| ARISTOCRATE, subst. et adj. I.− Emploi subst. (qqf. sous la forme abrégée péj. pop. aristo). A.− HIST., POL. 1. Partisan de l'aristocratie, en tant que forme de gouvernement : 1. Ce que disait Weiss : « Rousseau, Montesquieu nous feraient croire qu'il n'est au monde d'autres partis que les libres penseurs et les superstitieux, les démocrates et les aristocrates, les royalistes et les républicains. (...) »
Barrès, Mes cahiers,t. 13, 1920-21, p. 8. 2. [Plus partic. et souvent péj.] Partisan, noble ou non, de l'Ancien Régime, à l'époque de la Révolution française : 2. ... [le commissaire de la Convention] − (...) Ce Léopold d'Auverney est un aristocrate, un contre-révolutionnaire, un royaliste, un feuillant, un girondin.
Hugo, Bug-Jargal,1826, p. 269. B.− Membre ou partisan de la noblesse héréditaire : 3. C'est singulier, je suis un aristo, et je trouve qu'il n'y a que moi qui, dans le roman peuple, ait eu de la tendresse, des entrailles pour la canaille.
E. et J. de Goncourt, Journal,1879, p. 16. 4. Au demeurant, le divorce est plus grave que ne le dit Maurras, et ce n'est pas le seul aristocrate, mais tout aussi bien le bourgeois ou l'ouvrier qui lit depuis quelque cent ans et admire Feuillet, non Flaubert; Gustave Droz, non pas Bloy; ...
Paulhan, Les Fleurs de Tarbes,1941, p. 19. − P. ext. Personne privilégiée en raison de la fortune, de la profession ou de certaines qualités propres; membre d'une minorité : 5. Il se décida, non sans angoisse, à mobiliser une partie de son argent, qui était en dépôt à la Nationalbank, sous la garantie d'aristocrates de la finance, tels que Henikstein, Geymüller, Arnstein, surtout Von Eskeles, que tous Beethoven connaissait personnellement.
R. Rolland, Beethoven,t. 1, 1928, p. 41. − P. anal. ou métaph. [En parlant de choses concr. ou abstr.] :
6. Ce soir, chez la princesse, le vieux Franck, plaidant pro domo sua, se plaint que tout soit à la philologie, que le monde scientifique ne veuille plus que des noms, qu'il y ait une convention pour rejeter les idées, ces vieilles aristocrates, selon son expression.
E. et J. de Goncourt, Journal,1883, p. 250. 7. On circule au milieu de pins élégants et droits, jeunes aristocrates élancés, au-dessous desquels les bizarres genévriers se livrent aux contorsions les plus maniérées.
Barrès, Le Mystère en pleine lumière,1923, p. 125. − Pop. Faire l'aristo. Faire le malin (Ch.-L. Carabelli, [Lang. pop.]). − Arg. Aristo. ,,Prisonnier qui a les moyens de prendre sa nourriture à la cantine.`` (G. Delesalle, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., 1896, p. 16). II.− Emploi adj. A.− HIST., POL. [En parlant d'une pers., d'un attribut de la pers. ou d'une collectivité] Qui est partisan du gouvernement aristocratique et, plus particulièrement à l'époque révolutionnaire, de l'Ancien Régime : 8. Mais les factions aristocrates ne sont pas les seules, on doit compter avec les républicaines, et avec tous ceux, en général, qui critiquent l'action de la Législative et de la Convention.
Camus, L'Homme révolté,1951, p. 159. B.− [En parlant d'une pers. ou d'une collectivité] Qui est membre ou partisan de la classe noble; p. ext. qui est privilégié en raison de la fortune, de la profession ou de certaines qualités propres : 9. Mes parents étaient métayers, leur ferme qui était bien sale appartenait au comte de Vigenève. Dès que j'eus atteint l'âge de cinq ans personne ne put plus douter que j'étais sa fille et que ma mère femme d'une petite taille avait fauté avec notre aristocrate patron.
Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 213. − [En parlant d'un inanimé] Qui appartient à une pers. ou au monde noble : 10. Le chaos augmentait : il suffisait de porter un nom aristocrate pour être exposé aux persécutions : plus votre opinion était consciencieuse et modérée, plus elle était suspecte et poursuivie.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 241. 11. Ainsi, ce jour-là, il me demanda, étant un peu compositeur aussi, et capable de mettre quelques vers en musique, si je ne connaissais pas de poète ayant une situation importante dans le monde « aristo ».
Proust, Le Côté de Guermantes 1,1920, p. 265. C.− Au fig. [En parlant d'un animé ou d'un inanimé] Fin, distingué, supérieur comme ce qui est le propre d'un noble : 12. Tout animal qui a un trait admirable est ridicule par un autre. L'albatros, divin dans les airs, marche comme Charlie Chaplin; le paon, aristocrate par le vêtement, est faubourien par la voix...
Maurois, Mes songes que voici,1933, p. 144. − Péjoratif : 13. Je me le représente [Gourmont] ce soir, en pensée, couché là-bas dans cet amphithéâtre d'hôpital, lui si aristocrate, si distant, si dédaigneux.
P. Léautaud, Journal littér.,t. 3, 1910-21, p. 196. Rem. Empl. comme adj., aristocrate est souvent synon. de aristocratique, mais avec une réf. plus directe à la noblesse hist. et/ou une nuance nettement péj. (soulignée parfois par l'antéposition expr., cf. ex. 9). PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [aʀistokʀat]. Dub. transcrit la 3esyllabe du mot par [o] fermé : [-sto-]. Quant à l'abréviation pop. aristo : elle est notée par Passy 1914 qui donne 2 possibilités de prononc. avec [ɔ] ouvert ou [o] fermé (cf. abricot), et par Barbeau-Rodhe 1930 qui transcrit [o] (cf. aussi Mart. Comment prononce 1913, p. 100). 2. Forme graph. : un aristo, des aristos. ÉTYMOL. ET HIST.
A.− Subst. 1550 « membre de l'aristocratie » (Fr. Bonivard, Chron. de Genève, 2epart., t. 2, p. 128 éd. 1831 ds R. Hist. litt. Fr., t. 13, 1906, p. 342 : Tous finalement disent que la chose publique laquelle veult florir et prospérer se doict gouverner par estat de tous troiz attemporé. C'est assavoir premierement par ung monarche ou homme seul qui soit superintendant des aultres deuls : afin que les aristocrates ne fassent leur prouffit entre eulx du bien public, sans avoir regard aux aultres parties du corps politique); repris au xviiies. subst. 1778 (Linguet, Annales, IV, p. 12 ds Proschwitz Beaumarchais, p. 216); 1785, 18 nov. « partisan de l'aristocratie » (Cour. de l'Europe, [XVIII, p. 325] de la Haye, ibid. : Les dissensions entre les aristocrates et les démocrates continuent plus vivement que jamais).
B.− Adj. 1836 « qui appartient à l'aristocratie » (Stendhal, Vie de Henry Brulard, p. 45 : Mon aristocrate famille se serait crue deshonorée si le flambeau n'avait pas été d'argent); 1844 « qui a le caractère d'un aristocrate » (Balzac, La Muse du département, p. 240 : Adolphe est un fils de bonne maison, un cœur aristocrate qui veut rentrer dans la voie des honneurs).
Dér. régressif de aristocratie*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 543. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 116, b) 968; xxes. : a) 812, b) 348. BBG. − Barb. Misc. 18 1936-38, p. 403. − Bruant 1901. − Dub. Pol. 1962, p. 52; pp. 61-63. − Éd. 1967. − Esn. 1966. − France 1907. − Frey 1925, p. 160. − Larch. 1880. − Sain. Lang. par. 1920, p. 68, 98. |