| ATHLÈTE, subst. A.− SPORTS 1. ANTIQ. [En parlant d'un homme] Celui qui s'entraînait aux exercices gymniques et participait, dans les jeux publics, à diverses épreuves corporelles (lutte, pugilat, course, saut, disque, etc.). (Quasi-) synon. agoniste : 1. ... les Hellènes, assemblés pour les fêtes que reconnaissent toutes les constitutions particulières de leurs cités, surveillent avec passion le jeu des muscles sous la peau hâlée des athlètes et l'harmonie des mouvements dans la course ou le saut.
É. Faure, L'Esprit des formes,1927, p. 260. − Par parodie : 2. Quand les Franconi, en 1807, ouvrirent un nouvel amphithéâtre rue du mont-Thabor, ils voulurent se créer des titres de noblesse plus anciens encore, et, remontant jusqu'à la Grèce des stades et des palestres, ils décorèrent leur établissement du nom pompeux de cirque olympique. La piste fut alors envahie par des athlètes, des gymnastes, des bouffons et des bêtes savantes : l'équitation, néanmoins, formait toujours le fond du spectacle. Le cirque d'aujourd'hui.
Arts et litt. dans la société contemp.,1935, p. 7614. 2. Mod. Personne qui pratique une activité sportive (généralement un sport individuel) : 3. Il dévore tous les journaux de sport, ces feuilles imprimées sur papier de couleur. Il connaît l'âge et le poids de tous les champions d'Europe. Il goûte la littérature sportive et montre, avec enthousiasme, maints portraits d'athlètes à nuque de taureau, sous lesquels on lit : « Saluons l'apparition de cette nouvelle étoile au firmament du demi-fond. »
G. Duhamel, Journal de Salavin,1927, p. 30. ♦ Athlète complet. Personne qui pratique tous les sports de l'athlète (cf. Gide, Journal, 1942, p. 109). B.− P. métaph., au fig., fréq. [En parlant gén. d'un homme et plus rarement d'une femme] a) Domaine physique.Personne douée d'une musculature puissante, d'une très grande force : 4. Grand, maigre de la maigreur des antiques, avec les bras musculeux, le col et la carrure d'un athlète, l'ensemble du personnage donnant le sentiment de la force tranquille et légèrement dédaigneuse.
Loti, Mon frère Yves,1883, p. 11. 5. Fallait voir comme elle était solide et bâtie, (...). Rien d'hystérique. Mais bien douée, bien nourrie, bien équilibrée, une vraie championne dans son genre, voilà tout. Une belle athlète pour le plaisir. Pas de mal à ça.
Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 322. b) Domaine moral, intellectuel.Personne qui lutte pour défendre une idée, une cause : 6. Abeilard disputait, dans les écoles, sur les questions qui s'agitaient alors, et, dans ces tournois, il avait terrassé tous ses adversaires sous les yeux de la foule, sous les yeux des femmes qui se pressaient dans l'amphithéâtre, attentives aux grâces du bel athlète. Parmi cette foule se trouvait la nièce du chanoine. (...) elle suivait ses gestes, elle combattait avec lui, elle terrassait avec lui, elle s'enivrait de ses triomphes; ...
Tœpffer, Nouvelles génevoises,1839, p. 90. − Athlète de (+ subst. abstr.).Athlète de la liberté : 7. Né batailleur, taillé pour la guerre du pamphlet politique et philosophique, Franchemont était un audacieux et merveilleux remueur de pensées et de paradoxes, un bel athlète de polémiques, n'estimant la littérature que comme un formulaire d'idées sociales, méprisant la poésie, insensible à la musique des phrases; un homme non tant du parti que de la doctrine de la force, ...
E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 147. − Spéc., RELIG. CHRÉT. Athlète de la foi, athlète de Jésus-Christ ou absol. Personne qui lutte (jusqu'à la mort) pour défendre sa foi, martyr(e) : 8. Je lis l'abbé De Lamennais (...) c'est une conscience de martyr, toujours prête à s'immoler à ce qu'il croit la vérité, une conscience qui, comme la mienne, ne le laisse pas dormir, mais qui l'éveille en sursaut quelquefois au milieu d'un rêve qu'il prend pour une réalité. C'est un grand athlète antique qui ne craint pas d'ôter son habit et de combattre nu devant le peuple.
Lamartine, Correspondance,1836, p. 242. PARAD. (Quasi-) synon. combattant, défenseur, émule, héros, lutteur, zélateur. Rem. 1. Dans l'ex. suiv. athlète s'emploie comme premier élément de composé, dans un sens ambivalent (qui relève à la fois de l'accept. B a et B b spéc.) : 9. Malgré la force du soldat qui résiste dans le martyr, il y a un mouvement de douleur qui révèle bien qu'il est vaincu : − les genoux portent en dedans comme les genoux d'une femme. − Ce mouvement est très beau. − Dans un sujet pareil, abordé avec cette hardiesse qui conçoit Sébastien en athlète-martyr et le muscle pour expliquer cette masse de flèches sous laquelle il périt et qui ne l'a pas renversé encore, il n'y a que Van Dyck au monde qui pût introduire cette incroyable élégance, − l'élégance dans la force presque massive, l'élégance dans la plus physique des douleurs!
Barbey d'Aurevilly, 3eMemorandum,1856, p. 39. Rem. 2. Athlète a parfois servi, p. métaph., personnification, à désigner une chose concr. ou abstr. qui, par sa vigueur, sa combativité, etc., rappelle l'athlète : 10. ... le tronc des jeunes arbres sortit de là-dessous, lisse, éclatant, de couleur tendre, agréable au toucher, à la vue. On eût dit de beaux athlètes nus, frottés d'huile, vigoureux, aux muscles tendus.
Gide, Journal,1916, p. 553. 11. Je vous remercie de cette grande lecture. Votre style a des muscles d'athlète, vous convainquez, et vous vainquez.
Hugo, Correspondance,1864, p. 465. Rem. 3. Athlète est donné comme masc. par tous les dict.; pourtant, certains dict. à partir de l'Ac. 1932, signalent la possibilité d'emploi au fém. C'est sans doute en raison de son apparition tardive que la forme fém. a été remplacée, chez certains aut., par une expression périphrastique (athlètes féminins : cf. Huysmans, L'Art moderne, 1883, p. 44) ou néologique (athlétesse : cf. Queneau, Loin de Rueil, 1944, p. 78). Rem. 4. On rencontre dans la docum. le néol. athlétiser (s'), verbe trans.; dér. de athlète*, suff. -iser*. Sp., Donner, prendre la force, la résistance d'un athlète. ,,Le garçon soi-disant souffreteux et débile dont j'ai toujours pensé qu'il nous enterrerait, peu à peu « s'athlétise », comme parlent nos sportifs; plus de foulard, plus de tricots, plus de mitaines aux poignets.`` (Blanche, Mes modèles, 1928, p. 204). PRONONC. : [atlεt]. ÉTYMOL. ET HIST. − [1327 d'apr. Bl.-W.1; 1495 d'apr. Bl.-W.5: Jean de Vignay, Miroir historial?]; 1545 antiq. (Guill. Gueroult, Hist. des plantes, 514 ds R. Hist. litt. Fr., t. 2, p. 265 : Les lutteurs nommez des Grecs athletes); 1611 « celui qui pratique les sports athlétiques » (Cotgr.); 1554 fig. (J. de Maumont, Delb. Rec. ds DG : Athletes de Jesus Christ).
Empr. au lat. athleta (lui-même empr. au gr. α
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ς; v. Kl. Pauly, s.v.
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́), attesté dep. Varron au propre (Men., 162 ds TLL s.v., 1034, 85) et au fig. (Rust., 3, 5, 18, ibid., 1036, 64). STAT. − Athlète. Fréq. abs. littér. : 326. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 313, b) 619; xxes. : a) 261, b) 629. Athlétiser. Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Amsler 1971. − Archéol. chrét. 1924. − Bible 1912. − Bouillet 1859. − Foi t. 1 1968. − Lavedan 1964. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814. |