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APPÉTIT, subst. masc.
I.− Inclination liée à une fonction naturelle, ayant pour objet le bien-être de l'organisme :
1. L'appétit se distingue particulièrement du désir en ce qu'il n'est pas constant, mais périodique, et qu'apaisé pour un temps il renaît après des intervalles déterminés. Cousin, Hist. de la philos. mod.,1847, p. 583.
A.− Plus spéc.
1. Désir sexuel. Appétit sensuel, sexuel :
2. L'amour, pour le monde, n'est qu'un appétit charnel, ou un penchant vague que la jouissance éteint et que l'absence détruit. Voilà pourquoi tu as entendu dire, par un étrange abus de mots, que les passions ne duraient pas. Hugo, Lettres à la fiancée,1821, p. 54.
2. Désir de manger. Grand appétit, perdre l'appétit, satisfaire l'appétit :
3. ... le corps humain, cette machine si compliquée, serait bientôt hors de service, si la providence n'y avait placé un ressort qui l'avertit du moment où ses forces ne sont plus en équilibre avec ses besoins. Ce moniteur est l'appétit. On entend par ce mot la première impression du besoin de manger. Brillat-Savarin, Physiol. du goût,1825, p. 59.
4. Capevirade avait faim mais pas d'appétit, pas d'amitié pour les aliments. A. Arnoux, Double chance,1958.
Appétit de loup. Grand, violent appétit. (Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixeet du xxesiècle).
Appétit d'oiseau. Très petit appétit (cf. Lar. encyclop., Lar. Lang. fr.).
Bon appétit. Souhait que l'on adresse à quelqu'un qui mange ou va manger :
5. − Bon appétit, dit Mathieu. Ils rirent : tout le monde savait qu'il n'y avait plus rien à manger dans le village;... Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 137.
Au fig., p. iron. (cf. Hugo, Ruy Blas, 1838, III, 2).
Couper l'appétit. Ôter l'appétit, l'envie de manger, la faim (cf. Lar. 19e, Guérin 1892).
SYNT. Appétit formidable, furieux, féroce, vorace; robuste appétit; aiguiser, exciter, assouvir, réveiller l'appétit.
3. [S'applique également aux animaux en parlant de leurs inclinations] :
6. « (...) Il faut les voir [les bestiaux] libres dans nos champs, plus libres encore dans nos forêts, où ils passent une partie de leur vie; c'est là que l'expérience développe leurs facultés, et que, dans plusieurs circonstances, l'instinct m'a paru s'élever au niveau de la raison ». « Ainsi que nous, les êtres doués de cette première faculté ont des passions, c'est-à-dire, des appétits qui les excitent, des desirs, des rapports entr'eux, sur-tout dans un grand troupeau; conséquemment, des nuances dans leurs caractères; ... » Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie,t. 2, 1801, p. 256.
B.− P. ext. Désir vif, goût prononcé et presque sensuel pour un objet autre que la satisfaction d'un besoin naturel de l'organisme. Appétit d'argent, de gloire :
7. J'ai dit que les esprits les plus romanesques étaient les plus positifs, et, quoique cela ressemble à un paradoxe, je le maintiens. Le penchant romanesque est un appétit du beau idéal. Tout ce qui, dans la réalité vulgaire, gêne cet élan est facilement mis de côté et compté pour rien par ces esprits logiciens à leur point de vue. G. Sand, Histoire de ma vie,t. 3, 1855, p. 15.
8. Je ne donne pas, cependant, Maurice de Saxe en tout comme un sage; il avait aussi ses exigences à lui, ses appétits de cupidité, ses bouffées d'ambition. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 11, 1863-69, p. 103.
9. Nous aurons à montrer plus loin pourquoi la langue courante parle du besoin en un sens plus large : besoin de lumière, de musique, d'amitié, etc.; il semble dès le début que cette extension de sens tient à deux raisons : les besoins au sens large ont une ressemblance matérielle avec les appétits par la note de manque qu'elles comportent et la révélation affective généralisée d'une lacune au cœur de l'existence; ... Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 85.
SYNT. Appétit d'autorité, de domination, de gain; − de bonheur, d'héroïsme, d'indépendance; − de malheur, de vengeance.
C.− Loc. et proverbes (attestés ds la docum. et/ou ds les dict. généraux)
À l'appétit de, loc. prép. ,,Faute de vouloir dépenser, ou par envie d'épargner. Il a laissé tomber sa maison, à l'appétit d'une centaine de pistoles qu'il fallait dépenser pour la réparer. À l'appétit d'un écu, il a laissé mourir un cheval de cinquante louis.`` (Ac. 1835).
Rem. Enregistré ds la plupart des dict. gén. du xixes.; n'est plus attesté ds ceux du xxesiècle.
L'appétit vient en mangeant. Au fig., plus on a de biens ou d'honneurs, plus on désire en acquérir.
Avec appétit, de tout son appétit, loc. adv. Avec entrain, de tout cœur (cf. Lar. 19e-Lar. 20e).
Avoir l'appétit ouvert de bon matin. Au fig., ,,rechercher prématurément quelque chose d'utile et d'agréable`` (Ac. 1798-1932).
C'est un homme de bon, de grand, de haut appétit, qui a bon appétit. Se dit de quelqu'un qui recherche avec avidité fortune, honneurs, qui veut ajouter à ce qu'il possède et à qui tout semble bon.
Vieilli. Chercher, prendre ses appétits. Choisir les mets pour lesquels on a le plus d'appétit ou de goût.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. seulement.
Demeurer, rester sur son appétit. Au fig., ne pas être entièrement satisfait dans ses désirs, ses goûts, ses prétentions.
Il n'est chère (sauce) que d'appétit. ,,La faim assaisonne tous les mets.`` (Ac. 1798-1932).
II.− Emplois spéc.
A.− PHILOS. SCOLAST. Tendance qui porte l'âme à désirer le bien connu, qu'il soit sensible (appétit sensible, synon. de désir : concupiscible quand il recherche le bien, irascible quand il évite le mal), spirituel ou rationnel (appétit raisonnable ou rationnel, synon. de volonté) :
10. Dans l'ordre moral, les premiers faits qui se rencontrent sont encore du nombre de ceux où l'âme se montre passive : c'est pourquoi on les nomme excellemment passions. Il serait long de les énumérer. Mais toutes se ramènent à des dispositions antérieures, qu'on appelle appétits. Il y a trois sortes d'appétits : le premier, naturel, qui n'a point conscience de soi, et qui est la tendance irrésistible de tous les êtres physiques à la satisfaction de leurs besoins; le second, sensitif, qui a son mobile externe dans les choses sensibles, et qui est concupiscible, ou irascible, tour à tour; le troisième, intellectuel, dont l'objet n'est appréciable qu'à la pensée. Ozanam, Essai sur la philos. de Dante,1838, p. 139.
11. Dans le domaine des faits, Platon avait ébauché une classification des opérations mentales, qui distinguait l'intelligence, les émotions nobles et les appétits inférieurs; la classification d'Aristote, sans se libérer des préoccupations ontologiques, apparaît plus méthodique en définissant quatre fonctions de l'âme : nutritive, sensitive, motrice, intellectuelle. Hist. de la science,1957, p. 1630.
B.− ART CULIN., surtout au plur. Hors-d'œuvre ou assaisonnements excitant l'appétit.
1. Nom donné à certaines herbes apéritives (ciboule, ciboulette, etc.) utilisées dans les salades ou dans les sauces pour en relever le goût :
12. Nous avons l'honneur d'habiter le même hôtel que cette jeune et illustre personne, affublée d'une tendre mère de Bordeaux qui à table d'hôte réclame des « appétits » dans la salade... A. Daudet, Numa Roumestan,1881, p. 187.
2. Harengs n'ayant reçu qu'un demi-apprêt, peu salés et peu fumés.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixeet du xxesiècle.
PRONONC. ET ORTH. : [apeti]. Littré indique que le t ne se lie pas, contrairement au s de plur. Enq. : /apeti/. Fér. Crit. t. 1 1787 admet une var. graph. apétit.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1180 « vif désir de qqc. » (Vie de St Evroult, 2237 d'apr. Barb. Misc. t. 2 1925, p. 94 : Donner don grant ou petit Par amour o grant apetit); 1370-72 philos. appetit sensitif « faculté de désirer » (Oresme, Ethiques, 54 ds Littré : Encore appert il que l'appetit sensitif obeist aucunement à raison), repris dep. Rich. 1680; ca 1398 loc. adv. à l'appétit de « à cause du désir de » (E. Deschamps, Poesies, Richel. 840, fo55a ds Gdf. : A apetit d'aucuns fault estre duit, Et que francs cuers au felon s'umilie), qualifié de ,,vieilli``, par Ac. 1835; av. 1695 « désir amoureux » (La Fontaine, Serv. ds Littré : Fille pleine de suc et donnant appétit); 2. ca 1256 appetit « désir [de nourriture] » (Alebrant, fo16 ds Littré : Il ara petit appetit de mengier et grant talent de boire); 1534 absol. (Rabelais, Gargantua, ch. 23, ligne 54, éd. Lefranc, 1913, p. 219); 1534 proverbe l'appétit vient en mangeant (Id., Ibid., ch. 5, ligne 108, ibid., p. 62); 1573 id. fig. (Du Verdier, Prosopographie ds Dict. Hist. Ac. fr. t. 3, p. 421); 1546 loc. ouvrir l'appétit (Rabelais, Tiers livre, ch. 2, ligne 114, éd. Screech, 1964, p. 34); av. 1695 bon appétit (La Fontaine, Fables, I, 18 ds Dict. hist. Ac. fr. t. 3, p. 420). Empr. au lat. appetitus « vif désir » (Cicéron, Fin., 2, 32 ds TLL s.v., 282, 4; spéc. en parlant de nourriture (ves., Caelius Aurelianus, Chron., 2, 14, 198, ibid., 282, 53).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 059. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 192, b) 3 866; xxes. : a) 3 442, b) 2 744.
BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Bach.-Dez. 1882. − Baudr. Pêches 1827. − Bouillet 1859. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Darm. Vie 1932, p. 66. − Dub. Pol. 1962, p. 72, 187. − Dumas 1965 [1873]. − Foi t. 1 1968. − Foulq.-St-Jean 1962. − Franck 1875. − Goblot 1920. − Gottsch. Redens. 1930, p. 50, 159. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Lafon 1969. − Lal. 1968. − Lar. méd. 1970. − Lar. mén. 1926. − Le Roux 1752. − Littré-Robin 1865. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Mont. 1967. − Nysten 1824. − Pierreh. 1926. − Pierreh. Suppl. 1926. − Piéron 1963. − Piguet 1960. − Pomm. 1969. − Privat-Foc. 1870. − Remig. 1963.