe.
J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, t. 2, 1821, p. 12. − Au fig. Être en butte aux coups de langue, aux plaisanteries, aux injures (cf. Lar. 19e). Elle a passé par toutes les baguettes du quartier (Lar. 19e). 2. CHASSE ET VÉN. Bâton qui sert aux fauconniers, à battre les buissons pour faire partir le gibier et à écarter les chiens. II.− P. ext. et anal. de forme A.− Usages cour. 1. ALIM. Baguette (de pain). Pain long et mince d'environ 300 grammes. Acheter une baguette. 2. COUTURE a) Petite ganse qui recouvre la couture d'un pantalon : 12. ... l'original de ce portrait venait d'obtenir une place de conseiller de préfecture, et il s'agissait de remplacer sur son habit la baguette en argent par une petite broderie en soie bleue; ...
Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 5, 1814, p. 122. b) Ornement linéaire vertical sur les côtés d'un bas, d'un gant, d'une chaussette (cf. Rob. Suppl. 1970).Des gants blancs avec baguettes d'or (Renard, Journal,1908, p. 1211). 3. MENUIS., ÉBÉNISTERIE. Moulure de menuiserie qu'on applique sur les tentures, les papiers peints, etc., pour les maintenir ou les rehausser. Poser une baguette. En partic. Baguette d'angle. ,,Tringle en bois, arrondie à l'extérieur, creusée intérieurement et qui s'adapte aux arêtes des murs pour les protéger. La demi-baguette, placée au droit d'une arête, sert souvent d'encadrement par exemple à une embrasure de fenêtre`` (Chabat 1881) : 13. Les murs étaient tendus d'une étoffe gris-perle à reflets de moire encadrée par une mince baguette d'or; ...
Ponson du Terrail, Rocambole,t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 152. − Moulure de menuiserie fournissant des cadres de tableaux, gravures, glaces. Deux grandes gravures... encadrées d'une baguette d'or (Zola, La Curée,1872, p. 513);un secrétaire d'acajou à baguettes de cuivre (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Nos lettres, 1888, p. 1105). − P. anal., CARROSSERIE. Moulure arrondie, ou fausse moulure dessinée sur la caisse d'une voiture avec de la peinture (d'apr. Nouv. Lar. ill.). B.− Usages spéc. 1. ARCHIT. Petite moulure arrondie, simple ou décorée de feuilles de chêne, de laurier, etc. Baguette unie, baguette à rose, à ruban (Lar. 19e). 2. ASTROL. Baguette sidérale. Étroite tablette couverte de signes cabalistiques indiquant le cours des astres et dont se servaient jadis les astrologues. 3. CHIM. ,,Tige de verre pleine pour faire des supports, des agitateurs, etc.`` (Duval 1959). Baguette de verre (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 210). 4. JOAILL. ,,Diamant rectangulaire, taillé à vingt-cinq facettes``(Lar. encyclop.); ,,Lingot d'or ou d'argent réduit à la tréfilière`` (Lar. encyclop.) : 14. Si le brillant n'a que treize facettes sur le dessus et neuf en dessous, on lui dit simple taille ou non recoupé; il existe encore la taille en baguette, en marquise ou navette, en carré, en triangle, etc. Selon la dimension, un brillant peut être pourvu d'un nombre plus grand de facettes allant jusqu'à quatre-vingt, dont chaque groupe porte une dénomination particulière.
A. et N. Metta, Les Pierres précieuses,1960, p. 46. III.− Argot A.− Les baguettes. Les jambes. Mettre les baguettes (mettre les jambes à son cou). S'enfuir (d'apr. Esn. Poilu 1919). Avoir les baguettes. Avoir peur (d'apr. Esn. Poilu 1919). En avoir plein les baguettes. Être excédé à force de marcher (d'apr. Esn. Poilu 1919). B.− Divers. Avoir de la baguette. Avoir de la chance (d'apr. Esn. Poilu 1919). Avaler ses baguettes. Mourir (France 1907). PRONONC. : [bagεt]. Enq. : /baget/. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1510 fig. à la baguette « (commander, faire obéir qqn) d'un seul signe » (Carloix, III, 10 ds Littré : Vous commanderez comme il vous plaira et à la baguette si vous voulez); 1606 baguette (Nicot : Baguette, est une verge longuette et desliée, qu'on porte communément à cheval); 1704 archit. et menuis. (Trév.); 2. 1694 « baguette divinatoire » (Père Menestrier, Des indications de la baguette pour découvrir les sources d'eau, les métaux cachés, les vols, les bornes déplacées, les assassinats, etc. ds Gde Encyclop., p. 1165); 1704 baguette divinatoire (Trév.); 1689 coup de baguette (Sommer, Lex. de la lang. de Mmede Sévigné, t. 1, p. 87 : C'est où Honoré [le maître d'hôtel] triomphe [...] dans l'air du coup de baguette qui fait sortir de terre tout ce qu'il veut).
Empr. à l'ital. bacchetta (Kohlm., p. 30; Wind, p. 192; Brunot t. 2, p. 209; Nyrop t. 1, § 43) « petit bâton » attesté dep. 1348-53 (Boccace, Décaméron, 3-2 ds Batt.). L'ital. lui-même se rattache prob. au lat. baculum « bâton » par l'intermédiaire d'un lat. vulg. *baccus issu de *bacculus (DEI. Devoto). STAT. − Fréq. abs. littér. : 544. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 712, b) 1 032; xxes. : a) 812, b) 621. BBG. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 70. − Tournemille (J.). Au Jardin des loc. fr. Vie Lang. 1959, p. 633. − Wind 1928, p. 192. |