| AUTOMNE, subst. masc. A.− Saison de l'année située entre l'été et l'hiver : 1. On était alors au commencement de décembre, il n'y avait point encore de neige; mais l'automne, saison de décadence, touchait elle-même à sa fin, et faisait place à l'hiver.
Mmede Staël, Corinne,t. 3, 1807, p. 353. 2. Après l'été pluvieux, l'automne rayonnait. Dans les vergers, les fruits pullulaient sur les branches. Les pommes rouges brillaient comme des billes d'ivoire. Quelques arbres déjà revêtaient hâtivement leur plumage éclatant de l'arrière-saison : ...
R. Rolland, Jean-Christophe,L'Adolescent, 1905, p. 319. 3. Le lendemain, les deux pêcheurs se reposaient, car c'était jour de dimanche. Un grand silence enveloppait les campagnes, le silence d'automne, avant-coureur du sommeil hivernal.
Moselly, Terres lorraines,1907, p. 19. − P. compar., littér. : 4. Je n'étais pourtant pas encore pris d'amour, mon aimable ami, − non, je ne l'étais pas. Dans ces bosquets où, un livre à la main, comme prétexte de solitude en cas de rencontre, je m'enfonçais avant le soir; en mes après-dînées silencieuses, durant cet automne de la journée, où les ardeurs éblouissantes du ciel s'étalent en une claire lumière, si largement réfléchie, et où la voix secrète du cœur est en nous la plus distincte, dégagée de la pesanteur de midi et des innombrables désirs du matin; ...
Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 60. Rem. Au xixes. hésitation sur le genre (cf. ex. 1); le mot est donné comme masc. et fém. par Ac. 1798-1878 Besch. 1845, Littré, DG; masc. par les dict. Lar. (dès Lar. 19e) et, d'une façon générale, les dict. du xxes. (y compris Ac. 1932, hormis Quillet). Les grammairiens (cf. Gir. t. 1 1834) ont voulu établir une distinction de genre selon que l'adj. suit immédiatement ou qu'il précède le mot automne (un bel automne, une automne délicieuse). Condamnée par les lexicographes (cf. Besch. 1845, Littré, etc.), elle est restée sans lendemain. SYNT. L'automne et l'hiver; le printemps et l'automne; brumes, ciel, feuille, fleurs, jour, labours, matin, odeur, pluie, semailles, soir, soleil, vent d'automne. − ICONOLOGIE. Représentation de cette saison : 5. ... une énorme chaise-à-porteurs-vitrine, pesante et belle, aux flancs de laquelle croule un automne doré et sculpté en plein bois, pommes, raisins et poires...
Colette, Claudine en ménage,1902, p. 212. B.− Au fig., littér. 1. [En parlant de l'âge de l'homme] a) Cette saison, en tant que durée vécue par une personne : 6. ... aujourd'hui, je suis un vieillard au cœur trop lent, et je regarde le dernier automne de ma vie endormir la vigne, l'engourdir de fumées et de rayons.
Mauriac, Le Nœud de vipères,1932, p. 269. − P. ext. [En parlant d'une personne âgée] Synon. de année (cf. printemps) : 7. Maryelle compte aujourd'hui vingt-cinq automnes; elle n'est qu'un peu pâlie, toujours svelte, excitante, ...
Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels,Maryelle, 1883, p. 332. b) Symbole de la maturité allant sur le déclin. L'automne de la vie; être dans son automne : 8. La vieillesse n'ôte à l'homme d'esprit que des qualités inutiles à la sagesse. Il semble que, pour certaines productions de l'esprit, l'hiver du corps soit l'automne de l'âme.
J. Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 219. 9. Cette belle saison, dans sa maturité, me fait faire un retour sur moi-même. Quoique jeune encore, je penche vers mon automne ...
Michelet, Journal,oct. 1839, p. 324. 10. ... le malheureux père se jeta sur un divan... pleurant de ces larmes rares, maigres, qui roulent entre les paupières des gens de cinquante-six ans, sans en sortir... une des dernières rosées de l'automne humain.
Balzac, Modeste Mignon,1844, p. 156. 2. P. anal. [En parlant de la durée d'une chose] Symbole de déclin, de décadence : 11. Voilà que j'ai touché l'automne des idées...
Baudelaire, Les Fleurs du Mal,1857-61, p. 25. 12. ... ces formes larvaires, cette technique impressionniste qui caractérise, en Serbie, l'automne de la peinture byzantine, voilà qui évoquait en moi d'obscurs souvenirs.
R. Escholier, Greco,1937, p. 9. PRONONC. : [otɔn]. Également [oˑ-] (Passy 1914) et [ɔ-] (Passy, Pt Rob., Warn. 1968). ,,En anc. français le groupe mn a été réduit dans les mots populaires en m, par assimilation progressive (somme, homme, dame, lame); dans les mots savants introduits avant le xviesiècle il a passé à mn > n par assimilation régressive. Excepté le mot colonne, l'orthographe étymologique par mn a été conservée ou restituée dans ces derniers, sans altérer la prononciation : automne, damner et ses dérivés. Dans les autres mots au contraire, l'orthographe a réagi sur la prononciation : automnal, cf. autonnale chez Baïf`` (Buben 1935, p. 112). Enq. : /oton/. ÉTYMOL. ET HIST. − 1231 (Trad. de Guill. de Tyr, II, 86, P. Paris ds R. Hist. litt. Fr., t. 4, p. 129 : La seson que l'en apele automne); 1735, 20 sept., fig. « décadence » (Voltaire, Lettres, à M. de Cideville ds Dict. hist. Ac. fr.); 1405 « âge qui précède la vieillesse » (?) (Laur. du Premierfait, Traictié consolatif de vieillesse, B.N. 1009, fo111 vods Gdf. Compl. : Le temps d'auptonne); av. 1614 « id. » (Brantôme, Rodomontades espaignolles ds Dict. hist. Ac. fr.).
Empr. tardif au lat. autumnus, au sens propre dep. Ennius (Ann., 424 V ds TLL s.v., 1603, 30); sur la date tardive de l'empr., cf. FEW, s.v., qui souligne le peu de netteté de l'automne par rapport à l'été, d'où en fr. pop. et rural l'emploi d'après-août pour automne (cf. T.-L. s.v. aost); chez Wace (Rou, éd. H. Andresen, III, 6362 ds Keller, p. 147a) aost s'oppose à esté, le terme usuel était gaïn « temps de récolte » plus rarement regaïn (cf. Gdf. et T.-L. s.v.). Le genre fém. qui succède au masc. du lat. est usuel en a. fr. (mot. à initiale et finale vocaliques); d'autre part en lat. impérial, neutre de l'adj. subst. autumna [tempora] d'où le fr. a pu directement provenir; le genre masc. reparaît à partir du xiiies. mais ne l'emporte qu'à l'époque moderne. STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 706. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 249, b) 4 032; xxes. : a) 5 399, b) 3 326. BBG. − Bible 1912. − Bouillet 1859. − Bruant 1901. − Delc. t. 1 1926. − George 1970. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 96. − Goug. Mots. t. 1 1962, p. 55. − Guyot 1953. − Lacr. 1963. − Lar. méd. 1970. − Littré-Robin 1865. − Marcel 1938. − Métrol. 1969. − Muller 1966. − Nysten 1824. − Pope 1961 [1952], § 456. − Privat-Foc. 1870. |