| ARCANE, subst. masc. A.− ALCHIM., au sing. et au plur. Opération secrète; secret de fabrication. Initier aux arcanes du grand œuvre : 1. Les Arabes, admirables précurseurs, médecins et physiciens hors ligne, chimistes pleins de mérite, servirent l'« art hermétique » en dévoilant ses arcanes et en s'efforçant de le dépouiller de ses obscurités qui le rendaient parfois inintelligible.
M. Caron, S. Hutin, Les Alchimistes,1959, p. 118. − P. métaph. : 2. ... il [le cafetier] m'a dit que le lait n'arrivait qu'à six heures; alors je lui ai appris comme quoi de savantes religieuses avaient trouvé qu'on peut le remplacer par un jaune d'œuf. Ce grand arcane n'avait point encore pénétré jusqu'à Châteauroux.
Stendhal, Mémoires d'un touriste,t. 1, 1838, p. 362. 3. À Charles Baudelaire. Croisset, mercredi soir 21 octobre 1857.
Je vous remercie bien, mon cher ami. Votre article m'a fait le plus grand plaisir. Vous êtes entré dans les arcanes de l'œuvre, comme si ma cervelle était la vôtre.
Flaubert, Correspondance,1857, p. 229. − P. méton. Corps fabriqué à l'aide d'un secret de fabrication. − Spéc., CHIM., vx. Nom donné à divers oxydes ou sels métalliques. Arcane corallin. Oxyde rouge de mercure. Arcane double. Sulfate de potassium. Rem. L'emploi adj. « (qui est) secret comme un procédé de fabrication réservé aux initiés » est un archaïsme : 4. Tous ces voyageurs-constructeurs [des cathédrales], ces transporteurs de méthodes et de recettes d'art étaient donc aussi des instruments d'échange, − mais primitifs, personnels et d'ailleurs jaloux de leurs secrets, et tours de main. Ils gardaient arcane ce qu'une époque d'intense culture tend à répandre le plus possible, et peut-être, à trop répandre.
Valéry, Regards sur le monde actuel,1931, p. 238. B.− P. ext. (surtout au sing.). Secret dont la pénétration est réservée à un petit nombre d'initiés. 1. HIST. ECCL. Discipline de l'Arcane. ,,Règle de l'Église primitive (jusqu'au viesiècle) consistant (...) à cacher une partie de sa foi et de son culte (mystères, sacrements, messe) à ceux qui n'étaient pas encore baptisés et initiés ...`` (Marcel 1938). 2. Littér. Synon. noble de mystère ou de secret : 5. [Le vieillard, au peintre] :
− (...) Vous dessinez une femme, mais vous ne la voyez pas! Ce n'est pas ainsi que l'on parvient à forcer l'arcane de la nature.
Balzac, Le Chef-d'œuvre inconnu,1831, p. 9. 6. La langue philosophique avait trop d'arcanes pour moi et je ne saisissais pas l'étendue des questions que les mots peuvent embrasser;...
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 4, 1855, p. 365. 7. Une des choses les plus comiques de ce temps, c'est l'arcane théâtral. On dirait que l'art du théâtre dépasse les bornes de l'intelligence humaine, et que c'est un mystère réservé à ceux qui écrivent comme les cochers de fiacre.
Flaubert, Correspondance,1874, p. 132. − En partic., au plur. [En parlant des secrets de la nature] Soumis à l'investigation scientifique : 8. Au début du xxesiècle, quelle confusion régnait quand on essayait de pénétrer dans les arcanes de la pathologie du rein!
Ce que la France a apporté à la méd. dep. le début du XXes.,1946, p. 199. Rem. Le genre fém. du subst. est rare; dans l'ex. suiv. il est dû à l'analogie (sans doute voulue) de archives, dont le mot a le sens : 9. Au Vatican, n'y a-t-il plus rien dans les arcanes secrètes?
E. et J. de Goncourt, Journal,1864, p. 83. PRONONC. : [aʀkan]. ÉTYMOL. ET HIST.
A.− Subst. 1. a) début xives. « secret, opération mystérieuse » (R. de Pise, Marco Polo, ch. XCV ds Gdf. Compl. : Et est establie en tel maniere que l'en puet bien dire que le grant sire ait l'arquenne parfaitement et selon raison); fin xives. « id. » archane (O. de Saint-Gelays, 6oLiv. de l'Enéide, 49 v. [1540] ds Quem.); d'où b) 1631 alchim. « préparation mystérieuse qu'utilisaient les alchimistes » (Les 14 Livres des Paragraphes de Paracelsus, 3, ibid. : Quelles sont la podagre, l'epilepsie, la paralisie, l'hidropisie, la verolle, et la lepre, d'autant que les Arcanes ou formes extraites de leur masse corpelle); c) 1938 hist. eccl. (Marcel, supra); 2. 1751 chim. arcane corallin (Encyclop. t. 1 : Arcane corallin. C'est le précipité rouge adouci par l'esprit de vin); 1763 id. arcane double (Pharmacopée de Lemery, 16 et Table [1751, Encyclop. arcanum duplicatum]); 1803 technol. (Boiste).
B.− Adj. 1504 « secret » (Lemaire, Temple d'honn. et de vertu ds Gdf. Compl. : Lesquelz ... se prosternerent devotement en terre, louans la divine clemence qui leur avoit permys la fruition des choses si haultaines et si archanes); qualifié de ,,vx`` par Rob.
A empr. au lat. arcanum, plur. arcana, au sens 1 a, Virgile, Den., I, 262 ds TLL s.v. arcanus, 436, 76; sens 1 c, Ovide, Met., 7, 256, ibid., 437, 76; en relat. avec la relig. chrét. : Tertullien, Praescr. 22 ds Blaise; 2 dér. de 1; B empr. au lat. arcanus « secret » Cicéron, Fin. 2, 85 ds TLL s.v., 434, 77. STAT. − Fréq. abs. littér. : 84. BBG. − Bouillet 1859. − Bouyer 1963. − Deux mots d'étymologie. Vie Lang. 1956, p. 497. − Duval 1959. − Foi t. 1 1968. − Littré-Robin 1865. − Marcel 1938. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Nysten 1824. − Plais.-Caill. 1958. − Spr. 1967. − Timm. 1892. |