| ARRACHEMENT, subst. masc. A.− [L'accent est mis tantôt sur l'action, tantôt sur l'obj. de l'arrachement] Action d'arracher; résultat de cette action. Souvent synon. de arrachage.:
1. Prendre le jus qui s'écoule d'une plaie d'arrachement d'une patte d'écrevisse puisqu'il doit en sortir une autre patte.
C. Bernard, Cahier de notes,1860, p. 58. 2. La Matutina courait (...) sa bonne quille ventrue adhérait au flot comme à de la glu. La quille résistait à l'arrachement de l'ouragan.
Hugo, L'Homme qui rit,t. 1, 1869, p. 99. 3. Et comme c'est habile, au point de vue de l'intérêt, de n'avoir donné aucun détail sur ses rapports avec son second amant, qui a été son seul amant bien entendu. Grâce à l'arrachement des derniers feuillets du manuscrit, elle reste pure dans le souvenir du lecteur. Mais ce qui écrase tout, c'est l'enterrement, les enfants qu'on lève sur le cadavre, et la saoulerie finale. Énorme, mon cher ami, énorme!
Flaubert, Correspondance,1873, p. 91. − Spécialement 1. ARCHÉOL. Fragments de ruines : 4. Les Romains ont laissé à ce délicieux pays deux ou trois tours de guerre, des tombeaux, entre autres la sombre et touchante épitaphe de Julia Alpinula, des armes, des bornes milliaires, la grande voie militaire qui balafre ces admirables vallées depuis le Valais jusqu'à Avenches, par Vevey et Attalins, et dont on découvre encore çà et là quelques arrachements. Les Grecs lui ont laissé des processions-pantomimes qui rappellent les théories, et où il y a des jeunes filles couronnées de lierre qu'on traîne sur des chars.
Hugo, Le Rhin,1842, p. 406. 2. ARCHIT., MAÇONN. Ensemble des pierres en attente* formant saillie et destinées à recevoir les pierres d'une construction future. − Au plur. Arrachements d'une voûte. Premières pierres d'une voûte destinées à faire la jonction entre la retombée de la voûte et le mur. Rem. Emploi attesté dans les principaux dict. gén. du xixeet du xxes. à partir de Ac. 1798. 3. GÉOMORPHOL. Inégalités d'un sol bouleversé. Rem. Attesté au xixes. à partir de Boiste 1834 et surtout dep. Ac. Compl. 1842. 4. PHYS. ATOMIQUE. ,,Phénomène par lequel une particule de grande vitesse provoque le départ d'une particule attachée à un ensemble.`` (Musset-Lloret 1964) : 5. ... il avait ainsi pu prouver, par l'étude des trajectoires des rayons radioactifs, qu'un noyau d'azote pouvait être transmuté par arrachement d'un proton; ce processus donne naissance à un noyau d'oxygène. Douze ans plus tard, son élève James Chadwick, à la suite de travaux des écoles allemandes et françaises, réussissait à démontrer l'existence du neutron en bombardant des éléments légers avec les rayons du polonium.
Goldschmidt, l'Aventure atomique,1962, p. 19. B.− P. anal. et au fig. Souffrance morale causée par la rupture avec quelqu'un ou quelque chose que l'on aime et apprécie : 6. Je n'ai ressenti auprès d'aucun d'eux l'éblouissement que ton frère me causait. Quels voyages il m'a fait faire dans le bleu, celui-là! et comme je l'aimais! Je crois même que je n'ai aimé personne (homme ou femme) comme lui. J'ai eu, lorsqu'il s'est marié, un chagrin de jalousie très profond; ç'a été une rupture, un arrachement! Pour moi il est mort deux fois et je porte sa pensée constamment comme une amulette, comme une chose particulière et intime.
Flaubert, Correspondance,1863, p. 72. 7. Partir est pour moi, presque toujours, un arrachement, même s'il s'agit de quitter un endroit où l'on a souffert, et je n'ai pas toujours été malheureux à Blythewood Road, loin de là, malgré la guerre. J'y ai connu des heures d'espoir et de vrai bonheur grâce à la bonté de ma cousine.
Green, Journal,1945, p. 211. Rem. On notera également les emplois fig. construits avec prép. arrachement à qqn ou qqc. (aux habitudes, aux bras maternels); cf. arracher à, arrachement de... (l'âme d'avec le corps). PRONONC. : [aʀaʃmɑ
̃]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1260 archit. erracement « sommier des voûtes, première pierre d'un arc à sa naissance » (Villard de Honnecourt, Album, p. 163, Lassus ds Gdf., s.v. esrachement : Par chu bevum erracement jagiis sans molle par on membre); 1676 arrachement id. (A. Félibien, Des Principes de l'archit., de la sculpt., de la peint. et des autres arts qui en dépendent, Paris, J.-B. Coignard, 1676 : Arrachement. Lorsqu'on oste d'un mur quelques pierres pour y en mettre d'autres qui servent de liaison avec un autre mur que l'on veut bâtir, cette démolition s'appelle arrachement); 2. xives. aracemant « action d'arracher » (Vita J. C. MS ds Du Cange s.v. arancare : Pour chou fist Diex l'arbre esragier, Mil ans après l'Aracemant); 1542 arrachement « id. » (N. de Bris, Instit., fo25 vods Gdf. Compl. : Arrachement d'herbes).
Dér. de arracher*; suff. -ment1*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 153. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Barb.-Cad. 1963. − Baulig 1956. − Chabat t. 1 1875. − Clément (R.). Suite des termes ou expressions à substituer à des mots étrangers ou barbares. Déf. Lang. fr. 1970, no55, p. 37. − Fromh.-King 1968. − George 1970. − Jossier 1881. − Littré-Robin 1865. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Mots rares 1965. − Musset-Lloret 1964. − Noël 1968. − Nysten 1824. − Privat-Foc. 1870. |