| BÉANT, ANTE, adj. A.− [S'applique à un subst. concr.] Largement, profondément ouvert. Les labours béants fumaient (Ramuz, Aimé Pache, peintre vaudois,1911, p. 58): 1. Il était là, dans son fauteuil, devant ses armoires béantes. Il avait envie d'aller jusqu'au coffre, d'en faire jouer la mécanique et de contempler les bijoux, ...
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 73. − P. métaph. : 2. Les blessures morales ont cela de particulier qu'elles se cachent, mais ne se referment pas; toujours douloureuses, toujours prêtes à saigner quand on les touche, elles restent vives et béantes dans le cœur.
A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 390. 1. En partic. a) [En parlant d'une ouverture naturelle] Gouffre béant (Ac. 1798-1932) : 3. ... quand je regardais d'en-haut cette fosse béante, je sentais puissamment, comme sur l'eau ou du haut d'une tour, l'attraction de la mort...
Michelet, Journal,1839, p. 315. − P. ext. : 4. ... il avait voulu éviter à sa vieille mère les fatigues d'une longue station. Son voisin, le citoyen Brotteaux, l'accompagnait, calme, souriant, son Lucrèce dans la poche béante de sa redingote puce.
A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 72. ♦ ANATOMIE : 5. La coupe de la choroïde ne présente au microscope que les ouvertures béantes des petits vaisseaux qui la composent; ...
Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 2, 1805, p. 401. b) [En parlant de la bouche, des yeux d'une pers. sous l'emprise d'une forte émotion : admiration, curiosité, étonnement, surprise, etc.] :
6. Il [le moine] lève les yeux au ciel, les mains jointes, la bouche béante, en extase.
Hugo, Torquemada,1882, p. 43. 7. Le type restait assis, l'œil béant, la bouche entrouverte. Il avait l'air doux et souriant.
Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 101. 2. P. méton., absol. [S'applique à une pers.] a) [Pour marquer l'avidité] :
8. le chœur. − C'est la loi en effet que les gouttes de sang
Aspergeant la terre amorcent encore
D'autre sang. Les Erinnyes béantes
Par-dessus les premiers cadavres
Exigent un second tour de l'abattoir!
Claudel, Les Choéphores,trad. d'Eschyle, 1920, p. 926. b) [Pour marquer la stupeur, la curiosité, l'admiration, etc.] :
9. Il courut arracher son surplis, il retraversa l'église et s'en alla, dans un tel coup de tempête, que les gens du baptême, laissés ainsi en détresse, n'eurent pas le temps d'ajouter une parole, béants, les yeux écarquillés.
Zola, La Terre,1887, p. 276. 10. C'est plus qu'un héros, je vous dis! C'est un malin et je reste béant et béat.
De voir comme de mieux en mieux il sait profiter de l'occasion, ...
Claudel, Poésies diverses,Paul Petit, 1952, p. 856. Rem. À propos de l'ex. 10, noter le rapprochement − et parfois la confusion − des mots béat et béant. B.− [S'applique à un subst. abstr.] Béant sur qqc.Ouvert sur, orienté vers quelque chose : 11. Largement béante (...) sur la décision morale et sur la métaphysique de la personne, la caractérologie n'en reste pas moins une science psychologique.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 70. PRONONC. : [beɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1552-60 « qui présente une large ouverture » (Du Bellay, [Énéide], IV, 43 dans Littré : et si est la caverne Du noir Pluton beante nuict et jour).
Part. prés. adjectivé de l'a. fr. baer beer « être ouvert » (bayer*). Béant est attesté au xiiies. (Gdf.) au sens fig. « qui aspire à ». dér. de béer « aspirer, tendre à ». STAT. − Fréq. abs. littér. : 778. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 553, b) 1 833; xxes. : a) 1 767, b) 791. BBG. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 177. |