| ATTIQUE, adj. A.− Qui est relatif à l'Attique (domaine de l'ancienne Athènes), à Athènes, aux anciens Athéniens : 1. Sans doute le théâtre, institution nationale et religieuse, eut-il dans l'ancienne Grèce une action telle que Fénelon pouvait dire que « chez les Athéniens tout dépendait du peuple et le peuple dépendait de la parole ». Mais la superficie de la république athénienne ne dépassait guère celle d'un département français, et c'est là une donnée dont il convient de tenir compte (...). Donnée qui éclaire de réalité cette phrase de Thucydide : « Il n'existait pas au monde de plus grand marché que le Pirée, ni de lumière intellectuelle plus éclatante que celle de la tribune et du théâtre attiques. »
Arts et litt. dans la société contemp.,t. 1, 1935, p. 6405. − Spécialement 1. Qui est propre à l'Attique. a) ASTRON. Année attique. Année luni-solaire de 12 mois dans les années communes, 13 dans les années embolismiques (année à mois supplémentaire), en usage chez les Grecs. b) LING. Dialecte, grec attique, ou p. ell., l'attique. Grand dialecte littéraire grec, illustré, principalement au vesiècle avant Jésus-Christ par les plus grands écrivains : 2. ... si les langues en présence ont une origine commune et des caractères structuraux analogues, l'unification se fait au profit de la langue dont le prestige social est le plus fort (...), mais la langue victorieuse perd aussi ses caractères trop différenciatifs : elle donne naissance à une langue commune (cas du dialecte attique, lors de l'unification du grec).
Traité de sociol.,1968, p. 275. c) LITT. Les auteurs, les orateurs attiques, ou p. ell., les attiques. Les auteurs, les orateurs, qui ont employé le dialecte attique. ♦ Emploi subst., p. ext. Écrivain dont les œuvres se distinguent par des qualités équivalentes à celles des grands auteurs attiques : 3. ... si quelque chose me prouve que Pellisson, malgré son élégance et sa pureté de diction, ne fut jamais un attique véritable et qu'il ignora toujours les vraies grâces, c'est précisément son goût déclaré pour une telle idole [Mllede Scudéry].
Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 4, 1851-62, p. 139. 2. Qui est conforme à la manière des attiques. ARCHIT. Base, colonne attique. Base, colonne atticurge*. ♦ Emploi subst. Attique (p. ell. de étage attique). a) ,,Ornement d'architecture qui couronne un édifice ou la partie supérieure d'une façade, et a pour objet de dissimuler le toit`` (Bouillet 1859). Attique continu. Attique suivant sans interruption l'entablement d'un édifice. Faux attique. ,,Sorte de piédestal qui règne sous les bases d'un ordre, et empêche qu'elles ne soient masquées par une large corniche placée au-dessous`` (Noël 1968). P. ext. Attique de cheminée. Partie de la cheminée d'appartement, revêtue de plâtre, de marbre ou de bois, qui s'élève au-dessus de la tablette. b) Étage supérieur, de dimension moindre, souvent orné de pilastres, servant d'amortissement à une façade. P. ext. Attique interposé. Attique situé entre deux grands étages. (Attesté ds Besch. 1845, Lar. 19e, Littré et Quillet 1965). Rem. P. anal., en anat., le terme désigne l'étage supérieur de la caisse du tympan. B.− Vieilli. Conforme à l'atticisme* : 4. Xénophon découvrit à son tour une route nouvelle. Sans s'appesantir, et sans rien perdre de l'élégance attique, il jeta des regards pieux sur le cœur humain, et devint le père de l'histoire morale.
Chateaubriand, Génie du christianisme,t. 2, 1803, p. 82. 5. Le jeune homme [Mistral] nous récita quelques vers, dans ce doux et nerveux idiome provençal qui rappelle tantôt l'accent latin, tantôt la grâce attique, tantôt l'âpreté toscane.
Lamartine, Cours fam. de litt.,40eentretien, 1859, p. 239. − Sel attique. Fine et spirituelle manière de penser, de s'exprimer et en particulier de plaisanter, caractéristique de l'atticisme; s'applique p. anal. à toute chose exprimée sur le même ton de délicate raillerie : 6. L'étranger, charmé à Paris et à Athènes, ne rencontre que des cœurs compatissants et des bouches toujours prêtes à lui sourire. Les légers habitants de ces deux capitales du goût et des beaux-arts, semblent formés pour couler leurs jours au sein des plaisirs. C'est là qu'assis à des banquets, vous les entendrez se lancer de fines railleries, rire avec grâce de leurs maîtres; parler à la fois de politique et d'amour, de l'existence de Dieu et du succès de la comédie nouvelle, et répandre profusément les bons mots et le sel attique, au bruit des chansons d'Anacréon et de Voltaire, au milieu des vins, des femmes et des fleurs.
Chateaubriand, Essai sur les Révolutions,t. 1, 1797, p. 107. − Miel attique. [P. allus. aux abeilles de l'Hymette, réputées pour leur excellent miel, et à la légende selon laquelle ces abeilles se seraient posées sur les lèvres de Platon qui leur devrait la douceur de son style] :
7. Térence était africain, et cependant il semble avoir été nourri par les grâces athéniennes. Le miel attique est sur ses lèvres; on croirait aisément qu'il naquit sur le mont Hymette.
Joubert, Pensées,t. 2, 1824, p. 159. − P. ext. [Qualifie un écrivain, son œuvre, sa langue, son esprit...] Qui présente des qualités (finesse, élégance, grâce...) comparables à celles des grands auteurs attiques : 8. − Eh! Bien, Rastignac, avez-vous vu Lucien? Il a fait peau neuve.
− Si j'étais aussi joli garçon que lui, je serais encore plus riche que lui, répondit le jeune élégant d'un ton léger mais fin qui exprimait une raillerie attique.
Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 9. 9. Tout cela d'Eugénie de Guérin est pur, net, distinct, bien vu, bien dit, rapidement conté; c'est classique, c'est attique et irréprochable.
Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 9, 1863-69, p. 277. 10. Et baser, ce verbe néologique, que je voyais hier encore désigné d'une mauvaise note par une plume attique, faut-il donc absolument le proscrire, lui fermer la porte dans le nouveau dictionnaire?
Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 11, 1863-69, p. 218. PRONONC. : [a(t)tik]. Pour [tt] géminées et [t] simple dans le mot, cf. atticisme. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. xves. adj. « d'Attique, de Grèce » et p. ext. « qui a des caractères propres aux Grecs » (Terence en françoys, 155 roéd. 1539 ds Delboulle, Recueil de notes lexicol. : Il a une langue angélique Et la vraye éloquence actique); av. 1560 au fig. miel attique (Du Bellay,
Œuvres, éd. Chamard, Paris, 1908-31, t. 5, p. 65 : Or donc, Magny, puis que le ciel A confict d'un attique miel Tes vers sucrez, laisse les armes, Et chante l'amour et tes larmes); 1672 sel attique « plaisanterie fine » (Molière, Les femmes savantes, acte 3, scène 2, éd. du Seuil, 1962, p. 610); 2. 1639 subst. masc. archit. « petit ordre qu'on met au-dessus d'un plus grand pour terminer le bâtiment » (Comptes de Fontainebleau, p. 56 ds IGLF Techn. : Plus de donner trois couches de blancq de plomb au lambris de menuiserie du pourtour de ladicte chappelle au dessoubz de l'atique).
Empr. au lat. atticus « d'Attique, d'Athènes » et p. ext. adj. désignant certaines qualités propres aux Athéniens (Plaute, Asin. 793 ds TLL s.v., 1133, 48; en partic. pour désigner une éloquence sobre et naturelle, Cicéron, Brut., 51, ibid., 1134, 39); attica mella au propre (Ovide, Medic., 82, ibid., 1133, 18); le lat. est lui-même empr. au gr. Α
τ
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ς « attique, athénien » (Hérodote ds Liddell-Scott). STAT. − Fréq. abs. littér. : 86. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Barb.-Cad. 1963. − Bouillet 1859. − Chabat t. 1 1875. − Chesn. 1857. − Gagnon (M.), Smith (S.). Le Vocab. de l'archit. en Fr. de 1500 à 1550. Cah. Lexicol. 1971, no18, p. 100. − Jossier 1881. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Noël 1968. − Rog. 1965, p. 115. − Springh. 1962. |