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AUBAINE, subst. fém.
A.− DR. ANC.
1. Succession aux biens d'un aubain, étranger qui meurt dans un pays où il n'est pas naturalisé :
1. don alphonse. − Capitaine, est-ce un bon service que celui de la république, et combien y gagnez-vous, bon an, mal an? gennaro. − J'ai une compagnie de cinquante lances, Monseigneur, que je défraie et que j'habille. La sérénissime république, sans compter les aubaines et les épaves, me donne deux mille sequins d'or par an. Hugo, Lucrèce Borgia,1833, II, 5, p. 108.
2. Droit d'aubaine. Droit en vertu duquel les biens de la succession d'un aubain devenaient la propriété du seigneur puis, plus tard, du roi :
2. L'agent d'affaires m'apprenait (...) que (...) la couronne [d'Espagne] (...) s'est éveillée au bruit de ces millions, et (...) soutient que la succession en litige lui appartient par droit d'aubaine. O. Feuillet, Le Roman d'un jeune homme pauvre,1858, p. 191.
Au fig. :
3. Le génie n'a point de famille; son héritage tombe par droit d'aubaine à la plèbe, qui le grignote et plante un chou où croissait un cèdre. Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 328.
B.− P. ext. Profit, gain inespéré :
4. Prix des leçons : quinze francs par mois, deux séances par semaine; pour cette pauvre petite adjointe qui gagne soixante-quinze francs par mois et paie sa pension là-dessus, c'est une aubaine inespérée. Colette, Claudine à l'école,1900, p. 19.
5. Quant à la rémunération des chefs de groupements d'entreprises, elle contient, outre des profits proprement dits, résultats de la spéculation économique, des aubaines de spéculation financière. Elle enferme par conséquent des éléments qui rappellent les revenus du jeu ou les gains obtenus par toutes ces initiatives où l'exploitation de partenaires plus faibles a autant d'importance que l'accomplissement régulier d'une fonction industrielle ou commerciale. Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 622.
Spéc. Chez Proudhon, aubaine ou droit d'aubaine. Synon. de profit capitaliste :
6. Axiome. − La propriété est le droit d'aubaine que le propriétaire s'attribue sur une chose marquée par lui de son seing. Cette proposition est un véritable axiome. Car : 1) Ce n'est point une définition, puisqu'elle n'exprime pas tout ce que renferme le droit de propriété : droit de vendre, d'échanger, de donner; droit de transformer, d'altérer, de consommer, de détruire, d'user et d'abuser, etc. Tous ces droits sont autant d'effets divers de la propriété, que l'on peut considérer séparément, mais que nous négligeons ici pour ne nous occuper que d'un seul, du droit d'aubaine. (...) la négation de cette proposition implique contradiction : le droit d'aubaine est réellement inhérent, tellement intime à la propriété, que là où il n'existe pas la propriété est nulle. Observations. L'aubaine reçoit différents noms, selon les choses qui la produisent : fermage pour les terres; loyer pour les maisons et les meubles; rente pour les fonds placés à perpétuité; intérêt pour l'argent; bénéfice, gain, profit (trois choses qu'il ne faut pas confondre avec le salaire ou prix légitime du travail), pour les échanges. L'aubaine, espèce de régale, d'hommage tangible et consommable, complète au propriétaire en vertu de son occupation nominale et métaphysique : son scel est apposé sur la chose; cela suffit pour que personne ne puisse occuper cette chose sans sa permission. (...). La propriété est le droit d'aubaine, c'est-à-dire le pouvoir de produire sans travailler; or, produire sans travailler, c'est faire de rien quelque chose, en un mot, c'est créer : c'est ce qui ne doit pas être plus difficile que de moraliser la matière. Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?1840, p. 244, 246.
Au fig. Aubaine inespérée, rare; bonne, véritable aubaine; profiter de l'aubaine :
7. Je vois, vous devez appartenir à cette race d'êtres qui ne sont méchants qu'avec ceux qui les aiment. Oh! C'est une race que je connais bien. Quelqu'un qu'on n'aime pas et qui vous aime, quelle tentation, n'est-ce pas? de le faire souffrir! Il faut croire qu'il y a là un attrait affreux. Tenez, une femme qu'ils ne désirent pas, quelle aubaine pour les hommes! Ils se vengent sur elle des autres. Montherlant, Celles qu'on prend dans ses bras,1950, II, 4, p. 799.
P. iron. :
8. Une des choses dont il composait son relief extérieur et sa satisfaction intime, c'était, nous venons de l'indiquer, d'être resté vert-galant, et de passer énergiquement pour tel. Il appelait cela avoir « royale renommée ». La royale renommée lui attirait parfois de singulières aubaines. Un jour on apporta chez lui dans une bourriche, comme une cloyère d'huîtres, un gros garçon nouveau-né, criant le diable et dûment emmitouflé de langes, qu'une servante chassée six mois auparavant lui attribuait. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 720.
PRONONC. : [obεn]. Passy 1914 note une durée mi-longue sur la 1reet la 2esyll. du mot, Grég. 1923 sur la 1reseulement. Enq. : /oben, (D)/.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1237 dr. aubene « succession d'un étranger » (A.N. K 30, pièce 10 ds Gdf. Compl. : Ou tierc point, chou est des aubenes et des trueves et des estragnes, disent il que jou i ai les trois pars); 1611 id. droict d'aubaine (Cotgr.); 1668 fig. (Boileau, Satires, VIII ds Dict. hist. Ac. fr. t. 4, p. 397 : Un aigle, sur un champ prétendant droit d'aubaine, Ne fait point assigner un aigle à la huitaine); 1668 p. ext. « profit inespéré » (La Fontaine, Fables, VI, 11, ibid., p. 369 : J'ai regret, disoit-il, à mon premier seigneur : Encor quand il tournoit la tête, J'attrapois, s'il m'en souvient bien, Quelque morceau de chou qui ne me coûtoit rien. Mais ici point d'aubaine; ou, si j'en ai quelqu'une, C'est de coups). Fém. substantivé de aubain1*; droit d'aubaine rendu par le lat. médiév. albanagium, xiies., (ds Du Cange et Nierm).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 224. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 353, b) 238; xxes. : a) 275, b) 357.
BBG. − Barr. Suppl. 1967. − Bouillet 1859. − Dupin-Lab. 1846. − Goug. Mots t. 2 1966, p. 75. − Lar. comm. 1930. − Lep. 1948. − Le Roux 1752. − Mots rares 1965. − Pol. 1868. − St-Edme t. 2 1825.