| AUTORITÉ, subst. fém. Pouvoir d'agir sur autrui. L'autorité de l'homme sur l'homme : 1. L'autorité. − La plus cruelle des « nécessités » pour M. Godeau était celle qui lui venait des autres. Pourquoi se serait-il irrité davantage cependant contre l'autorité d'un homme et moins contre la hauteur d'une montagne qui se dressait devant lui sur son chemin? S'il était fatigué, autant que possible, il l'évitait; s'il ne pouvait l'éviter, il s'élevait par elle au-dessus d'elle. Et quand il avait mis ses deux pieds sur le front de la montagne, pour laquelle il éprouvait plus d'amour que de haine, il se retournait pour voir le paysage du monde et découvrait l'horizon le plus lointain. L'autorité des autres devait être utilisée par M. Godeau comme un moyen : celui qui le commandait devait d'abord le servir.
Jouhandeau, M. Godeau intime,1926, p. 121. A.− [Autorité acquise en vue du gouvernement des pers. ou des choses] 1. Domaine gouvernemental, admin., etc. a) [Autorité par voie légale] Pouvoir légalement conféré à une personne, à un groupe humain de régir l'ensemble ou une partie du corps social, de régler les affaires publiques. L'autorité de l'État, du roi : 2. Les voilà donc enfin, ces ministres audacieux, décriés par leur ineptie, avilis par leurs déprédations, abhorrés par leurs excès, et proscrits par l'indignation publique! Traîtres à leur maître, traîtres à leur pays, ils ont, à force de forfaits, compromis l'autorité, et poussé l'État sur le bord de l'abîme. Naguère encore leurs lâches suppôts répétaient, avec insolence, que les Monarques ne tiennent leur pouvoir que de Dieu et de leur épée, qu'ils sont maîtres de leur sujets, comme un berger est maître de ses moutons, (...). (...) le temps est passé, où l'homme abruti se croyait esclave. Honteux de leurs funestes maximes, les suppôts de la tyrannie gardent le silence; de toutes parts les sages élèvent la voix, ils répètent aux Monarques, qu'en tout état, la souveraine puissance réside dans le corps de la Nation, que de lui émane toute autorité légitime, que les princes ont été établis pour faire observer les loix, qu'ils y sont soumis eux-mêmes, qu'ils ne règnent que par la justice, et qu'ils la doivent au dernier de leurs sujets.
Marat, Les Pamphlets,Offrande à la Patrie, 1789, pp. 2-3. 3. Là où le pouvoir suprême, la souveraineté, appartient à tous ou à plusieurs, la société est démocratique ou aristocratique; là où un seul est souverain et n'a au-dessous de lui que des pouvoirs subordonnés, elle est monarchique. Mais toujours faut-il une souveraineté, un pouvoir suprême qui ait le droit de commander et à qui l'on doive obéir, pour qu'il existe une société quelconque : et déjà l'on conçoit que toute secte qui refuse de reconnoître un pareil pouvoir, qui nie l'autorité et proclame l'indépendance individuelle, n'est point une société, ...
Lamennais, De la Religion,2epart., 1826, p. 56. 4. ... une diversité de races sociales est alors reconnue à la base de la hiérarchie des fonctions sociales et des relations d'autorité, qu'il s'agisse de l'autorité politique dans l'état ou des autres sortes d'autorité qui interviennent dans la vie sociale et économique du pays. On peut dire qu'au Moyen Âge, l'autorité temporelle était conçue avant tout selon le type de l'autorité paternelle dans les conceptions elles-mêmes sacrales de la famille, (...). (...) le père exerce son autorité comme une fonction sacrée, et revêt pour ainsi dire la personne de Dieu. Le sacre du roi le constitue père de la multitude, et confirme dans l'ordre de la grâce son autorité naturelle de chef de la cité, en attestant qu'il gouverne au temporel au nom du souverain roi.
Maritain, Humanisme intégral,1936, pp. 163-164. ♦ Principe d'autorité (cf. Flaubert, L'Éducation sentimentale, t. 2, 1869, p. 241; Barrès, Mes cahiers, t. 6, 1908, p. 295). ♦ Régime d'autorité (cf. Bainville, Histoire de France, t. 2, 1924, p. 226 : ... un régime à poigne, un régime d'autorité). − [L'autorité légale dans ses manifestations extérieures] Une autorité sans bornes, gouverner avec autorité, représenter l'autorité : 5. Les traits de rudesse et de tristesse qui l'obscurcissent lui sont imprimés par l'ennui, mais surtout par une position toujours fausse vis-à-vis de la Nation et par la comédie nécessaire de l'autorité. L'autorité absolue qu'exerce un homme le contraint à une perpétuelle réserve. Il ne peut dérider son front devant ses inférieurs, sans leur laisser prendre une familiarité qui porte atteinte à son pouvoir. Il se retranche l'abandon et la causerie amicale, de peur qu'on ne prenne acte contre lui de quelque aveu de la vie ou de quelque faiblesse qui serait de mauvais exemple.
Vigny, Servitude et grandeur militaires,1835, p. 25. 6. Aurelle imagina les cheveux gris également divisés, les traits fins du général, l'or et la pourpre des parements souillés par la boue ignoble des batailles. « Tant de dignité aisée, pensait-il, tant d'autorité courtoise, et demain une charogne que les soldats fouleront aux pieds sans le savoir. »
Maurois, Les Silences du colonel Bramble,1918, p. 164. ♦ Acte, coup d'autorité. Coup de force manifestant l'exercice d'une autorité absolue (cf. Baudry des lozières Voyage à la Louisiane, 1802, p. 280 : ... injustices (...) coups d'autorité). − P. méton. ♦ Personne, groupe de personnes qui exerce légalement une certaine autorité à l'échelon national ou local. Les autorités compétentes, constituées, locales : 7. Les bruits des pas et des voix, le grondement des élèves se levant tous à la fois à l'entrée des autorités, − il entendait tout cela, et l'incertitude et l'anxiété l'affolaient. Et ces bruits se répétaient de proche en proche. Voici que ces messieurs entraient dans la salle voisine. Enfin c'était le tour de la classe de Léniot. Les autorités, en redingote et en chapeau haut de forme, faisaient leur entrée; les élèves et le professeur se levaient. « Asseyez-vous, messieurs », disait le Préfet des études qui prenait un air solennel.
Larbaud, Fermina Marquez,1911, p. 50. ♦ Mod. Organisme d'intérêt économique, scientifique, etc. qui exerce officiellement une certaine autorité à l'échelon national ou international : 8. Il propose que toutes les étapes dangereuses (du point de vue de la fabrication des armes atomiques) soient soustraites à la compétence des états et confiées à une autorité internationale. Cette autorité serait propriétaire des mines et des matériaux nucléaires et aurait la gestion des usines de production de combustibles nucléaires, ainsi que des piles productrices d'énergie, tandis que des inspecteurs internationaux auraient pour mission de déceler les activités clandestines éventuelles. (...) L'autorité envisagée devait être un organisme supranational possédant en propre une grande industrie, l'exploitant et la développant au nom et dans l'intérêt de toutes les nations; en somme, un échantillon de gouvernement mondial dans une affaire de portée mondiale.
Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, pp. 65-66. − P. ext. Force de tout acte émanant d'une autorité. Les coutumes locales et arbitraires cédaient à l'autorité générale des ordonnances des princes, à l'autorité savante de la jurisprudence romaine. (Ozanam, Essai sur la philos. de Dante,1838, p. 27). SYNT. a) Autorité + adj. : autorité centrale, civile, despotique, directe, économique, étrangère, illimitée, légale, militaire, monarchique, municipale, nationale, nécessaire, nulle, publique, responsable, royale, sociale, souveraine, suprême; adj. + autorité : grande, haute, pleine autorité. b) Autorité + des/du + subst. : autorité du comité, des institutions, du patron, du pays; subst. + d'autorité : par voie d'autorité; subst. + de l'autorité : agent, dépositaires, exercice, habitude, représentant, respect, source de l'autorité; subst. + des autorités : intervention des autorités; c) Verbe + autorité : donner autorité (à); verbe + son/l'autorité : admettre, affirmer, conférer, conserver, défendre, établir, étendre, perdre, reconnaître, rejeter, respecter, rétablir, tenir son/l'autorité; verbe + de son/l'autorité : abuser, s'affranchir, revêtir, user de son/l'autorité; verbe + à l'autorité : se soumettre, se soustraire à l'autorité; verbe + aux autorités : s'adresser, faire appel aux autorités. − PARAD. a) (Quasi-)synon. absolutisme, autocratie, césarisme, commandement, despotisme, dictature, domination, férule, majesté, omnipotence, oppression, ordre, suprématie, totalitarisme. b) Anton. anarchie, assujettissement, impuissance, liberté, servitude, soumission, subordination, sujétion. b) En partic., péj. [Autorité contraire à la loi] Pouvoir qu'une personne s'attribue par voie illégale. Abus d'autorité : 9. Tandis que la tyrannie s'étoit glissée à Athènes, elle avoit aussi levé l'étendard en Sicile. Tranquille possesseur d'une autorité usurpée par la ruse, Denys l'Ancien soutint trente-huit années sa puissance par des vices et des vertus; avec les premiers il extermina ses ennemis; avec les secondes il rendit son joug supportable : en cela, comme Auguste, il proscrivit et régna.
Chateaubriand, Essai sur les Révolutions,t. 2, 1797, p. 125. − P. méton. Personne qui exerce le pouvoir illégalement : 10. Mon fils, sommé par l'autorité et en vertu d'un décret du tyran, d'aller prêter le serment de fidélité, s'est présenté, d'après mes conseils, avec plusieurs de ses camarades à la sous-préfecture, pour déclarer qu'il ne pouvait pas prêter un serment contraire à l'honneur et à la conscience. (...) Il est venu dîner avec ses camarades, satisfaits de leur démarche et de la réponse du Sous-Préfet. Nos révolutionnaires se sont grossièrement trompés, et quoique leur erreur soit bien funeste pour notre repos et recule peut-être de plusieurs années nos progrès vers le bien, elle leur coûtera peut-être encore plus cher qu'à nous. Ils se sont fait une illusion complète sur les dispositions et les sentiments des Français en général, lorsqu'ils ont espéré d'associer la multitude à leurs fureurs, à toutes leurs passions insensées et féroces, à leur haine invétérée pour toute autorité légitime; ...
Maine de Biran, Journal,1815, pp. 90-91. SYNT. Verbe + l'autorité : usurper, prendre l'autorité. − PARAD. (Quasi-)synon. arbitraire, contrainte. c) Parfois péj. [Autorité sans réf. à la loi, à la légalité] Pouvoir qu'une personne s'attribue sans ratification officielle. ♦ (Agir) de sa propre autorité. (Agir) de son propre chef, sans référence au droit positif, sans consulter personne : 11. Ce Wallstein, à la vérité, ne porta jamais les armes que pour la maison d'Autriche : mais l'armée qu'il commandait était à lui, réunie en son nom, payée par ses ordres, et avec les contributions qu'il levait sur l'Allemagne, de sa propre autorité. Il négociait comme un potentat, du sein de son camp, avec les monarques ennemis de l'empereur. Il voulut enfin s'assurer, de droit, l'indépendance dont il jouissait de fait; et s'il échoua dans cette entreprise, il ne faut pas attribuer sa chute à l'insuffisance des moyens dont il disposait, mais aux fautes que lui fit commettre un mélange bizarre de superstition et d'incertitude.
Constant, Wallstein,1809, p. IX. ♦ (Agir) d'autorité (cf. Barante, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 1, 1824, p. 143 : agir de force et d'autorité);(Agir) de son propre chef, sans référence au droit positif, sans consulter personne. (agir) de son autorité privée (cf. Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 81).(Agir) de son propre chef, sans référence au droit positif, sans consulter personne. 2. Jur. Pouvoir légalement conféré aux magistrats ou à certaines personnes, de régir, conformément à la loi, les individus ou les biens relevant de leur juridiction ou responsabilité. L'autorité (...) des jurisconsultes (Courier, Pamphlets pol.,Pétition aux deux chambres, 1816, p. 5). − P. méton. Magistrat investi de ce pouvoir : 12. ... il déclare qu'il n'y a plus de pouvoir, plus de gouvernement, plus rien, qu'il n'existe qu'une seule autorité : le juge d'instruction armé du cabriolet...
E. et J. de Goncourt, Journal,1896, p. 919. − P. ext. Force exécutoire de tout acte émanant d'une autorité judiciaire. Autorité d'un jugement : 13. L'autorité de l'homme sur l'homme est-elle juste? Tout le monde répond : non; l'autorité de l'homme n'est que l'autorité de la loi, laquelle doit être justice et vérité. La volonté privée ne compte pour rien dans le gouvernement, qui se réduit d'une part, à découvrir ce qui est vrai et juste, pour en faire la loi; d'autre part, à surveiller l'exécution de cette loi.
Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?1840, p. 152. ♦ Autorité de la chose jugée. Force exécutoire de ce qui est définitivement jugé et ne peut se remettre en cause : 14. 1350. La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits; tels sont, 1. les actes que la loi déclare nuls, (...); 3. l'autorité que la loi attribue à la chose jugée; 4 la force que la loi attache à l'aveu de la partie ou à son serment.
1351. L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Code civil,1804, p. 245. Rem. S'emploie au fig. en parlant du comportement d'une pers. (cf. Balzac, Eugénie Grandet, 1834, p. 17). ♦ Vente par autorité de justice (Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 2, 1869, p. 243). SYNT. a) Autorité + adj. : autorité judiciaire, législative; b) Autorité + subst. : autorité de la famille, des parents, du père. B.− [Autorité acquise ou naturelle de manière à exercer une influence d'ordre intellectuel, mor., psychique] 1. Force de considération s'attachant : a) À une personne, à une collectivité qui représente ou promeut certaines valeurs (généralement reconnues comme telles par une société donnée) et qui joue un rôle important dans l'opinion publique. L'autorité de l'Église, du pape : 15. Une situation d'esprit exceptionnelle se paye toujours chèrement. Nous venons de voir la rançon de celle-ci. Elle a aussi ses avantages. Le plus incontestable est l'autorité. L'homme qui possède ce don de l'autorité peut devenir impopulaire. Il peut être haï, calomnié. Il n'en garde pas moins ce prestige singulier, presque indéfinissable, qui ajoute un poids considérable à chaque parole tombée de sa bouche, à chaque écrit échappé de sa plume. Ce qui assure cette sorte de pouvoir au philosophe isolé dans son système, c'est précisément cet isolement et la qualité de certitude qu'il suppose.
P. Bourget, Essais de psychol. contemp.,1883, p. 162. 16. On dirait, ma parole, qu'ils prennent pour une supériorité, non seulement leur fortune, mais leur habitude de bien vivre, leur goût du confort, de la « qualité »! ça devient pour eux un mérite personnel! un mérite qui leur crée des droits sociaux! et ils trouvent parfaitement légitime cette « considération » dont ils jouissent! légitimes, leur autorité, l'asservissement d'autrui! oui, ils trouvent tout naturel de « posséder »!
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 123. − P. méton. Personne qui jouit d'une grande considération, dont on invoque l'exemple à l'appui d'une thèse : 17. Vous me citez des autorités. C'est un argument, mais un faible argument. On a toujours des autorités. J'ai pour ces Hugo, ces Lamartine la plus respectueuse admiration, une admiration que je voudrais dire filiale, mais ils n'obligent pas ma raison. Ils sont de grandes forces sentimentales. Je ne les admire pas s'ils deviennent de grandes forces pleurardes.
Barrès, Mes cahiers,t. 6, 1908, p. 333. b) À une chose. L'autorité d'une chose. Pouvoir de s'imposer comme valeur, référence. − [Chose concr.] L'autorité de l'Écriture : 18. Il importerait d'examiner si ces livres français qui ont tant de popularité en Europe, tant d'autorité, représentent vraiment la France, ...
Michelet, Le Peuple,1846, p. 11. − [Chose abstr.] L'autorité de l'expérience, de la tradition : 19. ... elle affirme qu'avec une certaine personne, à elle et à moi connue, je retrouverai le goût à la vie qui s'est trop affaibli en mon cœur. Bref, Philine me répète les exhortations que je me suis maintes fois adressées, mais qui n'ont pour moi de valeur, d'autorité, de gravité que lorsqu'elles me reviennent du dehors. Me défiant absolument de moi-même, j'ai besoin d'être encouragé par l'amitié dans le sens de mes secrètes aspirations.
Amiel, Journal intime,1866, p. 125. ♦ Spéc., PHILOS. Méthode d'autorité ou l'autorité. Par opposition à la critique individuelle, au libre examen, à la raison : 20. ... il [Jansénius] expose et met en présence les deux méthodes de pénétrer les mystères de Dieu : l'une des philosophes et par la seule raison, voie très-trompeuse, l'autre des Chrétiens, très-sûre, et dans laquelle intervient, que dis-je? à laquelle préside la charité; car il ne distingue pas la méthode dite d'autorité, de cette méthode de charité. (...). De sorte qu'aux philosophes spéculatifs, et qui n'étudient que pour étudier, à ces Chrétiens d'opinion si communs de nos jours et qui, selon le mot de Saint-Cyran, ne veulent que découvrir des terres nouvelles, à ceux-là, pour les rabattre et les humilier dans leur science même et sur le trône si creux de leur intelligence où ils se complaisent, il suffit de dire avec saint Augustin, avec Jansénius, avec ceux qui parlent des Enfants de Dieu, étant eux-mêmes de ces enfants : On ne comprend (absolument, à la limite et dans la plénitude), on ne comprend que ce qu'on croit. On ne comprend que ce qu'on aime.
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 125. − P. méton. Chose qui, par sa valeur reconnue, peut servir de référence, d'appui à une démonstration : 21. Je me souviens d'avoir lu dans le livre De L'Esprit, qui n'est pas toujours le livre du bon sens, qu'on pouvait raisonner fort juste en partant d'un principe très-faux. Helvétius, pour démontrer cette proposition, va chercher ses exemples dans l'Inde; que ne citait-il son propre ouvrage? Pour moi, si j'étais chargé de mettre cette vérité en lumière, je me ferais une autorité de la lettre du professeur de Picpus sur le mélodrame. Je ne crois pas qu'il soit possible d'employer plus d'esprit, plus d'adresse et plus d'instruction à défendre une mauvaise cause; ...
Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 5, 1814, p. 274. − Faire autorité. S'imposer comme règle, avoir force de preuve (cf. R. Martin du Gard, Les Thibault, Épilogue, 1940, p. 954 : faire autorité [...] servir [...] de base aux recherches). SYNT. a) Autorité + adj. : autorité divine, ecclésiastique, incontestée, infaillible, morale, religieuse, sainte, spirituelle, supérieure. b) Autorité + de + subst. : autorité de l'âge, de la foi, de la religion. c) Verbe + l'autorité : invoquer l'autorité de. − PARAD. a) (Quasi-)synon. appui, célébrité, crédit, éminence, garantie, importance, influence, notabilité, prépondérance, renom, renommée, réputation, témoignage. b) Anton. discrédit, infériorité. 2. Force de caractère qui permet à une personne d'inspirer le respect, l'admiration, d'imposer sa personnalité à son entourage : 22. Elle a une autorité singulière, voilà la vérité. Partout où elle passe, elle imprime sa marque. − C'est une femme forte selon l'Évangile... dit l'abbé. − Oui; mais, cette force, j'ai le sentiment qu'elle peut la mettre au service du mal comme au service du bien, et que ce sera la même force, la même violence...
Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 56. − [L'autorité psychique dans ses manifestations extérieures] Air, geste, ton d'autorité : 23. Ses yeux à lui, brillants d'autorité, de maîtrise et d'intelligence, la dominent cette fois, l'intimident et la soutiennent en même temps.
Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 51. ♦ D'autorité (cf. supra A 1 c). De façon impérative (cf. Maine de Biran, Journal, 1817, p. 92); arg. d'autor = d'autorité (cf. Céline, Mort à crédit, 1936, pp. 161, 264, 266, 275, 363, 414, 464, 563, 670, 696). − Péjoratif : 24. L'enfant est, pour la mère, un homme indéfini, maniable, sur qui l'imagination travaille sans limites, bref une réduction de l'idéal. C'est pourquoi, aux yeux de la mère, le mari tombe au second rôle, devient un fournisseur de l'enfant, un premier domestique. L'autorité s'est renversée dans le mariage. Les caractères s'étant adoucis, l'homme n'est plus assez ferme pour supporter le chagrin de la femme; il cède par pitié. Le travail s'étant accru, l'homme est trop las pour résister à la volonté obsédante de la femme : il cède par fatigue.
Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de M. T. Graindorge, 1867, p. 301. − Rare. Empire sur soi-même. Autorité sur soi : 25. Je songeai avec stupeur, avec horreur à ce que j'avais fait, me demandant d'où viennent ces tempêtes de l'âme où l'homme perd toute notion des choses, toute autorité sur lui-même, et agit dans une sorte d'ivresse affolée, sans savoir ce qu'il fait, sans savoir où il va, comme un bateau dans un ouragan.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, La Confession, 1884, p. 462. SYNT. a) Autorité + adj. : autorité méconnue, personnelle; adj. + autorité : douce autorité. b) Subst. + d'autorité : absence, manque d'autorité; c) Verbe + autorité : imposer son autorité. − PARAD. a) (Quasi-)synon. aplomb, arrogance, ascendant, assurance, décision, emprise, énergie, fermeté, fierté, superbe. b) Anton. humilité, modestie, mollesse. PRONONC. : [otɔ
ʀite] ou [ɔ-]. Cf. autoriser et aussi Buben 1935, p. 54, § 44. Enq. : /otoʀite/. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1121 fig. « texte, écrit authentique, ici : l'Écriture » (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. Walberg, 960 ds T.-L. : Mais oz tu, om de Dé, Entent auctorité E oies escripture), seulement au Moy. Âge; xiiies. « force obligatoire de ce qui est jugé, décidé » (Livre de justice, 7 ds Littré : Loys roi dit que costume doit valoir loi; quant aucune doutance est de la loi, ele doit avoir l'autorité des choses qui tozjors sunt jugies...); 2. 1174 « pouvoir d'imposer l'obéissance » (G. de Pont Ste Maxence, Vie de St Thomas, éd. Hippeau, 4869 ds T.-L. : De celui [evesque] d'Everwic qui par s'autorité Out sustreit a l'iglise de Sainte Ternité Des reis l'enunctïon); 3. 1267-68 « crédit, réputation d'un auteur ou d'un personnage important auquel l'on se réfère » (Brunetto Latini, Li Livres dou Trésor, liv. III, 1repart., c. 34 ds Dict. hist. Ac. fr. : Porce que li maistres veult plus apertement demonstrer ce que il a dit, metra il uns viels exemples de grant auctorité, sor quoi fu dit par plusors sages); 4. 1559 « crédit, considération dont on jouit et qui impose l'obéissance » (Amyot, trad. de Plutarque, Vie d'Alcibiade, c. 6, ibid. : Il leur donna secrètement espérance de l'alliance et ligue des Athéniens, et les exhorta de ce faire en parlant avecques ceulx qui avoyent aucthorité et crédit envers le peuple); 5. 1699 « organe du pouvoir, gouvernement » (Racine, Esther, III, 3 ds Littré : Quand la suprême autorité Dans ses conseils a toujours auprès d'elle La justice et la vérité); 6. fin xviiies. au plur. « magistrats, hauts fonctionnaires chargés d'une partie quelconque de l'administration publique » (Turgot, Formation des bureaux de charité, art. Ier, § 1 ds Dict. hist. Ac. fr. : Tous les hommes et toutes les autorités se réuniront sans doute avec empressement pour y concourir).
Empr. au lat. auctoritas attesté dep. la Loi ds XII Tables ds TLL s.v., 1213, 85; cont. jur. usus auctoritas « droit de possession acquis par l'usage »; 1 « garantie de la chose écrite », cont. relig. (Tertullien, Spect., 3, ibid., 1224, 73 : quorundam... fides ... de scripturis auctoritatem exposcit); d'où auctoritas, synon. de Sacra Scriptura (S. Augustin, Civ., 12, 3, ibid., 1225, 31 : in nostris autoritatibus legitur); 2 « pouvoir d'imposer l'obéissance » (Nep., Milt. 8, 4, ibid., 1215, 74 : in Miltiade erat ... magna auctoritas apud omnes civitates); 3 « garantie, crédit d'un écrivain » (Rhet. Her. 4, 7, ibid., 1223, 4 : probarent quemlibet ... vel poetam vel oratorem, cuius auctoritate niterentur); 5 « autorité du gouvernement » (Cicéron, Verr., 4, 81, ibid., 1228, 39 : eius omnes res gestas ... publica auctoritate defendimus); 4 « dignité, crédit » (Térence, Hec., 47, ibid., 1215, 64 : facite ut vestra auctoritas meae auctoritati fautrix adjutrixque sit); 6 au plur. « hauts personnages exerçant l'autorité » (Cicéron, Verr., 1, 52, ibid., 1225, 38 : circumstant te summae auctoritates). STAT. − Fréq. abs. littér. : 6 654. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 12 597, b) 7 144; xxes. : a) 6 848, b) 9 602. BBG. − Ac.-Can.-Fr. 1968. − Allmen 1956. − Bach.-Dez. 1882. − Barr. 1967. − Bastin 1970. − Bellet (R.). Formation et développement du vocab. chez Jules Vallés journaliste (1848-1871). In : COLL. DU CENTRE DE LEXICOL. POL. 1968 Saint-Cloud. Cah. Lexicol. 1969, no15, pp. 9-10. − Birou 1966. − Blanche 1857. − Bouillet 1859. − Bouyer 1963. − Bruant 1901. − Cap. 1936. − Dub. Pol. 1962, pp. 74, 75, 169. − Dupin-Lab. 1846. − Éd. 1913. − Éd. 1967. − Foi t. 1 1968. − Foulq.-St-Jean 1962. − Goblot 1920. − Gramm. t. 1 1789. − Lacr. 1963. − Lafon 1969. − Lal. 1968. − Lar. comm. 1930. − Le Breton Suppl. 1960. − Marcel 1938. − Métrol. 1969. − Mucch. Sc. soc. 1969. − Paré (G.). Le Roman de la Rose et la scolastique courtoise. Paris. Ottawa, 1941, pp. 23-25. − Pierreh. Suppl. 1926. − Pol. 1868. − Porot 1960. − Réau-Rond. 1951. − St-Edme t. 2 1825. − Sill. 1965. − Spr. 1967. − Springh. 1962. − Tez. 1968. − Théol. bibl. 1970. |