| ANIMAL1, AUX, subst. masc. A.− [P. oppos. aux règnes végétal et minéral] Être vivant, organisé, élémentaire ou complexe, doué de sensibilité et de mobilité : 1. À un poteau peint de diverses couleurs étoit attaché par un pied, au bout d'une longue corde, un écureuil, symbole de la vie chez les sauvages. L'animal agile tournoit autour du poteau, descendoit, remontoit, descendoit encore, sautoit, couroit sur le gazon, puis regagnoit le haut du poteau, où il se tenoit planté sur les pieds de derrière, en se couvrant de sa queue de soie : ...
Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 469. 2. Si le chien avait suivi un civil français, je n'y aurais même pas pensé. J'imaginais au contraire ce sympathique animal devenu mascotte d'un régiment allemand et cela me mettait en fureur.
Camus, La Chute,1956, p. 1536. Rem. Il est parfois difficile de distinguer ,,l'animal du végétal et l'on peut même se demander s'il y aurait lieu de maintenir cette distinction pour les formes organiques les plus élémentaires.`` (Lal. 1968). − Animal raisonnable, supérieur... L'homme : 3. L'homme n'est ni une âme, ni un animal. L'homme est un animal transformé par la raison et uni à l'humanité.
P. Leroux, De l'Humanité,t. 1, 1840, p. 116. 4. L'homme est donc un animal vivant en société.
Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?1840, p. 299. Rem. L'origine aristotélicienne et thomiste du syntagme ressort bien d'un ex. comme celui-ci : 5. Animal raisonnable, l'être humain semble posséder en soi plus que la forme de son corps; ...
Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,t. 1, 1931, p. 182. B.− Cour. [Dans un sens restreint et p. oppos. à l'homme] Être animé (cf. supra A) privé de raison : 6. ... par l'effet de la sensibilité organisée dans des appareils particuliers appelés sens, l'animal est entièrement différent du végétal; et de même, par l'effet de la raison, l'homme est un être essentiellement différent de l'animal.
P. Leroux, De l'Humanité,t. 1, 1840, p. 111. 7. L'amour humain ne se distingue du rut stupide des animaux que par deux fonctions divines : la caresse et le baiser.
P. Louÿs, Aphrodite,1896, p. 106. Rem. Animal/bête/brute. ,,Animal comprend tous les êtres organisés vivants; bête caractérise une classe d'animaux par opposition à l'homme; brute indique les sortes de bêtes livrées à l'instinct le plus grossier.`` (Bonnaire 1835). − Locutions ♦ Le roi des animaux. Périphrase servant à désigner le lion. ♦ Animaux purs, animaux impurs. Distinction établie par la loi mosaïque et déclarant impropres à l'alimentation, certains animaux tels que l'âne, le chameau, le porc, le lièvre, etc. − En partic. et par restriction de sens. S'emploie surtout pour désigner des bêtes d'une certaine taille (p. oppos. aux insectes) et vivant en milieu terrestre (p. oppos. aux oiseaux, aux poissons...) : 8. Un silence profond régnait autour d'Oswald et de Corinne; leurs guides eux-mêmes s'étaient retirés dans l'éloignement; et comme il n'y a près du cratère ni animal, ni insecte, ni plante, on n'y entendait que le sifflement de la flamme agitée.
Mmede Staël, Corinne,t. 2, 1807, p. 303. 9. L'enfant tue les insectes qu'il trouve, les petits oiseaux, tous les petits animaux qui lui tombent sous la main.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Fou, 1885, p. 1011. SYNT. Les syntagmes animal marin, aquatique montrent que l'usage même courant qualifie d'animal d'autres animaux que ceux qui vivent en milieu terrestre. Autres syntagmes bel, énorme, frêle, gros, magnifique, minuscule, noble, pauvre, petit, redoutable, sot, superbe, vil,... animal; animal antédiluvien, apprivoisé, carnassier, carnivore, chimérique, craintif, docile, domestique, empaillé, exotique, fabuleux, familier, farouche, féroce, fidèle, fossile, frugivore, héraldique, herbivore, hibernant, immonde, imparfait, inférieur, inoffensif, insectivore, intelligent, invertébré, microscopique, nocturne, nuisible, ovipare, préhistorique, sauvage, savant, sociable, symbolique, utile, venimeux, vertébré...; classification, comportement, domestication, dressage, instinct, intelligence, mœurs... d'un animal, des animaux; animal, animaux de basse-cour, de boucherie, de laboratoire... Plusieurs de ces syntagmes montrent qu'un certain anthropomorphisme (hérité p. ex. du Roman de Renard) règne dans la qualification des animaux : animal frêle, pauvre, sot, vil, etc. Inversement le mot animal s'emploie pour qualifier l'homme. Cf. infra. C.− Fam. [En parlant de l'homme] 1. [Avec une valeur affective non dégradante, et gén. avec un adj. ou un déterminatif valorisant] Personne considérée dans son être physique, envers laquelle on éprouve un sentiment d'affection, de sympathie, voire d'admiration. a) [P. réf. aux sens A et B] − [Avec un article déf. à valeur emphatique-démonstrative] :
10. Monseigneur tourne à l'hypocondrie, et l'animal a plus de talent que jamais! Il fait des pièces de vers détachées superbes, mais ne trouve pas de sujet de drame : c'est là ce qui le désole et lui fait prendre le genre humain en haine.
Flaubert, Correspondance,1868, p. 354. − [P. réf. à un animal petit ou à un petit d'animal] :
11. ... presque tout de suite il a levé la tête, il a repoussé son fauteuil en souriant, il m'a entourée de son bras :
− Mon pauvre petit animal! Tu t'amènes comme ça toute seule! J'allais partir te chercher.
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 491. b) [P. réf. au sens B] :
12. En vérité, il y aurait plaisir à laver, peigner, parfumer ce bel animal, à le dresser, à lui apprendre son métier de femme et à l'initier à la vie des sensations pour laquelle elle fut créée (à moins que la Providence n'y voie goutte) de toute éternité.
Barbey d'Aurevilly, 1erMemorandum,1836, p. 17. 13. Après tout cette brave Blanche Ligneul, l'animal le moins égoïste qu'ait jamais porté la terre, n'obéissait-elle pas à un juste instinct en maintenant sa fille à la première attache venue.
Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 164. 2. [Avec une intention dégradante, par réf. au sens B, gén. construit avec un adj. dém.] a) P. iron. [Pour rabattre l'orgueil ou les prétentions de l'espèce humaine] :
14. Il y a des physiologistes, il y a des historiens, peut-être trouverait-on des philologues quoique cet animal soit d'une extrême rareté, à ce qui me semble, sous la latitude de Paris, ...
Gobineau, Correspondance[avec Tocqueville], 1854, p. 207. 15. ... et dans toute l'île il n'existe d'autres animaux dangereux que quelques colons européens; ...
Loti, Le Mariage de Loti,1882, p. 123. b) Péj. [Pour exprimer l'agacement à l'égard d'un fâcheux, d'un être inintelligent, etc.] :
16. ... peu d'instants après, on est venu me dire que le colonel anglais (...) m'attendait chez moi. J'ai fait signe que j'étais avec l'empereur, qui m'a dit quelques minutes après : « Allez voir, mon cher, ce que vous veut cet animal. »
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 2, 1823, p. 391. 17. Noël Schoudler, qui n'avait plus de secrets pour Simon Lachaume, apprenant à ce dernier la mort de Lulu, lui dit : − Et savez-vous ce que cet animal-là a encore trouvé pour nous em..., car il n'y a pas d'autre mot? Eh bien il a fallu qu'il aille finir à l'hospice!
Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 255. − [En constr. affective-expressive] :
18. Et le malheureux Benoît y descendit à peine vêtu, sans armes, sans chapeau... au moment où le maudit porte-voix répétait encore avec le même accent, avec la même mesure : « Ohé! du brick, envoyez une embarcation à bord avec le capitaine dedans. − Le capitaine dedans... le capitaine dedans... Il y est, bigre d'animal, dedans... »
Sue, Atar-Gull,1831, p. 9. 19. Madame Isotta a autant d'esprit que de vertu, et en outre la tête froide. Avec elle, pas à craindre les lubies ni les poussées de sang de son animal de mari.
Montherlant, Malatesta,1946, I, 4, p. 445. ÉTYMOL. ET HIST. − Fin xiies. « être organisé, doué de certaines facultés » (Ep. S. Bern., fo72 rods Gdf. Compl. : Receovre doit om dons a l'abitaciun des celles ceos ki animal sunt et humle et povre d'esprit, mais por ceu k'il racioneil devignent et espiriteil ne mie por ceu ke cil ki jai sunt parvenuit a teil estaige retorcent a[r]iere et se devignent animal); 1537 sens péj. « sot » (B. Desperiers, Cymbal., 140, ibid. : De vouloir escouter la cause d'ung pauvre animau que je suis).
Empr. au lat. animal, animalis « être vivant », formé sur anima « souffle de la vie, principe vital », (Cicéron, Ac., 2, 37 ds TLL s.v., 77, 67); empl. comme terme d'injure (Id., Verr., 1, 42, ibid., 82, 58). BBG. − Alleau 1964. − Archéol. chrét. 1924. − Bach.-Dez. 1882. − Baudr. Chasses 1834. − Bible 1912. − Blanche 1857. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Canada Suppl. 1930. − Chass. 1970. − Darm. Vie 1932, p. 60. − Dheilly 1964. − Divin 1964. − Éd. 1967. − Foulq.-St-Jean 1962. − Gottsch. Redens. 1930, p. 27. − Gramm. t. 1 1789. − Grand'Combe (F. de). Animaux et Animals. Vie Lang. 1955, pp. 502-503. − Guilb. Aviat. 1965. − Julia 1964. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Lal. 1968. − Lar. comm. 1930. − Lar. méd. 1970. − Lar. mén. 1926. − Lemeunier 1969. − Littré-Robin 1865. − Marcel 1938. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Nelli 1968. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1824. − Plais.-Caill. 1958. − Privat-Foc. 1870. − Réau-Rond. 1951. − Réau-Rond. Suppl. 1962. − Rog. 1965, p. 38. − St-Edme t. 1 1824. − Tondr.-Vill. 1968. − Théol. bibl. 1970. − Viollet 1875. |