| ANALOGUE, adj. et subst. I.− Emploi adj. [Souvent avec un compl. prép. à] Qui présente une analogie. (Correspond à analogie* A). A.− En gén. Comparable sous certains rapports. Synon. semblable, équivalent. 1. [En parlant de pers.] Rare : 1. On peut faire une observation semblable sur les peuples chrétiens en général, beaucoup plus vrais ou plus analogues dans leur langage que les Grecs et les Latins, mais plus ou moins analogues entre eux dans leur idiome particulier, selon qu'ils obéissent à des lois plus ou moins naturelles de société politique; ...
L.-G. A. de Bonald, Législation primitive,t. 1, 1802, p. 61. 2. ... il va de soi − et c'est cela qui donne, non plus au drame cette fois, mais à la musique de Debussy sa pénétration deux fois poignante − que grâce à la musique précisément l'intimité, l'intériorité sont toutes restituées aux sentiments des personnages, mais restituées en vain, − et c'est ce que je voulais dire par le caractère deux fois poignant de cette musique sans analogue due à ce sans analogue génie.
Ch. Du Bos, Journal,avr. 1927, p. 247. − Analogue à : 3. ... l'homme n'est analogue à Dieu qu'en ce centre de lui-même qui lui est voilé, et il ne peut le rejoindre que par une conversion totale, qui fait de lui un homme « nouveau ».
A. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 56. 2. [En parlant d'un inanimé concr.] Semblable : 4. N'y aurait-il pas quelques végétaux dont on pourrait retirer une substance sucrée, analogue à celle de la canne à sucre, et avec plus de facilité et moins de frais qu'on ne le fait de cette dernière?
Voyage de La Pérouse autour du monde,t. 1, 1797, p. 187. 5. La lune, après le soleil, a le plus d'influence sur la terre dans un rapport égal à celui que l'argent, qui lui est analogue par sa blancheur, a avec l'or; c'est-à-dire que l'argent, à son tour analogue à la lune par son éclat et son nom, ne vaut sous la ligne qu'un peu plus de la douzième partie de l'or.
J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 271. 6. L'univers est un assemblage de systèmes solaires que nous avons tout lieu de croire analogues au nôtre.
H. Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 242. 3. [En parlant d'inanimé abstr.] Qui présente des rapports de similitude : 7. Si mon sort doit être lié au vôtre, croyez que je conserverai bien une idée qui me sera nécessaire : c'est qu'il vous en coûte pour avoir une conduite si peu analogue à la sensibilité dont je m'étais flattée.
G. de Staël, Lettres de jeunesse,1785, p. 44. 8. Quand on compare l'homme avec l'homme, on voit que la nature a mis entre les individus, des différences analogues, et correspondantes, en quelque sorte, à celles qui se remarquent entre les espèces.
P. Cabanis, Rapports du physique et du moral de l'homme,t. 1, 1808, p. 340. 9. Le moindre jugement exige un concours habituel des cinq fonctions intellectuelles, afin d'instituer entre le dedans et le dehors, cette coïncidence durable et unanime qui caractérise la vérité. Il en est de même, à plus forte raison, pour chaque effort de mémoire ou d'imagination, qui souvent exige des inductions et déductions entièrement analogues aux opérations scientifiques.
A. Comte, Catéchisme positiviste,1852, p. 167. 10. La nécessité d'attirer, chaque soir, douze ou quinze cents personnes qui veulent être amusées crée pour le théâtre une situation analogue à ce que serait celle de la librairie, si on ne pouvait publier un livre qui dût avoir moins de dix mille lecteurs.
E. Renan, Drames philosophiques,1888, p. 373. 11. ... j'excelle à saisir les rapports les plus généraux, c'est-à-dire à m'élever vers l'unité en fondant l'un dans l'autre les caractères analogues. Je surprends les identités là où d'autres ne voient que des différences, je retrouve la continuité sous l'hétérogénéité apparente.
J. Rivière, Alain-Fournier, Correspondance,lettre de J. R. à A.-F., juin 1906, p. 123. 12. ... un degré de plus de gravité et l'on devine leurs pensées, spécialement leurs pensées ridicules, qui sont toutes connues; un degré encore, et on leur vole leur pensée, leur digestion. Janet a groupé ces divers troubles sous le nom de « sentiment d'emprise ». Analogue est la mentalité du paranoïaque persécuté : il s'est retiré du dehors jusque dans ses derniers retranchements, et dès lors il ne peut voir que sous l'aspect de l'hostile ce monde qui vient battre contre ses murs et qui lui est maintenant totalement étranger.
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 534. B.− Emplois techn. [En parlant de choses] 1. ANAT. Organes analogues. Qui offrent les mêmes connexions avec des organes voisins : 13. Viennent ensuite (...) deux artères analogues aux fémorales profondes, qui se détachent de l'aorte à la hauteur du bassin, se portent directement en-dehors, fournissent une artère analogue à l'iléo-lombaire, (...) et vont se distribuer aux muscles extenseurs et adducteurs de la cuisse.
G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparée,t. 4, 1805, pp. 269-270. 2. LING. Langues analogues. ,,Terme employé quelquefois par opposition à transpositives. Il désigne les langues dont la syntaxe et la construction sont soumises à l'ordre analytique parce que le discours y suit la gradation analytique des idées : leur marche est donc analogue et en quelque sorte parallèle à celle de l'esprit, dont elles suivent pas à pas les opérations. Ce terme, employé pour la première fois dans cette acception par l'abbé Girard, ne se trouve guère que dans les ouvrages de ce grammairien.`` (Bach.-Dez. 1882; cf. aussi Mar. Lex. 1951) : 14. Le plus profond de nos grammairiens, l'abbé Girard, pense, et, je crois, avec raison, que la révolution qui s'opéra dans le langage, et que rien n'oblige à croire instantanée pas plus que la création, fut la division en langage analogue, ou conforme à l'ordre naturel des êtres, langage vrai, conservé dans l'Antiquité chez le peuple où se conserva le dépôt de toutes les vérités, et le langage transpositif, ou contraire à l'ordre naturel des êtres : langage faux, et par cela plus propre aux passions, comme le remarque Diderot, et que l'on retrouve chez toutes les nations...
L.-G. A. de Bonald, Législation primitive,t. 1, 1802, p. 60. 3. PHILOSOPHIE : 15. On n'aboutira pas nécessairement, comme l'a fait Aristote, à un monde constitué par des sphères concentriques tournant sur elles-mêmes. Mais on sera conduit à une cosmologie analogue, je veux dire à une construction dont les pièces, pour être toutes différentes, n'en auront pas moins entre elles les mêmes rapports.
H. Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 327. a) PHILOS. et THÉOL. THOMISTE. [En parlant de l'analogie de Dieu et des créatures] :
16. Dans un univers chrétien, où les êtres sont créés par l'être, toute créature est un bien, analogue du Bien.
É. Gilson, L'Esprit de la philosophie médiévale,t. 2, 1932, p. 82. b) ÉPISTÉMOLOGIE. Classifications analogues. ,,Deux classifications ou deux partitions, deux séries ou deux placements sont « analogues » s'ils obéissent aux mêmes règles opératoires et que l'on peut donc effectuer une correspondance biunivoque entre leurs opérations respectives, mais que les notions groupées sont différentes.`` (Piaget, Archives de psychologie, t. 28, 1941, p. 267 ds Battro 1966, s.v. analogie). II.− Emploi subst. (gén. masc.) [Avec parfois un compl. prép. de] A.− Lang. commune, rare. Qui répond à la même définition. Synon. équivalent, homologue, pendant. 1. [En parlant de pers.] :
17. ... si on ne veut juger Napoléon qu'à côté de ses analogues et de ses pairs, c'est-à-dire à côté des fondateurs de dynasties, ou de ceux qui sont parvenus au trône à la faveur des troubles; alors, nous ne craignons pas de le dire, il se montre sans égal, il brille pur au milieu de tout ce qu'on lui oppose.
E.-D. de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 117. 2. [En parlant d'un inanimé] :
18. Ce n'est point comme dans notre ténébreuse demeure, où les sons ne peuvent se comparer qu'avec des sons, les couleurs qu'avec des couleurs, une substance qu'avec son analogue; là tout étoit homogene.
L.-C. de Saint-Martin, L'Homme de désir,1790, p. 80. B.− Emplois spéc. 1. Qui, sans avoir la même forme, présente une grande ressemblance de fonction. a) ANATOMIE : 19. L'hypogastrique, qui naît de celles-ci, se divise presque aussitôt en ombilicale et en une autre branche d'où sortent les analogues de l'iliaque postérieure et l'ischiatique.
G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparée,t. 4, 1805, p. 257. b) GÉOL. et PALÉONT. [En parlant de corps organisés fossiles] :
20. En comparant toutes ces poulettes fossiles avec les poulettes vivantes, j'en ai reconnu plusieurs exactement semblables : il y en a de marines, dont l'analogue pétrifiée n'est pas connue; il y en a plus encore de pétrifiées, dont l'analogue marine n'a jamais été vue.
Voyage de La Pérouse autour du monde,t. 4, 1797, p. 118. c) LING. [En parlant de mots, de loc., de types de discours, etc.] Qui, sans être matériellement identique, remplit des fonctions semblables. Cette locution et ses analogues (Ac. 1835-1932) : 21. ... je trouve que Beauzée a parfaitement prouvé, dans son excellent article, pronom, que tous les autres mots à qui l'on a donné ce nom, ont des fonctions absolument différentes et très-diverses, qui les rangent tous dans d'autres classes, les uns dans l'une, les autres dans l'autre. Nous aurons occasion de nous en assurer dans la suite. Je, tu, et il, et tous leurs analogues, sont donc des pronoms, et les seuls pronoms qui existent.
A.-L.-C. Destutt de Tracy, Élémens d'idéologie, Grammaire, 1803, p. 82. 22. Le mot français qui, et tous ses dérivés, ainsi que tous ses analogues dans les différentes langues, tient toujours la place de la conjonction que et du mot le, ...
A.-L.-C. Destutt de Tracy, Élémens d'idéologie, Grammaire, 1803p. 150. 23. Le véritable analogue verbal de la musique (s'il y en a) est le colloque qui permet tous les passages et tous les − désaccords. Mais pas d'exécutants ou pas de musique et nul de nous n'a encore le grandiose d'exécuter les solos de Mallarmé.
A. Gide, P. Valéry, Correspondance,lettre de P. V. à A. G., oct. 1900, p. 374. 2. MATH. et MUS. a) MATH. ,,Se dit d'un rapport commun qui existe entre une suite de nombres.`` (Lar. 19e). b) MUS. ,,Se dit d'un rapport entre des sons qui forment un accord.`` (Lar. 19e). 3. PHILOS. (thomisme et néothomisme) [En parlant de la créature] Être qui participe de la nature et des attributs de Dieu dans la mesure où il a reçu de lui l'existence : 24. Si donc l'univers chrétien est un effet de Dieu, et la notion de création l'implique, il doit nécessairement être un analogue de Dieu. Rien qu'un analogue, car si l'on compare l'être par soi à l'être causé dans son existence même, on obtient deux ordres d'êtres qui ne sont susceptibles ni d'addition, ni de soustraction : ils sont, rigoureusement parlant, incommensurables, ...
É. Gilson, L'Esprit de la philosophie médiévale,t. 1, 1931, p. 99. 25. ... l'homme n'est rien de plus que l'un des êtres dont se compose l'univers que nous avons décrit : un analogue de Dieu, doué d'activité et d'efficace causale dans la mesure où il est être et conduit par la providence divine vers la fin qui lui est propre.
É. Gilson, L'Esprit de la philosophie médiévale,t. 1, 1931p. 173. DÉR. Analogué, subst. masc.,philos. (thomiste et néothomiste). Modèle exemplaire (cf. J. Maritain, Primauté du spirituel, 1927, p. 107). Prononc. : [analɔg]. Enq. : /analo2g/. Étymol. ET HIST. − 1503 « qui a de l'analogie avec » (Le Guidon en françoys, 156b, édit. 1534 d'apr. Vaganay ds Rom. Forsch., t. 32, p. 9 : Selon d'aucuns le terme analogue est moyen entre l'univoque et l'équivoque).
Empr. au gr. α
̓
ν
α
́
λ
ο
γ
ο
ς « proportionnel, qui est en rapport avec » (Platon, Tim., 69b ds Bailly); attesté également ds Varron, Ling., 8, 32 ds TLL s.v., 16, 39.
− Analogué, 1927, supra. STAT. − Fréq. abs. litt. : 2 489. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 4 649, b) 2 087; xxes. : a) 2 989, b) 3 701. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bénac 1956. − Bruant 1901. − Colin 1971. − Dup. 1961. − Fér. 1768. − Foi t. 1 1968 (et s.v. analogué). − Foulq.-St-Jean 1962. − Lal. 1968. − Lav. Diffic. 1846. − Littré-Robin 1865. − Mar. Lex. 1933. − Mar. Lex. 1961 [1951]. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Miq. 1967 (s.v. analogon). − Plais.-Caill. 1958. − Ritter (E.) Les Quatre dictionnaires français. Remarques lexicographiques. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 346. − Springh. 1962. − Thomas 1956. |